Dans votre commentaire des résultats Immostat sur 9 mois, vous soulignez une demande placée en hausse de 20 % sur un an en Ile-de-France. Quels sont les moteurs de cette demande ?

Le marché francilien continue d’être animé par des utilisateurs affichant une forte volonté de transformation passant par l’hybridation de leurs modes de travail. Selon nos experts en « workplace », 90 % des grandes entreprises s’inscrivent désormais dans un environnement de travail dynamique.

Ce passage en flex office s’accompagne d’une forte recherche de centralité. Une centralité devenue accessible au travers d’un « resizing » plus ou moins important, qui permet aux utilisateurs de cibler des immeubles de meilleure qualité, voire de rejoindre le « QCA » (quartier central des affaires, ndlr) de leur secteur. Ainsi, Paris intra-muros représente 47 % du volume placé en Ile-de-France.

Enfin, il faut signaler le retour des grandes transactions supérieures à 20 000 m². Une dizaine pourraient être réalisées cette année, contre seulement quatre en 2021…

A propos des grandes transactions, vous évoquez également, effectivement, le dynamisme de ce créneau du marché, affirmant qu’une vingtaine d’entre-elles sont en négociation actuellement. Pouvez-vous en dire plus ?

En effet, nous constatons une belle dynamique des grandes surfaces supérieures à 5 000 m², mais un marché en trompe-l’œil.

Le nombre de transactions est tout à fait satisfaisant avec environ 70 « deals » attendus en fin d’année, bien au-dessus de la moyenne décennale qui n’en compte que 63.

Quant au volume, il affiche certes une progression de 33 % à fin octobre comparativement à 2021, mais notre projection de fin d’année se situe entre 750 et 800 000 m² placés, toujours en deçà des 900 000 m² de la moyenne décennale.

Un volume porté par le retour du secteur public/para-public avec cinq transactions de plus de 20 000 m² : trois émanant de ministères (des Solidarités et de la Santé, de l’Intérieur, et de l’Economie et des Finances) et deux autres actées par des entreprises à capital public (GRDF et Enedis).

Enfin, le marché des grandes surfaces n’échappe pas à la règle en matière de centralité avec une forte prépondérance de Paris QCA et de La Défense.

Le 7, avenue George V (8ème), propriété d’Allianz : 4 200 m2 pris en location par une société du secteur du luxe…

Comment voyez-vous évoluer ce marché locatif tertiaire francilien d’ici la fin de l’année ?

Nous anticipons un volume placé de l’ordre de 2,2 millions de mètres carrés, un volume en ligne avec sa moyenne décennale et en hausse par rapport à 2021.

Quelle(s) évolution(s) pour les valeurs locatives ?

La localisation est plus que jamais devenue une composante essentielle du loyer !

A Paris, à l’aune d’une vacance de seulement 3,5 %, l’inflation des valeurs s’est poursuivie cette année avec des perspectives encore haussières pour les meilleurs quartiers d’affaires parisiens si l’on considère les négociations en cours… Le « prime » QCA devrait s’approcher de la barre symbolique des 1 000 euros (HT, HC)/m², entraînant dans son sillage le 7ème arrondissement à 960 euros (HT, HC)/m² et le quartier de l’Opéra à 950 euros (HT, HC)/m². Cette dynamique haussière devrait désormais commencer à s’étendre aux offres de seconde main et aux autres quartiers d’affaires parisiens… Seuls les 18ème, 19ème et 20ème arrondissements peinent à convaincre en dehors de micro quartiers de vie dans le diffus. Il ne s’agit là probablement que d’une question de temps…

En périphérie, les valeurs « prime » ont certes retrouvé leur niveau de 2019, mais le phénomène de suroffre continue de peser sur les valeurs locatives des secteurs les plus sur offreurs. Seule la Boucle Sud, Neuilly et Levallois font figure d’exception avec une vacance bien maîtrisée.

Quant aux mesures d’accompagnement, elles s’établissent, en moyenne, à 23 % en Ile-de-France.

A souligner que la bonne dynamique transactionnelle parisienne, doublée d’une vacance limitée, n’a pas eu l’impact escompté sur le niveau d’« incentives » accordées. A titre d’exemple, elles sont toujours de 16 %, en moyenne, dans Paris QCA, contre seulement 13 % en 2019.

Quel état de la demande chez BNP Paribas Real Estate ?

En dépit d’un contexte macro-économique et international incertain, le niveau de demande se maintient toutes surfaces, mais surtout tous secteurs d’activité confondus. En témoigne les nombreuses missions exclusives confiées par des cabinets d’avocats internationaux, des acteurs du luxe ou encore des sociétés financières.

Ces moteurs justifient cette bonne résilience de la demande en Ile-de-France, même si l’on peut déplorer une répartition trop inégale entre Paris et les secteurs périphériques.

Un effet report « mécanique » dès 2023 est un scénario tout à fait envisageable si l’on considère le déséquilibre entre l’offre et la demande, et la grande qualité des offres en périphérie.

On parle beaucoup des nouveaux modes de travail et de l’importance accordée par les utilisateurs aux critères ESG. Quel(s) impact(s) sur la demande et comment y répondez-vous ?

87 % des entreprises annonçaient déjà maintenir ou augmenter leurs dépenses de RSE en 2022 d’après le sondage OnePoll/Navex de mars 2022.

Le « nice to have » est bel et bien en passe de se transformer en « must have » avec, en toile de fond, le nouveau décret tertiaire. Il s’agit d’un moteur de la demande qui accompagne une volonté plus large de transformation de nos clients utilisateurs.

80 % des transactions supérieures à 5 000 m² s’opèrent sur des immeubles neufs/restructurés avec des certifications et labels qui ont largement évolué post crise sanitaire pour coller au plus près aux attentes des utilisateurs. Citons-en trois : Biodiversity, pour une meilleure biodiversité urbaine ; Osmoz, pour le bien-être des collaborateurs et la performance RSE des organisations au travers du bâti, de l’aménagement intérieur et de l’animation RH et, enfin, BBCA, qui évalue le bâtiment en matière d’empreinte carbone en valorisant toutes les démarches bas carbone.

… Campus Seine, à Courbevoie (92) : 11 060 m2 acquis par le Groupe IGS…

Quels résultats pour BNP Paribas Real Estate dans ce marché ? Un mot sur l’équipe…

2022 a constitué un véritable rallye pour les équipes transactionnelles Ile-de-France et conseil workplace AMO. Elles ont su intégrer la nouvelle donne post crise sanitaire ou mieux, une nouvelle normalité. La synergie conseil/transaction fonctionne à merveille, ce qui nous permet d’afficher d’excellents résultats et de conserver notre leadership sur l’ensemble du territoire francilien.

De plus en plus de clients utilisateurs recherchent auprès de nos équipes une connaissance approfondie des marchés doublée d’une capacité à les accompagner dans leur transformation avec des missions de conseil, de PMO (« project management office », ndlr) et d’AMO.

Les utilisateurs (moyennes ou grandes surfaces) ayant en amont une vision précise de leur cahier des charges se font de plus en plus rares…

… immeuble « Altiplano », à Puteaux (92) :

26 000 m2 pris en location par Enedis…

Aujourd’hui, quelle stratégie de développement ?

Nous poursuivons actuellement nos efforts en matière de digitalisation, d’intelligence artificielle prédictive et nous nous renforçons en conseil afin de répondre au mieux aux attentes de nos clients investisseurs et utilisateurs.

Quel(s) conseil(s) à un utilisateur ?

Trois me viennent à l’esprit : ne pas réduire la notion de centralité au seul territoire parisien en intégrant les évolutions liées au maillage du Grand Paris et aux mobilités douces. A titre d’exemple, 8 minutes via la ligne 14 suffisent aujourd’hui pour relier Saint-Ouen à La Madeleine et moins de 20 minutes pour rejoindre le quartier de la Grande Bibliothèque. Ce qui préfigure clairement les changements d’attractivité des secteurs ciblés par le Grand Paris Express…

Bien entendu, choyer ses collaborateurs pour un retour au bureau optimisé. Conciergerie, restauration, fitness, bien-être… les bureaux s’approprient les codes de l’hôtellerie.

… immeuble « Carré Vert », à Levallois-Perret (92) : 22 700 m2 pris par Mazars. Autant d’exemples de transactions signées BNP Paribas Real Estate.

Et, plus généralement, se faire accompagner par un conseil pour mesurer à la fois l’impact du décret tertiaire, de l’évolution des usages, du flex office et prendre, ainsi, une décision immobilière éclairée pour un projet d’entreprise réussi.

Eric Siesse (BNP Paribas Real Estate Transaction) : « le niveau de demande se maintient »…