Quel regard portez-vous sur le marché de l’immobilier locatif tertiaire francilien tel qu’il se présente depuis le début de l’année ? Surtout, à quels facteurs attribuez-vous sa contreperformance, marché parisien excepté ?

Les facteurs sont de deux ordres, les uns liés à une conjoncture économique au ralenti et les autres, à l’impact des nouveaux modes de travail.
Pour les premiers, le marché est confronté à une croissance limitée à 0,8 %, qui devrait passer à 0,6 % l’an prochain selon les experts de BNP Paribas ; un taux de chômage au plus bas à 6,9 %, mais dont le point d’inflexion devrait être enregistré en fin d’année ; un taux d’inflation de 6,1 % en 2022 et d’environ 4 % cette année. Sans compter un climat des affaires qui se dégrade depuis l’an dernier.
Côté nouveaux modes de travail, le nombre de jours télé travaillés se stabilise, en moyenne et fort heureusement, autour de deux journées par semaine. Mais ce qui se traduit par une volonté des utilisateurs de réduction des surfaces prises à bail quasi généralisée. Ainsi, s’agissant des demandes de plus de 5 000 m2, la surface moyenne recherchée est passée de 13 900 m2 à 10 600 m2. La banque, l’assurance, la finance et le conseil représentent les secteurs d’activité les plus concernés et, géographiquement, les localisations périphériques. A Paris, la baisse moyenne des surfaces recherchées se limite à 9 %, tandis qu’elle atteint 40 % en première couronne Nord. Nous enregistrons, également, un léger essoufflement de la volonté des entreprises de changement à tous crins post-crise sanitaire. De ce point de vue, c’est un retour à la normale pour le marché. Enfin, les délais de transformation de la demande ont tendance à s’allonger. Parce que les recherches sont parfois concentrées sur des secteurs peu offreurs, où les utilisateurs rencontrent des difficultés pour trouver les surfaces qui leur conviennent dans un court délai. Mais aussi parce que les besoins des utilisateurs deviennent de plus en plus délicats à calibrer face à une complexité accrue et une multiplication des parties prenantes à la décision.

Location de près de 10 000 m2 à une société du secteur du luxe dans « #Cloud » propriété de la SFL dans le 2ème…

Comment voyez-vous évoluer ce marché d’ici la fin de l’année ?

Nous anticipons une demande placée pour l’ensemble de l’année aux environs d’1,85 million de mètres carrés de bureaux. Soit un volume à peu près en ligne avec la nouvelle moyenne décennale, qui devrait s’établir aux environs d’1,9 million de mètres carrés.
Et d’ici la fin de l’année, nous devrions voir s’opérer un rattrapage de l’activité du créneau des surfaces de plus de 5 000 m2 résultant de conditions suspensives qui seront levées pour certaines opérations. Mais aussi un rattrapage sectoriel en faveur de Paris hors QCA (quartier central des affaires, ndlr) qui accuse un sérieux retard par rapport au QCA. Paris devrait continuer à concentrer l’essentiel de la demande placée (soit plus de 40 %) et près de 50 % des grandes recherches en première intention.
Globalement, la mobilité des entreprises demeure limitée. On peut, toutefois, imaginer une mobilité accrue en 2024, avec une recherche d’économies en ligne avec la dégradation de l’environnement économique…

Quelles perspectives pour les valeurs locatives ?

De ce point de vue, nous sommes face à un marché totalement binaire.
Avec, d’une part, des valeurs locatives qui sont mécaniquement orientées à la hausse dans les secteurs les moins offreurs. Des ambitions, en matière de bureaux « prime », qui sont alimentées par des taux de vacance très faibles dans la Capitale. On parle, ici, de 3,6 % pour Paris intra-muros et de 2,1 % pour Paris QCA. Sans compter des perspectives d’indexation Ilat (indice des loyers des activités tertiaires, ndlr) élevées, à 4,3 % pour le quatrième trimestre 2023. Autant dire que dans Paris, les propriétaires peuvent être confiants quant aux valeurs du « prime ». Même dans le cadre d’un rééquilibrage des livraisons de chantiers en Ile-de-France avec 39 % d’entre elles dans Paris, contre 24 % en 2022, l’évolution ne sera probablement pas suffisante pour calmer cet élan…
S’agissant des secteurs les plus offreurs, le « flight to quality » s’exprime bel et bien, avec des niveaux de loyers « prime » qui se maintiennent. Les loyers moyens, quant à eux, au mieux ils se stabilisent ou se repositionnent avec des mesures d’accompagnement qui ont atteint un plafond.

… 5 800 m2 à Bouygues Télécom dans « Arcs de Seine », à Boulogne-Billancourt (92)…

Quels résultats pour BNP Paribas Real Estate dans ce marché ?

Des résultats solides et à contrecourant de l’évolution du marché. Notre écosystème continue de faire ses preuves et nos clients viennent chercher, chez BNP Paribas Real Estate Transaction France, un acteur généraliste offrant un bon mix commercialisation/conseil, ainsi qu’une capacité croissante à délivrer des missions complexes auprès de grands comptes corporates nationaux et internationaux. En matière de parts de marché, nous sommes leaders toutes tranches de surfaces confondues et en grandes surfaces, nos équipes sont intervenues dans près d’une transaction sur deux depuis le début de l’année…

Des exemples de grandes transactions récentes signées BNP Paribas Real Estate ?

Parmi nos récentes transactions figurent la location de près de 10 000 m2 à une société du secteur du luxe dans « #Cloud » propriété de la SFL (Société Foncière Lyonnaise, ndlr) dans le deuxième arrondissement ; 5 800 m2 à Bouygues Télécom dans « Arcs de Seine », à Boulogne-Billancourt (92) ; 7 000 m2 à la nouvelle holding du Groupe Emeria (ex-Groupe Foncia) dans la tour Aurore, à La Défense (92) ou encore la précommercialisation des 21 400 m2 du « 58bis Boétie » à Rothschild & Co.

… 7 000 m2 à la nouvelle holding du Groupe Emeria (ex-Groupe Foncia) dans la tour Aurore, à La Défense : autant d’exemples de récentes transactions bouclées par BNP Paribas Real Estate

Quelles tendances pour les nouvelles demandes ?

Le marché enregistre un léger tassement s’agissant des grandes surfaces avec un retrait de 12 % des demandes en volume et de 6 % en nombre. En revanche, les demandes en petites et moyennes surfaces font preuve d’une bonne résistance, avec toutefois un ralentissement du côté des sociétés de la net-économie et des opérateurs de coworking.

Quelle stratégie de développement dans un tel contexte ?

Notre stratégie vise au renforcement de notre leadership qui passe par une parfaite compréhension des nouvelles équations du marché francilien à l’échelle des territoires, qu’il s’agisse de reconversions, de nouvelles classes d’actifs, de nouvelles polarités, mais aussi de nouveaux besoins des utilisateurs qui se font jour tant en matière d’accompagnement RSE, que PMO (« project management office », ndlr)… Une stratégie qui passe aussi par une réponse adaptée aux enjeux de transformation dans un environnement de plus en plus digital. D’où la mise en place d’un nouveau CRM (« customer relationship management », ndlr), accompagné de dataviz (« data visualisation », ndlr) et d’une expérience client et utilisateur immersive avec le très innovant « WIRED » (qui, pour rappel, est le premier outil d’analyse de données immobilières en réalité immersive) développé par nos équipes innovation. Autant de développements qui participeront à la réussite de nos équipes dans les années à venir…

Aujourd’hui, quel(s) conseil(s) à un utilisateur en recherche de bureaux ?

Nous en formulerons quatre. D’abord, inscrire le projet dans un temps long, tout en étant en ligne avec la stratégie de l’entreprise et en pleine conscience des différentes options ou scenarios qui s’offrent à l’utilisateur. L’immobilier découle d’une stratégie et non l’inverse… Ensuite, constituer une équipe projet pluridisciplinaire, en capacité de mener le projet en mode participatif. Accepter d’explorer et de s’ouvrir à des localisations différentes de celles imaginées en première intention. Et ne pas sous-estimer les enjeux RSE d’un projet immobilier, voire de challenger le bailleur et/ou le développeur en demandant à co-construire un programme environnemental. Ce qui passe, parfois, par une préférence accordée à certains labels plus en ligne avec la culture et l’ambition RSE du client utilisateur.

Eric Siesse (BNP Paribas Real Estate Transaction France) : « on peut imaginer une mobilité accrue en 2024 »…