Quel a été votre ressenti concernant le moral des acteurs de l’immobilier commercial au cours de cette édition du Mapic ?

Il a été globalement conforme à ce que nous imaginions, avec un resserrement des acteurs présents sur le salon. Les intervenants ont été de bon niveau, de même que les décideurs présents sur place. Les rendez-vous ont été plus ciblés, ce qui a permis de moins se disperser, d’aller droit au but. Les représentants du « retail » ont été moins nombreux, ce qui démontre une stratégie assumée de rationalisation des coûts et des parcs immobiliers. Les plans de développement sont également plus limités qu’auparavant. Certaines enseignes vont privilégier la recherche de très grandes surfaces pour y développer des « flagships », des magasins très imposants, impactants et expérientiels ; en bref, des lieux de destination. L’exemple du magasin Zara que l’on a installé sur les Champs-Elysées, sur plus de 3 000 m2, en est un exemple frappant.

A propos des Champs-Elysées, considérez-vous que l’avenue soit de nouveau attractive pour les grandes enseignes après un long passage de désaffection ?

Il est vrai que le positionnement des Champs-Elysées a été un peu moins clair fût un temps. Désormais y cohabitent harmonieusement le « mass market » historique, principalement en textile, et une offre haut de gamme, voire de luxe, notamment par l’intermédiaire de toute la galaxie LVMH.

Considérez-vous que le commerce soit aujourd’hui un secteur résilient ?

On ne peut pas dire que le commerce ne fonctionne pas aujourd’hui, ce serait faux que de l’affirmer. Seulement, un schisme s’est opéré entre deux catégories : les enseignes qui fonctionnent bien, voire très bien, et celles qui sont en difficulté structurelle. Nous sommes sur un marché à deux vitesses. De plus, le discount se porte très bien, avec des enseignes attractives comme Action, Primark ou même Uniqlo. Il faut toujours penser à la valorisation du client, à son accompagnement dans le magasin. Le positionnement doit être différentiant ; nous sommes passés d’un marché de pur développement à un marché de précision, avec un fin travail réalisé sur les points de vente. Le client est plus exigeant aujourd’hui, davantage regardant ; il veut se sentir valorisé. Les temples du commerce à l’ancienne ont fait leur temps ; aujourd’hui, ce sont des destinations multiples et très servicielles, orientées autour de la dimension expérientielle.

Le clivage enseignes « mass market »/haut de gamme est-elle pertinente ? N’existe-t-il pas une porosité entre les deux, à l’image de cadres supérieurs qui ne rechignent pas à se rendre dans des magasins Lidl ou Action tout en fréquentant occasionnellement des magasins Hermès ou Dior ?

En effet, il n’y a pas une seule et unique clientèle. Une même personne peut associer sur une même tenue un vêtement très « mass market » acheté, par exemple, chez Zara avec un accessoire haut de gamme, comme un sac à main acheté chez une enseigne prestigieuse. Il n’y pas d’incompatibilités, le mélange des deux existe. Ce peut même être tendance de mélanger ces deux opposés…

Comment expliquer la bérézina qu’ont connu certains « fleurons » français comme Camaïeu ou les magasins de chaussures assez « mass market » comme André ou San Marina ?

Certaines enseignes n’ont pas su se créer une image suffisamment forte pour résister aux bourrasques de la crise. La clientèle s’est un peu noyée dans tout cela, s’est disséminée. Pour la chaussure, nous assistons encore à un autre phénomène, avec ces enseignent traditionnellement orientées textile qui ont commencé à commercialiser des chaussures (Zara, H&M, Primark…) Ensuite, les tendances de consommation ont évolué, avec de moins en moins de personnes qui achètent de la chaussure « citadine », leur préférant les « sneakers », y compris pour les cadres qui se rendent au bureau. Le « sportswear casual » est devenu tendance, alors même qu’il était marginal il y a encore dix ou quinze ans.

Est-ce que la crise de la construction et de l’accession à la propriété a impacté négativement les enseignes d’ameublement ?

Durant le Covid, le « do it yourself » a bien fonctionné, avec des enseignes de bricolage qui ont eu le vent en poupe. Pour l’ameublement, il y a logiquement une corrélation entre promotion faible et freins à l’achat de meubles, faute de projection dans un chez soi. De plus, la vacance du parc locatif est de plus en plus importante et va continuer de croître, notamment avec les futures interdictions des logements ayant un mauvais DPE. En revanche, la petite décoration se porte bien, mais on en trouve partout, que ce soit Maisons du Monde, Action ou même Gifi. Pour l’ameublement plus important, nous pensons qu’il faudra attendre que le secteur résidentiel reprenne du poil de la bête…

Florent Vallon (SCC) : "nous sommes sur un marché à deux vitesses"