Pourquoi ce choix d’un grand groupe immobilier de regrouper les activités promotion ?

Il nous a paru évident, avec Thierry Laroue-Pont, de réunir, sous une même direction, l’ensemble des activités de promotion (résidentiel, immobilier d’entreprise et grands projets, ndlr). Cette décision nous a semblé évidente car elle répond à la commande politique, publique actuelle de ne plus compartimenter les projets. Lorsque nous nous positionnons sur des appels d’offres, ceux-ci sont de plus en plus « désilotés », mixtes, mêlant l’ensemble des produits : accession, intermédiaire, tiers lieux, bureaux commerces, et la liste n’est pas exhaustive. Aussi, pour simplifier et enrichir la réponse à cette attente, nous nous sommes réorganisés et tournés vers nos clients, non seulement ceux situés, comme les acteurs publics, « en amont », mais aussi ceux, investisseurs, clients particuliers, situés en aval. Les portefeuilles mixtes répondent à leurs nouvelles exigences. Nous sommes, sans doute, l’un des tous premiers opérateurs à avoir restructuré nos activités de promotion en cohérence avec les besoins du marché.

Cela veut dire que les produits que vous allez développer seront très différents ?

Le marché est, pour l’heure, en « réaction » à la crise et vraisemblablement en « mode pause », mais les besoins de demain apparaissent peu à peu. Ces besoins seront, en termes de produits, d’appétence au risque, différents de ceux que nous développions avant le Covid. Cette nouvelle organisation nous permettra de mieux anticiper cette demande en évolution.

Quand ce « marché en pause » va-t-il, selon vous, redémarrer ?

Sans doute pas avant 2022, l’année 2021 étant, selon moi, une année de transition. L’arrivée du vaccin va faire peu à peu revenir la confiance, mais nous ne serons plus, en tout état de cause, en présence des mêmes attentes. Les critères « climat » et RSE seront en première ligne des nouveaux critères recherchés. L’« humain » sera remis au centre dans l’immobilier de bureau comme ce fut le cas dans le logement. De vrais espaces extérieurs pour les bureaux, des ouvertures, tout cela va s’imposer. Les sujets santé, mais aussi réversibilité, avec la possibilité de faire évoluer nos immeubles, seront essentiels. La porosité entre ces deux « mondes » de l’immobilier est évidente. Ceci, pour une ville durable et humaine.

Et comment fait-on ?

En abordant les opérations par le prisme de l’humain, tout en veillant à respecter l’équation financière sans laquelle nous ne pouvons pas bâtir des projets. Penser bien-être au bureau, être créatif, sont des obligations. Dans l’organisation que nous mettons en place actuellement, nous avons cette volonté d’aller plus loin, en inculquant aux équipes cette culture d’entreprise et ces valeurs.

Quel regard portez-vous sur l’année immobilière 2020 ?

L’année qui vient de s’écouler fut une année particulière, marquée par un mot sans doute : l’attente. Attente sur la situation économique et sanitaire, attente sur le devenir du moral des ménages… 2020 fut, si l’on devait la qualifier, à la fois « une année en suspens » et une « année d’accélération ». Le confinement, la lente reprise, le reconfinement ont entraîné, pendant un temps long, le ralentissement des opérations et créé un trou d’activité dans l’offre de logement. Puis, le premier confinement a suscité la réflexion chez de nombreux Français et, à l’issue de cette première période, une hausse des projets d’acquisition, de nouvelles envies se sont manifestées. Le logement s’est alors placé au centre des préoccupations d’une large part des ménages, de manière encore plus prégnante qu’auparavant et ce, en dépit des difficultés, familiales notamment, qui ont pu être rencontrées. Le besoin de projet, de réalisation, d’épanouissement est manifeste. Une volonté de vivre, tout simplement !

Comment cela s’est-il traduit pour le pôle promotion résidentiel de BNP Paribas Immobilier ? *

Nous avons vu, dans nos espaces de vente, le retour de ménages qui avaient des projets d’achat avant la crise et l’arrivée de nouveaux ménages, de nouvelles demandes. Malgré le marasme environnant, nous avons été rassurés : la volonté de concrétiser un projet immobilier est bien présente. Ceci dans un contexte de taux du crédit toujours extrêmement bas — même si l’accès au crédit est plus difficile qu’auparavant — et un niveau d’offre de logement faible, en lien avec le nombre de reports de lancements prévus en 2020 sur 2021. Par ailleurs, le confinement a fait prendre conscience à certains des « défauts de leur logement » : trop petit, pas d’espaces extérieurs… de nouveaux critères sont apparus, qui nous conduisent aujourd’hui à apporter de nouvelles réponses.

À combien peut-on chiffrer ce recul de l’offre ? La FPI évoque le chiffre de 40 %…

En 2020, en effet impactés par les volumes de production, les chiffres sont en repli de 40 % par rapport à l’an dernier ; le nombre des réservations est, quant à lui, en retrait de 30 %.

Avez-vous vendu en bloc ?

Nous n’avons pas choisi cette option. Ma conviction était que la raréfaction de l’offre, liée à la crise sanitaire, aux retards dans les attributions de permis de construire en lien notamment avec le report des municipales et à l’achat de nombre de programmes en bloc, entraînerait une demande forte sur nos propres programmes. Cela s’est avéré puisque lorsque nous avons lancé nos projets à la commercialisation, les clients étaient là, dans un contexte où l’offre disponible à la vente aux particuliers était devenue rare.

Quelle est la typologie des clients sur vos programmes ?

La typologie a évolué par rapport aux années précédentes puisque jusqu’alors, on trouvait une moitié d’investisseurs et une moitié d’accédants à la propriété. Cette année, l’accession représente entre 65 et 70 % des acheteurs.

Y a-t-il une évolution dans la stratégie « géographique » de votre groupe ?

En résidentiel, nous sommes aujourd’hui très implantés en Ile-de-France, dans les métropoles de Lyon, de Nice, de Marseille et de Bordeaux. En immobilier d’entreprise, en plus de la région parisienne, nous avons actuellement des projets à Bordeaux, Marseille et Lille. Au niveau international, l’activité de promotion est présente dans les pays limitrophes tels que l’Allemagne, l’Espagne ou bien le Royaume-Uni et le Portugal.

L’exode urbain n’est pas pour tout de suite ?

Le principe de réalité, en lien avec la difficulté d’être loin des centres urbains, semble avoir gagné pour nombre de salariés : longueur du temps de transport même s’il n’est pas quotidien, fatigue qu’il engendre. L’idée de « s’expatrier » loin, peut-être en changeant d’emploi et de vie, certains l’ont sans doute réalisé, mais c’est loin d’être un phénomène de masse.

Vous parliez malgré tout d’évolution dans les critères d’achat : de quelle manière allez-vous y répondre ?

Dès avril 2020, les équipes ont été réunies (à distance) pour réfléchir à la manière de répondre à la question du logement de demain et, notamment, à celle de l’obligation de prendre désormais en compte le sujet du télétravail. Nous avons mis en place un dispositif innovant qui sera, dans les mois qui viennent, intégré à toutes nos opérations. La crise a eu ici l’effet « accélérateur » précédemment évoqué : à la fois sur le fond et la forme des programmes que nous avions prévus de lancer. Cette stratégie « produits » s’adaptera au contexte inédit et à la demande de nos clients.

Comment cela se déclinera-t-il ?

Les équipes résidentiel de BNP Paribas Immobilier ont développé cinq innovations pour proposer des logements « post-Covid ». D’abord, la généralisation du « sans contact » dans tous nos programmes, grâce à une clé Vigik ou une application smartphone, qui permettra d’éviter de toucher les portes d’entrée ou les touches d’ascenseur qui s’ouvriront automatiquement. Ensuite, le recours au télétravail pendant le confinement a démontré la nécessité de proposer un accès à un wifi stable et accessible à tous, y compris les logements sociaux ; c’est un projet inclusif important à nos yeux. Le télétravail va se pérenniser, c’est pourquoi il faudra, en amont du programme immobilier, intégrer cette nécessité d’une connexion wifi. Autre volonté : généraliser un maximum d’espaces extérieurs accessibles. L’idée est de reproduire ce que nous savons bien faire en immobilier de bureau : des terrasses de toit végétalisées, animées. Au-delà du confort que favorise l’accès aux espaces extérieurs, l’objectif de ces lieux est aussi de créer du lien social au sein de l’immeuble. Quatrième innovation : la création d’un « pack télétravail ». Nous allons imaginer un « bureau mobile » dans chaque appartement, un aménagement hybride grâce à un mobilier multi-usages, avec les connexions informatiques nécessaires qui s’intégreront dans l’espace logement selon la volonté de l’utilisateur. La dernière innovation est donc cette réalisation de logements 100 % modulables dans le temps. Nous nous sommes pour cela associés à OWWI, une startup que nous soutenons depuis longtemps et qui propose des logements nouvelle génération visant à redonner la main aux réservataires des logements neufs sur la configuration de leur futur logement. Il leur sera ainsi possible de maîtriser totalement la personnalisation en ayant la possibilité de choisir l’emplacement des cloisons. Ils pourront y intégrer de nouvelles technologies puisque les cloisons, connectées à un profilé électrique innovant installé dans la partie haute du logement, peuvent accueillir de nouveaux éléments sans avoir à effectuer de travaux d’électricité. La configuration du logement restera évolutive dans le temps puisque les cloisons restent amovibles.

Quel est le surcoût généré par ces innovations ?

Le surcoût existe, mais nous avons décidé de ne pas l’imputer sur le prix de vente. Pour y parvenir, nos offres de charges foncières prennent en compte ce coût ; ensuite, ces sujets sont négociés très en amont avec les opérateurs qui nous accompagnent.

Des programmes ont-ils d’ores et déjà intégré toutes ces innovations ?

Le premier est un programme de 120 logements (50 % en accession et 50 % en logement social) à Clamart (92), où toutes ces solutions seront déployées. Nous allons ensuite les mettre en œuvre de manière industrielle dans toutes nos opérations à venir, soit pour les quelque 3 000 logements que nous produisons chaque année.

* En 2020, Olivier Bokobza n’était pas encore président de l’ensemble de la promotion chez BNP Paribas Real Estate

Photo Clamart
Illustration due à la libre interprétation de l’artiste, non contractuelle. Appartements, terrasses, balcons et loggias vendus non meublés. Architecte : Pietri Architectes — Illustrateur : Infime

Olivier Bokobza (BNP Paribas Real Estate) : "pour une ville durable et humaine"...