Où en sommes-nous en matière d’immobilier bas carbone en France ?

Guillaume Poitrinal : on peut être, collectivement, fiers de ce qui a été réalisé sur l’immobilier bas carbone dans notre pays, de Nexity à WO2 en passant par beaucoup d’autres. En dix ans, nous assistons à une transition douce et heureuse. Quand, avec Philippe Zivkovic, dont l’action a été déterminante, nous avons créé Woodeum, on nous regardait avec prudence… et circonspection. Aujourd’hui, la question de la construction bois, et de la démarche bas carbone, n’est plus remise en question par qui que ce soit. On le verra, je crois, de manière éclatante au Sibca. Et les projets d’envergure se multiplient, dans le collectif bien sûr : Rueil-Malmaison, Issy-les- Moulineaux, Meudon, Saint-Denis, Bordeaux, la liste est si longue qu’elle serait fastidieuse. Le bas carbone va devenir la priorité absolue pour toute la filière. Et la situation actuelle va encore rendre plus éclatante cette obligation.

« La forêt française peut être exploitée écologiquement et financièrement grâce à un prélèvement sélectif, le choix d’essences multiples »

Pourquoi avoir écrit « Pour en finir avec l’apocalypse » ?

J’ai écrit ce livre pour, d’abord, en finir avec la sinistrose et dire combien nous avons réalisé de progrès majeurs sur ce sujet. Et que beaucoup reste à faire, bien sûr ! Mais, très franchement, j’estime que le secteur immobilier peut constituer un modèle pour toute l’économie française. L’ensemble de la filière s’est prise en main, passant d’une culture marquée profondément par le béton à une autre manière de penser et de concevoir. L’association BBCA a évidemment beaucoup fait, mais tous les acteurs ont vraiment joué le jeu. Et les normes mise en place ont pu être inspirées par la filière elle- même. Nos immeubles deviennent des puits de carbone. Et n’oublions pas que, historiquement, on a beaucoup construit en bois en France. Nos immeubles haussmanniens parisiens, qui font la gloire de nos rues et avenues sont (au-delà de la façade) essentiellement construits… en bois ! Ce n’est donc pas un matériau que nous découvrons, même si, bien sûr, depuis le 19ème siècle, la technique a beaucoup évolué… et progressé.

Aujourd’hui, que représente la production BBCA dans notre pays ?

Nous étions, difficilement, à 2 % il y a cinq-six ans … aujourd’hui, nous atteignons les 5 %. Mais dans le secteur résidentiel, je pense que nous atteindrons (au moins !) les 30 % dans les cinq ans, et peut être même la moitié. Quand on parle de « révolution », ce n’est donc pas tout à fait inapproprié.

Quelles sont les conséquences sur les prix ?

Elles sont, en fait, faibles : par exemple, Woodeum vend sa production au même prix – ou à peu près – que les autres acteurs. Car certains surcoûts sont compensés par des gains en termes de temps et de contraintes, par exemple.

Parlons du bois, qui n’est certes pas le seul matériau BBCA, mais qui vous concerne directement ?

Nous vivons, là aussi, une révolution du gros œuvre bas carbone. La filière bois-construction s’organise et c’est une bonne chose. Aujourd’hui, 40 % de nos approvisionnements sont français (nous en étions loin au début de notre action). C’est un fait : la forêt française peut être exploitée écologiquement et financièrement grâce à un prélèvement sélectif, le choix d’essences multiples. Nous sommes parfai- tement capables d’utiliser cet atout considérable que constitue la forêt française, en respectant naturellement le rôle essentiel des forêts et en bannissant les coupes rases !

Quelques mots sur WO2 aujourd’hui ?

WO2, c’est aujourd’hui 200 000 m2 de bureaux BBCA, avec autant de surface en (beaux) projets. 750 millions d’euros, grâce à notre fonds ICawood, seront investis en mars 2023. La caractéristique de nos immeubles, beaucoup situés dans l’ouest parisien, c’est du bois visible, des escaliers premiers jours (c’est mieux pour la forme!), beaucoup d’espaces extérieurs (terrasses et jardins), des potagers, des vergers. Avec toujours un travail supplémentaire sur les sources d’énergie. Notamment la géothermie, qui est une ressource incroyable. Nous aurons de plus en plus besoin de davantage de fraîcheur (cet été vient de nous le rappeler à nouveau) que de chaleur. La géothermie peut couvrir à elle seule 80 % de ces besoins. Rappelons-nous, qu’à Paris, la Maison de la Radio (qui n’est pas un minuscule immeuble ! ) fonctionne ainsi ! Nous avons beaucoup (beaucoup !) de grands projets en cours. Je citerai simplement la restructuration complète de l’Aquaboulevard, aux confins du 15ème arrondissement et d’Issy…

Je vous sens, dans un contexte plutôt mortifère par ailleurs, plutôt optimiste…

Oui, car si la science l’emporte sur l’obscurantisme (toujours présent naturellement), on peut gagner la bataille de l’écologie. Le consommateur européen peut changer le monde, s’il consomme d’abord, et en priorité, des produits bas carbone. Créons l’étiquetage bas carbone sur l’ensemble de ce que nous consommons. Il existe aujourd’hui une immense attente de la part des consommateurs eux-mêmes. Saisissons cette opportunité ! Nous avons, en France, la chance d’être bas carboné, grâce notamment à la production d’électricité d’origine nucléaire. Aujourd’hui, dans le monde en moyenne, la consommation est d’une tonne de charbon par personne et par an. Ce modèle n’est plus possible. Et nous avons, en France, la chance d’avoir créé un système totalement différent. Il faut donc le promouvoir et l’enrichir. Nous ne pouvons faire le choix du pessimisme et de la décroissance. Oui, l’homme a la capacité « de s’en sortir ». C’est aujourd’hui possible !

« Dans le résidentiel, nous atteindrons, dans cinq ans, les 30 % de production BBCA »

Extraits de « Pour en finir avec l’apocalypse »

Guillaume Poitrinal (WO2) : « le secteur immobilier peut être un modèle pour toute l’économie française »