Construire, aménager, améliorer la ville est aujourd’hui devenu un acte de bravoure ! Le maire bâtisseur, encore salué il y a six ou sept ans, est désormais qualifié de maire bétonneur quand il n’est tout simplement pas accusé d’écocide alors même qu’il ne fait qu’appliquer la loi, le droit de l’urbanisme et qu’il contribue à permettre à des familles de se loger et de vivre dignement.

Notre pays va devoir faire face à la plus importante crise de l’offre de logements depuis des décennies, il est donc urgent de rendre ses lettres de noblesse à l’acte de construire et de rebâtir un écosystème propice à la relance du logement.

Depuis 20 ans, les prix du logement ont augmenté beaucoup plus vite que les revenus. C’est le premier poste de dépense des ménages français. Les 10 % les plus modestes y consacrent même 40 % de leur budget… Parler de logement, c’est donc, avant tout, parler du pouvoir d’achat et de la qualité de vie des Français.

Ces enjeux méritent que l’on s’en saisisse et que l’on porte des propositions ambitieuses et pragmatiques, y compris dans le cadre de la campagne présidentielle.

1 – Instaurer une bonification des recettes fiscales en fonction de l’augmentation de la population

Soyons francs, la suppression de la taxe d’habitation a été une erreur du point de vue de la construction. Elle a ôté tout intérêt pour une commune à accueillir de nouveaux habitants. Elle a transformé des citoyens contributeurs en citoyens consommateurs.

Pour autant, parce qu’elle est un succès populaire, personne ne reviendra dessus.

Quant aux primes aux maires bâtisseurs, par nature ponctuelles, elles ne règlent pas la question des coûts de fonctionnement des infrastructures dans la durée, véritable défi pour le bloc communal.

Pour relancer la construction et diversifier l’offre de logements, il faut redonner de la visibilité dans la durée aux communes, paupérisées depuis 10 ans. Il faut également garantir à celles qui font l’effort de construire, de nouvelles recettes pérennes en fonctionnement.

Très concrètement, je propose d’instaurer une bonification de la compensation de la taxe d’habitation versée par l’Etat aux communes égale à l’augmentation de la population sur une période de 15 ans.

Sans impact sur les communes qui perdent des habitants, cela permettrait à celles ayant gagné 10 % de population ces 15 dernières années de voir leurs recettes majorées de 10 %.

Autre avantage : permettre aux communes d’anticiper, en fonction de leurs recensements annuels, l’évolution de leurs recettes lorsqu’elles se lancent dans des projets de restructuration urbaine.

2 – Confier aux maires la gestion des attributions de logements sociaux

Obtenir un logement social relève du parcours du combattant. Avec des délais d’attente compris entre huit et dix ans, on comprend la détresse de certaines familles et leur incompréhension lorsqu’elles voient des logements sociaux construits dans leurs communes qui ne leur bénéficient pas forcément.

Comment peut-on demander aux communes de porter une politique du logement et leur dénier d’avoir en même temps une politique de peuplement ?

Cette situation appelle une réflexion globale, mais n’exclut pas des mesures immédiates finalement assez simples à enclencher.

Très concrètement, je propose de déléguer l’attribution des contingents de l’Etat et d’Action Logement aux communes. Faisons confiance aux territoires et redonnons la main aux maires.

Un premier pas a été fait en ce sens par le Premier ministre, Jean Castex, lorsqu’il a annoncé que les contingents Etat seraient confiés aux maires dans les quartiers des gares du Grand Paris pour leur première attribution. C’est bien la preuve que cela est possible !

3 – Plafonner le prix du foncier en zone tendue

Dans les zones tendues, le prix de sortie final d’un bien est essentiellement déterminé par le coût du foncier. Les gains sur les process de construction sont marginaux et les coûts de construction vont continuer à augmenter au fur et à mesure des nouvelles réglementations thermiques et énergétiques.

Par ailleurs, on constate que l’encadrement des loyers ne résout rien et, au contraire, « assèche » l’offre.

Il est donc impératif de maîtriser le coût du foncier. C’est ce que fait, par exemple, l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France pour accompagner la production de logements. De la même manière, je propose de systématiser les ventes à prix fixes des terrains du secteur public et de plafonner les montants des cessions de terrains privés sur certains périmètres particulièrement tendus.

En effet, refuser de mettre un terme au dumping financier ne rend possible la concrétisation d’opérations qu’à coup de subventions publiques (qui viennent servir des intérêts particuliers) et cela génère des prix de vente devenant inaccessibles aux classes moyennes et populaires, ainsi qu’une qualité du bâti à la baisse.

4 – Dynamiser le marché de la « location durable »

Nous manquons de logements et pourtant certains restent inoccupés dix mois de l’année sur douze. Les locations de courtes durées via les plateformes de location en ligne fleurissent car il est plus rentable et plus sûr pour les propriétaires de louer temporairement leur bien. C’est finalement la double peine avec une concurrence déloyale pour l’industrie hôtelière et un marché grippé.

Pour le rééquilibrer, nous devons rendre fiscalement plus intéressante la location à l’année que la location saisonnière et mettre en place un système de garantie automatique des loyers impayés pour les propriétaires. La 5ème puissance mondiale serait-elle incapable de faire ce que propose Airbnb ?

5 – Resolvabiliser les foyers modestes avec un crédit attaché au bien et non à la personne

L’accession à la propriété reste un objectif primordial pour de nombreux foyers.

Le PTZ pour utile qu’il soit cible, pour sa part, les ménages primo accédants, mais ne permet ni de les resolvabiliser ni de faire baisser le coût du logement dans leurs dépenses incompressibles. Il faut donc élargir la palette des aides permettant l’accession à la propriété.

En France, le prêt à l’habitat est un prêt à la personne et non à la pierre : la solvabilité financière des ménages est ainsi conditionnée par le revenu disponible, les conditions d’emprunt et l’apport en fonds propres

Il faut changer de paradigme en permettant de faire porter l’emprunt sur le bien et non plus sur la personne avec des emprunts de très long terme, garanti par l’Etat ou ses outils tels que, par exemple, la Banque des Territoires. C’est le bien immobilier qui est endetté et non l’acquéreur.

En cas de non-remboursement le bien peut être récupéré et l’emprunteur ne se retrouve pas en situation de défaut. Lorsque l’acquéreur revend le bien, il profite de la plus-value. Lors de la revente le prêt suit le bien. Le nouvel acquéreur peut soit le conserver en tout ou partie.

Il s’agit d’un progrès social majeur qui permettrait de : resolvabiliser les ménages, faciliter l’accès à la propriété et de réduire l’endettement immobilier des ménages.

Ce type de prêt existe déjà et fonctionne en Suède ou en Suisse. Nous pouvons donc le faire !

Jean-Philippe Dugoin-Clément
Président de l’EPF Ile-de-France

Le logement est au cœur de la cohésion sociale ! par... Jean-Philippe Dugoin-Clément