Après un peu plus d’un an à la direction générale de Colliers en France, quel bilan général dressez-vous ?

C’est un bilan très positif tant sur le plan humain que professionnel ! J’ai découvert des collaborateurs accueillants, avec une véritable bienveillance et une forte envie d’apporter leurs savoir-faire à notre projet de déploiement. Colliers France dispose d’un savoir-faire extrêmement qualitatif sur l’ensemble des métiers qui accompagnent nos clients utilisateurs. Nous nous appuyons sur leurs compétences pour développer les métiers propres de la transaction et apporter un conseil différent à nos clients investisseurs et promoteurs.
Parallèlement, nous avons la chance de bénéficier d’un groupe qui nous accompagne et nous soutient dans notre plan de développement en nous accordant une large autonomie et une grande confiance. Cet environnement nous confère une véritable agilité favorisant la mise place d’une organisation pertinente et adaptée aux nouveaux enjeux de notre marché immobilier.

Durant ce premier exercice, nous avons structuré le pôle transactions et effectué le recrutement de plus d’une cinquantaine de talents sur nos différentes lignes de métiers : «tenant representation », « corporate solutions », agence, investissement et « business development », tout en assurant un chiffre d’affaires en adéquation avec nos objectifs financiers.

Dans un contexte de marché marqué par les aléas de l’économie, nous sommes en ordre de marche pour aborder sereinement l’année 2023 !

Quels résultats en matière de commercialisation ?

L’année 2022 a été très active ; elle nous a permis de réaliser un volume de transactions de 125 000 m2 toutes surfaces confondues, avec des clients de premier plan tels que Dassault Systèmes chez AG2R pour 4 800 m2 ou CenterView chez Atland pour 1 800 m2 ou encore L’Occitane pour 2 500 m2 chez Nuveen. L’an passé a été également marqué par une performance soutenue en transactions supérieures à 5 000 m2 avec des clients tels que EY sur 28 000 m2 chez Primonial, Allianz Trade pour 22 000 m2 chez BNP Paribas Promotion, Nokia pour 12 000 m2 chez STE ou encore SAP sur 28 000 m2 chez La Française AM. Aujourd’hui, nous sommes heureux d’afficher, d’ores et déjà, une position de quatrième sur le segment des transactions supérieures à 5 000 m2 en Ile-de-France !

Nous avons pu pleinement bénéficier du collectif Colliers et de notre culture du chaînage entre nos différents métiers en intensifiant les échanges et en développant des réponses à 360° toujours plus qualitatives pour la plus grande satisfaction de nos clients. Finies les organisations en silo connues dans nos anciens groupes qui incitent la prédominance des intérêts individuels et la compétition interne… Place à la bienveillance, au partage des compétences et au succès collectif : ces valeurs sont, sans nul doute, au cœur des motivations des 150 talents qui nous ont rejoint depuis deux ans.

Quelles nouvelles grandes demandes ?

Nous poursuivons sur l’élan de l’an dernier et avons, d’ores et déjà, conclu trois transactions de premier plan : un fonds d’investissement sur le 3, place de l’Opéra de Gecina sur 4 500 m2 qui est LA transaction « prime » de ce marché ; un groupe industriel sur l’immeuble « Yuma », propriété de Fréo à Châtillon (92) sur 11 000 m2 et une autre sur le 39, rue du Colisée (6 000 m2), qui sont les premières transactions supérieures à 5 000 m2 sur le marché ! Parallèlement, nous avons déjà placé sous protocole en exclusivité plus de 90 000 m2 de bureaux en Ile-de-France au 1er trimestre 2023 et poursuivons sur cette forte dynamique avec plus d’une quinzaine de missions exclusives, complétées par de nombreux sujets avec la sphère publique à travers notre mandat exclusif avec l’UGAP et notre contrat avec la Direction Immobilière de l’Etat.

Et côté conseil à l’investissement, quels résultats ? Quels nouveaux mandats ?

Là encore, nous pouvons parler d’une évolution exceptionnelle puisque nous sommes passés d’un unique collaborateur fin 2021 à près d’une vingtaine début 2023 avec des compétences abouties sur les actifs bureaux, résidentiels ou les actifs gérés, la logistique et les marchés en régions. L’an dernier, nous avons sécurisé plusieurs «sale and lease back » avec, notamment, un premier portefeuille d’actifs industriels cédé par Colas, la plateforme logistique de 3M à Saint-Ouen l’Aumône (95) ou la cession d’un actif dans le cadre d’une transformation bureaux/logements à Créteil (94) pour le compte de Valéo.

Cette équipe a apporté à Colliers un nouveau rayonnement et de nombreux investisseurs nous font confiance sur l’ensemble des typologies d’asset à l’image de Perial, Corum, Arkea, Fiducial, Icade, Swiss Life, BNP Paribas REIM…, permettant d’avoir en portefeuille de ventes un volume de près d’un milliard d’euros.

Rappelons que Colliers France fait partie d’un groupe international dont la force de frappe sur le marché du « capital markets » au niveau inter- national est massive : en 2022, nous étions plus de 2500 personnes avec 100 milliards d’euros transactés. C’est un levier important pour le développement de notre activité et la satisfaction de nos clients, notamment sur l’aspect « sourcing » de capitaux étrangers dans un momentum de marché où l’accès à la dette est limité et cher…

Comment voyez-vous évoluer ces marchés cette année ?

En 2022, le marché des bureaux en Ile-de-France a affiché un certain allant avec 2,1 millions de mètres carrés transactés et une prédominance du quartier central des affaires (QCA). Le marché se décompose clairement entre Paris et deux autres catégories de secteurs en périphérie : d’un côté, ceux qui affichent un taux de vacance normalisé (inférieur à 8 %, la moyenne régionale) et d’autres où, en dépit d’une meilleure tenue des commercialisations, le stock explose. C’est le cas de la périphérie de La Défense ou de la Première Couronne Nord avec des taux de vacance qui dépassent aujourd’hui les 20 %.
En terme de prises à bail, ce début d’année est assez calme avec un faible renouvellement de la demande et des prises de décision au ralenti comme en témoigne une première signature de plus de 5 000 m2 sur le marché francilien intervenue seulement mi- février et réalisée par les équipes Colliers. Il faut dire qu’il est compliqué d’avoir une vision positive en ce moment avec un environnement marqué par la guerre, la crise de l’énergie et une forte inflation qui entraînent un ralentissement de la croissance du PIB au quatrième trimestre 2022 et un risque de récession sur le premier semestre 2023. Il existe, cependant, de nombreux signaux plus positifs qu’imaginés il y a encore quelques mois : une Bourse qui flirte avec ses plus hauts historiques, des entreprises avec des carnets de commande remplis, un nombre de défaillances d’entreprises inférieur à la période pré-Covid, un taux de chômage toujours assez faible… Nous ne sommes pas dans un contexte de réduction des coûts stricto- sensu, mais plutôt dans l’adaptation de l’outil immobilier aux nouvelles conditions de travail et au besoin d’attirer et de retenir de jeunes talents.

A propos des valeurs locatives, les secteurs de Paris QCA et Opéra vont continuer à progresser bénéficiant d’une rareté de l’offre toujours plus criante et l’apparition d’une forme d’ultra « prime » pour des entreprises très exigeantes à la recherche de la « perle rare », à l’image de notre signature sur le 3, place de l’Opéra, propriété de Gecina. Nous sommes plus prudents sur les autres arrondissements alternatifs de Paris sur lesquels nous voyons arriver une offre massive avec des loyers attendus ambitieux alors même que la typologie des utilisateurs attirés par ce secteur subit un certain ralentissement dans leur croissance. Sur les secteurs de Première Couronne, La Défense connaît un renouveau d’attractivité portée par de très belles opérations neuves livrées, à l’image de « Trinity », « Alto » ou « Hekla », avec des conditions économiques attractives…

Et le marché de l’investissement ?

Coté investissement, les mauvais résultats du quatrième trimestre 2022 (5 milliards d’euros placés seulement) laissaient craindre un début d’année au ralenti…, c’est une réalité. La remontée rapide et brutale de l’OAT et des coûts de financement à l’été 2022 et leur maintien à des niveaux élevés perturbent le raisonnement des investisseurs et modifient totalement les paramètres de leur équation économique. Aujourd’hui, il est difficile de trouver un point d’équilibre financier entre des acheteurs attentistes avec un recours à la dette extrêmement compliqué et des vendeurs qui ne souhaitent pas acter une baisse de leur prix de vente initialement envisagé. Nous pensons que le second semestre sera plus actif avec, certainement, un début de normalisation des taux de rendement associée à la nécessité accrue de certains propriétaires d’acter des ventes (problématique de refinancement, besoin de capex pour financer des travaux, maturité des fonds…) et des acquéreurs, notamment les fonds « retail », qui devront obligatoirement placer leurs liquidités pour assurer la poursuite de leur collecte et la distribution des rendements attendus.

Allez-vous poursuivre vos recrutements ?

Après une très forte année 2022 sur le plan des recrutements, nous allons poursuivre le développement de l’agence bureaux et resterons très attentifs pour de nouveaux profils complémentaires dans nos autres lignes de métier…
Nous nous inscrivons à contre-cycle du marché et des grandes majors du secteur ; c’est un moment finalement assez propice pour capter les meilleurs talents. Ces derniers mois, nous avons ressenti une hausse sensible de notre attractivité portée par nos succès, mais aussi par la très bonne ambiance qui règne au sein de nos équipes…

Quel objectif global à terme ?

Pour parler chiffres, notre plan stratégique 2021- 2025 porté par Antoine Derville, président de Colliers en France, est de doubler le chiffre d’affaires. Nous sommes pleinement dans cette dynamique avec une performance de 82 millions d’euros de chiffres d’affaires générés en 2022. Cette croissance passe nécessairement par une contribution plus marquée du pôle transactions. La complémentarité de cette activité avec celle du conseil, du « workplace » et « change management », et de notre pôle « project » (conception et aménagement d’espaces) nous donne une place singulière sur le marché du « brokerage ».

Nous souhaitons mettre cette expertise reconnue auprès des utilisateurs au service des investisseurs et des promoteurs pour leur délivrer une qualité optimale de conseil et insuffler un autre regard sur notre métier et sur l’immobilier tertiaire en général…

Ludovic Delaisse (Colliers France) : « de nombreux signaux plus positifs qu’imaginés »