La présentation des conclusions tirées par le gouvernement des propositions faites par le CNR Logement a été ajournée, sans qu’une nouvelle date n’ait été communiquée. Savons-nous pourquoi ? Comment réagissez-vous à cette annonce ?

Le report a été annoncé le vendredi 5 avril à 18 h, un peu en catimini. A priori, la Première ministre souhaitait être présente à cette présentation, afin d’enchaîner directement sur des mesures immédiatement applicables. Or, son agenda ne lui permettait pas de se rendre disponible pour la date initialement prévue, mardi 9 mai. Ce serait l’explication la plus satisfaisante. Une autre, moins enthousiasmante, pourrait être que les arbitrages au niveau de Bercy n’ont pas été gagnés, ce qui réduisait de fait le nombre d’annonces à faire. Pour le coup, ce serait très inquiétant ! Cela signifierait, si un doute subsistait encore, que le gouvernement n’a toujours pas pris la pleine et entière mesure de la violence de la situation que traverse le logement en France.

D’après vous, quelles pourraient être les propositions les plus saillantes qui pourrait ressortir de ce CNR et être prochainement annoncées par le gouvernement ?

Je pense que le prolongement du PTZ (Prêt à taux zéro), mesure qui arrive à échéance dans sept mois, devrait être retenu ; toute la question réside dans l’amélioration de ce PTZ, avec l’ajout de conditions de verdissement ou encore sociales (plafonnement des loyers). Si le PTZ se transforme en Pinel +, avec des contraintes le rendant inapplicable, il ne présentera pas de grande utilité. C’est peut-être autour de ces questions que les arbitrages sont en train de se jouer. Le sujet de l’encadrement des prix du foncier est également évoqué : je ne pense pas qu’il s’agisse d’une réponse satisfaisante au regard de l’ampleur de la déflagration sur la baisse des volumes. C’est une mesure de moyen, voire long termes, pas immédiatement applicable. Je pense qu’il faut que le ministre du Logement, Olivier Klein, retienne des solutions efficaces et opérationnelles : le PTZ ou encore le statut du bailleur privé pour remplacer le Pinel. Je plaide également pour la mise en place d’un système qui inciterait les investisseurs institutionnels à revenir dans le logement (crédits d’impôts, baisse de TVA…). Il faut redonner de la rentabilité au logement dans cette période où les taux ont explosé. Il faut redonner de l’oxygène au marché !

La régulation du foncier, que l’adoption du dispositif ZAN symbolise, semble être dans l’air du temps. Or, cela entre en contradiction avec la nécessité de construire davantage de logements neufs afin de faire face à une demande qui ne faiblit pas. Comment résoudre cette équation ?

L’argument à la mode consiste à dire : puisque le foncier est cher, il faut réguler son prix. Or, c’est son manque de disponibilité qui renchérit son prix ; si l’on augmente les volumes, le prix du foncier sera automatiquement régulé. Ce raisonnement décroissant me surprend ! La France est en train de multiplier les contraintes écologiques que les autres pays ne s’appliquent pas eux-mêmes. L’immobilier en est le parfait exemple. Je pense que l’un des vrais soucis, c’est de prôner la décroissance en premier lieu, puis de réfléchir aux effets collatéraux ensuite. Prenons le ZAN : l’on interdit l’artificialisation de nouvelles terres agricoles, ce qui, au demeurant, est une chose plutôt positive, mais sans avoir pensé la requalification de sites industriels existants, la surélévation en ville, la densification. Néanmoins, je ne crois pas au 100 % réhabilitation. Bercy, pour justifier le manque de construction de logements neufs, argue que la croissance démographique est atone. Ce qui est une vision étriquée, car le dérèglement climatique va mécaniquement entraîner des mouvements de population colossaux en direction de l’Europe au cours des décennies à venir. Nous n’avons plus d’autre alternative : il faut impérativement construire de nouveau !

Norbert Fanchon (Groupe Gambetta) : « la surenchère décroissante me surprend ! »