Comment pourriez-vous présenter le fonds Patron Capital Partners ?

Il s’agit d’un fonds créé à Londres en 1999, grâce, initialement, à des capitaux américains, avant de s’ouvrir à tous types d’investisseurs. Le siège est toujours situé à Londres. L’objectif de Patron est d’investir de façon paneuropéenne, en partenariat avec des équipes locales au sein des pays d’implantation, ou bien en partenariat avec des « operating partners » qui sont actionnaires minoritaires. En France, Patron n’a aucun lien capitalistique avec un quelconque « operating partner » local, mais reste à l’écoute des opportunités présentées. Plus précisément, si l’on est certain de gérer une certaine quantité d’actifs sur du long terme dans un pays donné, cela fait sens d’avoir une équipe locale avec des « operating partners », système qui permet d’aligner les intérêts de tous. Patron a un seul fonds actif en investissements à la fois afin d’éviter la multiplication des fonds thématiques. Un fonds a une durée de vie de huit ans avec trois ans de période d’investissements et cinq ans de gestion-revente derrière. Pour synthétiser, il ne peut pas y avoir deux fonds qui investissement en même temps. Patron vient de lever son septième fonds paneuropéen avec un premier « closing » acté en septembre 2023 pour 650 millions d’euros et un « closing » final en 2024 pour 915 millions d’euros de fonds propres.

Quelle stratégie globale Patron Capital Partners adopte-t-il ?

Les fonds de Patron sont « value add », opportunistes, avec un objectif constant de création de valeur pour les actionnaires. La prise de risques est assumée, quoique contrôlée et maîtrisée. Les risques en question peuvent être de diverses natures : restructuration/reconstruction d’un immeuble, promotion pure sur un terrain, risque locatif, risque opérationnel lié à un business spécifique (par exemple hôtellerie)… Patron Capital peut accéder à toutes typologies d’actifs immobiliers sous-jacents en termes de secteurs : résidentiel, bureaux, commerces, hôtellerie, locaux d’activité logistique, activités sportives…

Existe-t-il des différences culturelles dans l’opérationnel entre la France et les pays anglo-saxons ?

La spécificité française découle du fait que le marché est moins fluidifié qu’au Royaume-Uni, davantage entravé et corseté par les normes réglementaires et administratives. Nous sommes plus « soviétisés », pour schématiser en grossissant volontairement le trait ; pour le dire moins caricaturalement, davantage étatistes que dans les pays anglo-saxons. Ce qui présente des avantages : grâce aux garde-fous dont nous nous sommes collectivement munis en France, les crises sont mieux amorties qu’elles ne le sont en Angleterre. Un exemple : l’impact de la chute de la banque Lehmann Brothers aux Etats-Unis en 2008 a connu des répercussions moins sévères en France qu’outre-Manche ; les taux de rendement « prime » parisiens ont été moins impactés que les londoniens. A contrario, comme un effet de balancier, lorsque le marché redémarre, il le fait plus vite et plus fort en Angleterre. La gestion d’un fonds opportuniste est, de ce point de vue, plus difficile en France, tandis que la gestion d’un fonds « core » est plus facile ; en effet, lorsque l’on recherche un taux de rendement relativement bas mais sécurisé, la réduction des aléas est une meilleure garantie pour performer.

Quels projets développés en France retenez-vous ?

Je citerais le projet intégré dans le fonds n°5 et qui n’a été encore revendu : il s’agit d’un immeuble acheté à Levallois-Perret (92), initialement occupé par le groupe L’Oréal. Nous l’avons complètement restructuré, agrandi sa surface de 20 % grâce à l’octroi d’un permis de la part de la municipalité, avant de le relouer à LVMH, dans le cadre d’un bail ferme de douze ans. L’immeuble s’appelle désormais « Creative ». Pour ce projet, il y a eu création de valeur et prises de risques multiples : demande de permis de restructuration, travaux, recherche d’un locataire robuste… C’est typiquement le type de risques que prend un fonds opportuniste intégré au portefeuille de Patron Capital, même si ces risques sont moins soumis aux aléas cycliques et conjoncturels.

Quels actifs présentent aujourd’hui les caractéristiques susceptibles de vous intéresser ?

En dehors de Paris, nous sommes particulièrement attentifs aux bureaux pouvant être reconvertis. Compte tenu de l’évolution de cette classe d’actifs post-Covid, les surfaces ont été réduites et les bureaux se sont recentralisés à Paris. La périphérie patine et un certain nombre d’immeubles ne sont pas ou insuffisamment loués au regard de leur capacité. Nous souhaitons donc les convertir à d’autres fins, comme des résidences étudiantes ou gérées et ce, afin de leur donner une seconde vie.

Vous heurtez-vous à des difficultés spécifiques en France concernant ces restructurations d’actifs existants ?

La démarche n’est pas toujours aisée étant donné que des bureaux, même vacants, rapportent de l’argent aux communes via la taxe professionnelle, ce qui n’est pas le cas des logements qui, à l’inverse, leur en coûte si l’on prend en considération les aménités qu’il faut bâtir pour accueillir dignement les nouveaux flux d’habitants (commerces, crèches, écoles, gymnases…). Ajoutons la suppression de la taxe d’habitation qui bénéficiait aux mairies et l’on comprend vite les raisons de l’immobilisme de la conversion d’immeubles dans la plupart des communes. Nous nous sommes nous-mêmes heurtés, à plusieurs reprises, au contact d’élus réticents à faire bouger les choses. Prenons un exemple : à Madrid, l’instruction des demandes de permis de construire est confiée à une société privée, qui se prononce en tenant compte des dispositions du PLU local ; en France, cela dépend des services d’urbanisme des mairies qui, pour des raisons politiques et électoralistes, ont souvent tout intérêt à maintenir le statut quo… Culturellement, c’est plus compliqué de faire aboutir les projets en France. Les associations écologiques nous compliquent également la tâche, notamment via le dispositif Zan, mais aussi au nom de la protection de la faune et de la flore soi-disant menacés par les développements immobiliers. Ce sont des contraintes que les Anglo-saxons ne peuvent comprendre…

Dominique Bonin (Patron Capital) : "la gestion d’un fonds opportuniste est plus difficile en France"