Quels enseignements retenez-vous des chiffres relatifs au marché français de l’investissement en immobilier résidentiel publiés par ImmoStat pour le premier semestre 2024 ?

Le marché du résidentiel est un marché qui fonctionne, à l’image de celui de la logistique. Il n’est pas à l’arrêt, ce qui est un signe positif. En revanche, il reste divisé en deux segments aux dynamiques différentes : la Vefa et l’existant. La Vefa reste bloquée depuis deux ans, coïncidant avec l’augmentation des taux de financement. Les promoteurs ne parviennent plus à vendre, que ce soit à la découpe ou en bloc, sauf à CDC Habitat ou Action Logement. Entre les prix demandés par les promoteurs et ceux que les investisseurs institutionnels sont prêts à débourser pour la vente en bloc, il subsiste un « gap » non comblé. En revanche, concernant l’existant, le marché fonctionne bien mieux, avec des prix qui se sont stabilisés depuis septembre 2023. Il y a, à la fois, des vendeurs et des acquéreurs. Les vendeurs sont principalement des compagnies d’assurances, arbitrant des actifs majoritairement localisés à Paris et en Ile-de-France. AXA, Generali, Allianz et CNP Assurances vendent beaucoup. CDC Investissement Immobilier s’est également distingué au cours de ce premier semestre en réalisant le plus important volume de cessions unitaires. Côté acquéreurs, le marché est en grande partie dominé par les opérateurs de court terme, qui achètent en bloc pour revendre ensuite à la découpe. A noter la forte activité des bailleurs sociaux, ainsi qu’une politique de préemption plus active de la part de la Mairie de Paris. Quelques investisseurs de long terme sont également présents, mais ils restent marginaux.

Quelles observations faites-vous à propos du marché du résidentiel géré ?

Le résidentiel géré se divise en trois catégories : les résidences seniors, étudiantes et le coliving. Les résidences seniors pâtissent depuis quelques mois d’un certain attentisme de la part des investisseurs, alors même qu’elles ont été très prisées et ont fait l’objet d’un fort engouement de la part de ces mêmes investisseurs. Ce net ralentissement a plusieurs causes : déjà, il s’agit d’un marché de Vefa, donc davantage à la peine ; ensuite, certaines résidences enregistrent des taux d’occupation décevants, ce qui décourage les investisseurs ; enfin, un certain nombre d’exploitants de ce type de résidences rencontrent des problèmes de rentabilité, ce qui entraîne beaucoup de mouvements et de « turn-over » parmi les exploitants. Les résidences étudiantes, quant à elles, suscitent toujours un fort attrait pour les investisseurs, nationaux et internationaux. Néanmoins, les investisseurs restent très sélectifs et sont à la recherche de gros volumes, à partir de 200 chambres, avec des normes environnementales quasi-exemplaires et des localisations dans des marchés tendus. Pour le coliving, le nombre de transactions reste encore modeste, mais cette classe d’actifs suscite toujours un fort intérêt de la part des investisseurs car les sous-jacents sont excellents et les besoins conséquents. En revanche, l’offre a du mal à suivre la demande des investisseurs, ce qui réduit le nombre de transactions enregistrées.

Quelles sont vos perspectives pour le second semestre ?

En 2023, le volume de transactions a atteint environ trois milliards d’euros, chiffre quasi-identique à celui de 2022 (5,4 milliards d’euros). En sachant que ces 5,4 milliards intégraient le « deal » Lamartine, entre CDC Habitat et CNP Assurances, pour 2,4 milliards. Pour 2024, nous estimons un « trend » également de trois milliards d’euros. A partir de 2025-2026, nous espérons une reprise des opérations en Vefa, même si les élections municipales de 2026 devraient bloquer l’octroi de permis de construire un an avant cette échéance. Affaire à suivre…

Trois questions à… Florence Semelin (JLL)