Quel rapide portrait du marché tertiaire locatif francilien tel qu’il se présente depuis le début de l’année ?

Le marché francilien affiche un repli de 8 % par rapport à 2024 et de 16 % par rapport à la moyenne post-Covid sur les neuf premiers mois de l’année. En notant que ce socle d’activité reste porté par les petites et moyennes surfaces (jusqu’à 5 000 m2) qui constituent le cœur des transactions, tandis que les grandes opérations poursuivent leurs replis…

La périphérie continue-t-elle à mieux tirer son épingle du jeu que Paris intra-muros comme au 1er semestre ?

Oui, la périphérie continue de faire preuve d’une nette résilience, comme observé au premier semestre. Les volumes de transactions reculent sur les centralités, notamment dans Paris Centre Ouest et dans le reste de Paris intra-muros, tandis que la première couronne confirme son attractivité. Aujourd’hui, un tiers des grandes transactions se concentre dans Paris, contre deux tiers à l’extérieur de la Capitale, une tendance qui était déjà observée entre 2022 et 2023, avant que la prime à la centralité ne devienne une condition sine qua none pour les entreprises.
Dans un contexte économique contraint, marqué par des incertitudes politiques et une recherche accrue d’optimisation des coûts, le critère de centralité est relégué au second plan. Les dirigeants privilégient, désormais, des localisations plus accessibles financièrement et certaines entreprises n’hésitent plus à se tourner vers la périphérie pour échapper aux loyers parisiens jugés trop élevés.

De même, les grandes surfaces marquent-elles toujours le pas comme au cours des premiers mois de l’année ?

Effectivement, les grandes transactions sont en recul et devraient se limiter à environ 45 opérations d’ici fin 2025. Après un premier semestre très faible, avec seulement 17 transactions, le second semestre compense partiellement, mais l’activité sur les surfaces supérieures à 5 000 m² reste contrainte et principalement motivée par des démarches d’optimisation.

> AstraZeneca au sein d’« Arboretum » : un exemple de transaction réalisée par CBRE qui « confirme le dynamisme de la première couronne » @ BENOÎT TEILLET

Plus généralement, quelle prévision de volume global commercialisé sur l’ensemble de l’année ?

Nous maintenons une prévision d’environ 1,7 million de mètres carrés placés en Ile-de-France en 2025, dont 1,2 million de mètres carrés sur les petites et moyennes surfaces. En régions, nous anticipons un volume placé de 1,3 million de mètres carrés. En 2026, il n’y a pas nécessairement de raison intrinsèque d’anticiper une hausse ou une baisse des volumes. Les actifs « prime » résistent mieux, tandis que les immeubles standards voient leurs valeurs faciales davantage challengées.

L’appétence pour les bureaux est-elle toujours égale ?

L’appétence pour les bureaux n’a pas disparu, mais elle se traduit par une sélectivité plus accrue, une optimisation des espaces et une montée en puissance des solutions flexibles dans un contexte où l’attractivité des lieux devient un levier stratégique pour soutenir le retour au bureau. D’après notre dernière enquête « European occupier survey 2025 », plus de la moitié des entreprises européennes interrogées (54 %) sont favorables à une présence au bureau de trois jours et plus par semaine, mais seulement 42 % des entreprises y parviennent. En France, cela se matérialise par des renégociations d’accords d’entreprise liés au télétravail et un mouvement en faveur d’une réduction des jours de télétravail.
Il y a une tendance de fond orientée vers une flexibilisation des portefeuilles (coworking, « hostelling ») qui s’impose comme une réponse immédiate pour les dirigeants. Ces solutions présentent un double avantage car elles permettent de parer aux fluctuations d’effectifs liées au télé-travail, mais aussi de transformer des investissements conséquents en charges opéra tion nelles modulables.

Comment voyez-vous évoluer ce marché au cours des prochains mois ?

Nous anticipons une stabilisation sur le point bas de cycle dans lequel nous nous trouvons actuellement, à savoir des volumes maintenus sur un plancher résilient, des renégociations toujours nombreuses et une polarisation accrue entre actifs « prime » bien situés et immeubles standards. Côté offre, le stock immédiat dépasse désormais 6,1 millions de mètres carrés (dont environ un tiers en neuf ou restructuré), tandis que la vacance structurelle progresse à 1,8 million de mètres carrés, contre 1,6 million précédemment, soit près d’un tiers de la vacance totale.
Enfin, la vigilance est de rigueur sur certains sous-marchés parisiens avec un niveau de livraisons à trois ans conséquent…

Quelles perspectives pour les valeurs locatives ?

Les valeurs locatives sont sous pression et plusieurs causes impactent l’évolution positive des loyers : l’incertitude économique entraîne des répercussions sur les orientations stratégiques et les prises de décision des entreprises ; une inflation/indexation désormais faible et qui avait été moteur de la progression des loyers entre 2021 et 2024 ; une suroffre qui continue de progresser et qui pourrait continuer à alimenter ce stock ; un déficit de transactions, en particulier sur les grands projets et des volumes de transactions au plus bas ; la part importante de renégociations contraint le marché, tant sur le volume des transactions que sur les références de loyers ; les mesures d’accompagnement atteignent actuellement un niveau élevé, ce qui limite toute possibilité de nouvelle hausse des loyers faciaux afin de préserver l’équilibre économique des transactions.
L’ensemble de ces facteurs nous conduit à considérer que le marché se situe, au minimum, sur un palier et qu’il pourrait, pour certains secteurs, entrer dans une phase de contraction des loyers faciaux.

Quels résultats pour CBRE dans ce marché ?

Malgré un contexte exigeant, CBRE a accompagné plusieurs transactions emblématiques qui illustrent la dynamique sélective du marché. Dans Paris intra-muros, bien que la densité des transactions soit moindre, CBRE a sécurisé des opérations ciblées sur des actifs premium comme dans “MurMure”, propriété de Batipart boulevard de Charonne (11ème). Ces prises à bail parisiennes confirment que, même dans un marché contraint, la demande reste forte pour des immeubles qualitatifs et bien situés. « Plusieurs causes impactent l’évolution positive des loyers »… A titre d’exemple et pour confirmer le dynamisme de la première couronne, quelques transactions emblématiques ont été réalisées par CBRE lors du premier semestre sur La Défense et dans les zones Péri-Défense, dont AstraZeneca au sein d’« Arboretum ». Nous avons également assisté Picard Surgelés dans le cadre de l’installation de son nouveau siège dans « Odissy », propriété de Fidelity à Issy-les-Moulineaux ou encore Teract dans l’immeuble « Joy » de Gecina à Montrouge.
Ces signatures illustrent le fait que, même dans un marché contraint, les utilisateurs privilégient les immeubles premium bien situés et adaptés aux nouveaux modes de travail.

Aujourd’hui, quelle stratégie de développement dans ce marché ?

Nous poursuivons nos développements en matière de conseil et de services auprès de nos clients aussi bien investisseurs qu’utilisateurs et sur l’ensemble des territoires franciliens et régionaux. Nous les opérons notamment au travers de services à haute valeur ajoutée, comme l’éco-valorisation des actifs (mise en conformité avec le décret tertiaire, accompagnement à la labellisation, analyses techniques et préconisations, valorisation). Nous renforçons les synergies entre nos expertises pour proposer des solutions intégrées, clés en main à nos clients. Nous poursuivons l’accompagnement à la transformation de bureaux en tenant compte du calendrier électoral, mais en considérant également que l’essentiel du travail reste à faire sur ce sujet…

Quel(s) conseil(s) à un utilisateur en recherche ?

Nos clients arbitrent, optimisent, réinvestissent autrement. L’économie s’adapte, l’immobilier aussi. Nous abordons cette fin d’année avec un optimisme prudent. Le contexte macroéconomique reste complexe et malgré un environnement chahuté, les entreprises ont appris à vivre avec. Les enjeux de croissance, environnementaux, de captation/rétention de talents sont plus forts que les éléments exogènes qui viennent perturber l’activité économique. L’équation à résoudre pour les entreprises sur les bureaux tournent autour de cinq piliers : centralité, attractivité, développement durable, flexibilité et coûts. Et comme l’immobilier s’exprime sur un temps long, il faut aussi considérer les politiques de télétravail et le retour au bureau comme une matière vivante et adaptative. Nous évoluerons très probablement vers une hybridation des politiques de télétravail dans un futur proche. Le rôle du conseil est donc plus stratégique que jamais.

Grégoire de La Ferté (CBRE) : « nous abordons cette fin d’année avec un optimisme prudent »…