Comment la production de crédits immobiliers s’est-elle portée en 2023 ?

Elle a baissé de 41 % l’année dernière. Depuis avril 2022, elle ne cesse de décroître. Le record de crédits distribués en un mois a pu atteindre 24,7 milliards d’euros par le passé ; en mars, ils ont plafonné à 8,6 milliards (une chute de 65 % depuis mars 2022 !). Les normes du HCSF, relativement contraignantes, ralentissent la reprise en bridant une grande partie d’emprunteurs potentiels. Les ménages ont également tendance à se censurer d’eux-mêmes, échaudés par la communication négative et l’atonie ambiante du marché. Enfin, le gouvernement ne mène absolument pas une politique en faveur d’une France de propriétaires.

Les taux semblent enfin se stabiliser, voire amorcer un début de déclin (-0,10 point en mai). Cela vous semble-t-il encourageant pour une reprise ?

La tendance actuelle est effectivement baissière, ce qui pourrait sous-tendre un frémissement pour une reprise prochaine. Il va tout de même falloir attendre au minimum jusqu’à juillet, voire la rentrée de septembre, pour vérifier si la légère reprise constatée se traduit dans la distribution de crédits. Néanmoins, les agents immobiliers s’accordent à dire qu’il y a davantage de passage au sein de leurs agences, plus de visites, plus d’appels… Nos chiffres confirment également cette tendance ; le premier quadrimestre 2024, en termes d’activité, est meilleur que le dernier quadrimestre 2023. Rendez-vous dans trois à six mois pour vérifier si la tendance se confirme et la courbe de crédits repart définitivement à la hausse !

Vous êtes vent debout contre l’abandon de la réforme du HCSF. Pourquoi ?

Oui, car nous nous sommes aperçus que les normes du HCSF, qui étaient initialement davantage des recommandations, sont devenues avec le temps des normes juridiquement contraignantes. Or, nous souhaitons qu’elles reviennent au stade de simples conseils, recommandations, orientations. Sous peine de se voir infliger des amendes, les banques n’ont aujourd’hui plus le droit de prêter au-delà d’un taux d’endettement de 35 %. La marge de dérogation de 20 % de la production de crédits des banques nous semble trop faible, car elle exclut une partie des emprunteurs et, notamment, les investisseurs. Tout cela est nuisible pour le secteur immobilier dans son ensemble, y compris pour ceux cherchant à louer, puisque sans investisseurs pour acheter des appartements et les mettre en location, il n’y a plus de nouveaux biens qui entrent sur le marché. Tout se grippe ! Le HCSF doit laisser les banques juger de la pertinence d’octrois de prêts, d’autant que beaucoup d’études démontrent que le surendettement ne concerne que très rarement les propriétaires. Nous sommes bien loin de la formation d’une bulle spéculative immobilière en France.

Quelle est votre opinion sur l’action gouvernementale en matière de logements ?

Mon avis est que l’action de l’exécutif est très limitée. Il n’y a qu’à se référer au dernier projet de loi du ministre Guillaume Kasbarian pour s’en convaincre : il ne s’intéresse qu’au monde HLM et aux logements intermédiaires, en mettant de côté le parc privé et les dispositifs d’aides à l’accession à la propriété. Même le PTZ (prêt à taux zéro) a été profondément modifié. Les propriétaires sont encore mis de côté, délaissés, oubliés. Beaucoup de pays européens ont une part de propriétaires beaucoup plus importante que la France, ce qui devrait collectivement nous interroger. Rien de concret ou de tangible n’est proposé par le gouvernement en la matière. Il ne faut pas oublier que pour faire sortir des habitants du parc HLM, objectif qui tient manifestement à cœur au gouvernement, il faut qu’ils puissent se reloger ailleurs, en allant dans un parc privé actuellement saturé ou en accédant eux-mêmes à la propriété. Or, rien ne remplit aujourd’hui ces deux conditions…

Julie Bachet : "le HCSF doit laisser les banques juger du bien-fondé des prêts !"