Commençons par quelques chiffres sur Groupama Immobilier aujourd’hui…

Groupama Immobilier est d’abord un acteur important de l’immobilier parisien, avec un patrimoine évalué dans la Capitale (valeur 31 décembre 2022) à 4 milliards d’euros. Notre spécificité incontestable, c’est que cette valorisation ne s’accompagne d’aucune dette. Nous avons fait le pari d’un développement de notre immobilier sans financement externe, grâce à un « pipeline de deux milliards d’euros ». Mais le groupe est également présent en régions, avec un patrimoine d’une valeur d’1,5 milliard d’euros, géré en partenariats avec les caisses régionales. Notre troisième activité est, évidemment, celle liée à la gestion de nos immeubles. Groupama Gan Reim, créé en 2015, gère 1,5 milliard d’euros d’actifs, investis en France, Belgique et Hongrie. Nous avons également créé, fin 2013, Expertisimo qui figure désormais au 5ème rang dans la distribution de logements sur plan en France, avec plus de 2 000 ventes effectuées en France depuis sa création. Cette structure bénéficie du réseau Groupama et Gan, représentant une force de vente de grande qualité et innovante : depuis dix ans (bien avant la pandémie), nous avons ainsi adopté la signature électronique ! Cette activité est récurrente, car nous ne vendons pas « que » de la défiscalisation (le « Pinel » représente aujourd’hui moins de 20 % de nos ventes). Nous sommes donc devenus ainsi un vrai collecteur d’épargne, un investisseur reconnu, mais aussi un développeur … et cette croissance organique a eu lieu sans aucune croissance externe. Avec nos 200 collaborateurs (plus de la moitié nous ont rejoint dans les dernières années), nous avons complètement rénové et « reconstruit » le patrimoine qui nous est confié. Groupama Immobilier met donc en œuvre, sur le patrimoine acquis et géré pour le compte des compagnies d’assurance du groupe Groupama et d’institutionnels tiers, l’ensemble des métiers de la chaîne immobilière : asset management, property management, développement technique et grands projets, sans oublier le développement durable et l’innovation, mais aussi bien sûr ingénierie juridique, fiscale et financière…

Quelle a été votre stratégie depuis dix ans et quelle sera-t-elle à l’avenir ?

Groupama Immobilier a clairement pour objectifs d’optimiser la rentabilité globale des placements immobiliers, de valoriser le patrimoine géré dans une approche globale et prospective, mais aussi d’acquérir, de vendre et gérer de nouvelles typologies d’actifs tertiaires, performants, innovants, proches des besoins des utilisateurs finaux, nos locataires, sans oublier d’étendre son offre de prestations en intégrant notamment les nouveaux modes de travail. En dix ans, nous avons ainsi « fabriqué » quatre milliards d’euros de plus-values pour le groupe, soit l’équivalent de l’intégralité de notre patrimoine actuel ! La (grande) maison Groupama Immobilier transmutée ? C’est lui. Les deals les plus impressionnants des dernières années sur les mythiques Champs-Elysées ? Encore lui. La pub disruptive (c’est bien le mot) sur l’immeuble « le plus nul » de Paris (entendez zéro carbone !), toujours lui. En moins d’une décennie, Eric Donnet a véritablement transfiguré le patrimoine de Groupama Immobilier qui, avant lui, avait tendance – litote – à s’assoupir. Expert-comptable de formation, il a commencé sa carrière comme contrôleur de gestion, mais ce n’est qu’en 2002 qu’il devient un « vrai » acteur du secteur chez Bail Investissement Foncière. Après AEW Europe, où il deviendra « chief operating officer », il rejoint en 2013 Groupama Immobilier, belle maison disposant d’un très beau patrimoine, mais peu ou pas entretenu. Depuis, il restructure et arbitre tous azimuts : sur les Champs-Elysées ou le QCA dont il devient un des acteurs importants. Idem à La Défense où « The Link » et son projet de réaménagement font le buzz. Rencontre-bilan-perspectives avec un institutionnel qui, c’est le moins que l’on puisse dire, ne s’endort pas sur ses lauriers.
Cette stratégie de transformation et de croissance organique a créé un modèle de risque mesuré, ce qui nous assure une première place dans le monde de l’assurance en matière de performances. Et notre marqueur a été constamment de fabriquer du beau et du bien. Ce qui n’empêche nullement – bien au contraire – les performances économiques et financières. Voulez-vous des exemples ? J’en donnerai trois, qui ont constitué parmi les transactions record des dernières années : le développement de « Window », à La Défense (qui a généré 500 millions d’euros), le développement et la restructuration de l’immeuble pris par Nike au 79 Champs-Élysées [vendu 613 millions d’euros en 2019, record alors pour l’avenue] et l’immeuble du 150 Champs-Élysées qui, après cinq années de travail complexe et dense, nous a permis une nouvelle vente record fin 2022 [on parle alors d’une plus-value de 400 millions d’euros], sur un immeuble acquis en 2009.

Vous avez également entrepris un gros travail sur le résidentiel ?

En huit ans, nous avons réalisé pour un milliard d’euros de ventes dans ce secteur, dégageant une plus-value de 500 millions d’euros. 700 appartements ont ainsi été cédés, notamment dans le cadre de notre Residential Collection qui met en valeur les logements ainsi rénovés. Mais d’autres pistes nous intéressent : les commerces de pîeds d’immeubles, les résidences services pour les seniors… dans ces secteurs, nous allons accroître nos compétences et nos capacités d’intervention…

Il me semble que vous défendez souvent une vision globale de l’immobilier, bien au-delà de la seule « défense » de votre patrimoine…

Ma conviction est qu’on ne peut plus demander aux investisseurs privés de se limiter à leur assiette foncière. Aujourd’hui, il est primordial d’insérer l’immeuble dans un environnement partagé. Et le partenariat entre les acteurs publics et privés est non seulement nécessaire, mais aussi indispensable. Nous disposons de deux exemples formidables que sont le Comité Champs-Elysées [présidé par Marc-Antoine Jamet, secrétaire général du groupe LVMH et président du Cercle Pierres d’Or] et le Comité Grande Armée. Mais on pourrait aussi citer ce que nous avons fait à La Défense avec les Etats généraux de la transformation des tours. Nous pouvons, nous acteurs de l’immobilier, constituer une force de propositions et d’action : et ça marche ! Si les Champs-Elysées seront prêts pour les Jeux Olympiques, nous n’y sommes pas pour rien ! Nous pouvons gagner du temps, en respectant bien sûr les missions et les attributions de chacun, mais en constituant une force de proposition ! Cela entraîne, comme c’est naturel, un temps de négociation. Mais il est essentiel que nous puissions alerter aussi les décideurs publics sur le contexte et les enjeux des immeubles que nous proposons. Par exemple, l’arrivée de Boston Consulting Group avenue de la Grande Armée c’est, à terme, 6 000 personnes qui s’installeront dans l’ancien siège de Peugeot. Les infrastructures de l’avenue doivent en tenir compte, c’est important pour les salariés mais aussi pour les riverains, les commerçants…

Une dernière question sur les enjeux RSE de l’immobilier d’aujourd’hui et de demain ?

Il existe une pression formidablement motivante du groupe autour de cette question : nous avons à cet égard des convictions que je qualifierai de militantes des responsables à tous niveaux. Nous souhaitons fabriquer de l’innovation et la partager très largement. C’est le sens du Booster du réemploi, un véritable « cadeau » pour toute la profession. A notre échelle, c’est 100 000 mètres cubes de réemploi de matériau que nous avons immédiatement développé. Mais ce qui nous donne grande satisfaction, c’est que cette initiative a été reprise par toute la profession et que nous allons donc collectivement aller beaucoup plus loin. Il en a été de même, avec Gecina, avec le programme BIG pour la recherche sur l’empreinte biodiversité des projets immobiliers… Et chez Groupama, nous avons également choisi un axe original de lutte contre le CO2 avec le développement de nos forêts : 10 millions d’arbres ont ainsi été plantés dans les 24 000 hectares de forêts que nous exploitons. La Société forestière Groupama est à la pointe de l’innovation, mais elle n’oublie pas de cultiver aussi la tradition. C’est ainsi que les chênes issus des forêts gérées par Groupama Immobilier serviront à restaurer la flèche de Notre-Dame de Paris ! Tous ses exemples le prouvent : nous sommes, bien sûr, des financiers, mais cela ne nous empêche nullement d’avoir des convictions fortes et de vouloir contribuer, au plus près, au bien-être de tous. Il existe beaucoup de solutions face aux problèmes toujours plus complexes du monde actuel : c’est à nous de les relever. Et nous en avons, collectivement, les moyens !

Eric Donnet (Groupama Immobilier) : "nous voulons fabriquer du beau et du bien"