Virginie Houzé : « les chiffres du marché locatif ne sont pas surprenants et attestent de son manque de dynamisme. Les volumes placés trimestriels sont inférieurs à 500 000 m2 depuis le début de l’année. Nous sommes à environ -10 % du niveau d’activité de 2023 et -17 % de la moyenne décennale. Le marché fonctionne au ralenti, avec des délais de décision de la part des grandes entreprises qui s’allongent. Le marché est également très segmenté, avec Paris intra-muros qui reste « the place to be » pour les entreprises et la périphérie qui est à la peine. Mais la tendance générale est à l’attentisme. Malgré la hausse de l’offre, avec le cap des cinq millions de mètres carrés disponibles franchi, les valeurs locatives restent élevées (au-dessus des 1 000 euros le mètre carré dans le QCA). Ces loyers très élevés placent les entreprises face à un dilemme : payer plus cher pour être à Paris ou s’en éloigner et disposer d’une offre d’installation pléthorique mais moins centrale, donc moins attrayante pour attirer et retenir les collaborateurs. C’est un arbitrage que les entreprises doivent faire. A La Défense, le marché locatif résiste avec, notamment, deux transactions de plus de 5 000 m2 réalisées au troisième trimestre. Les propriétaires ont accepté d’ouvrir à la division leurs immeubles, ce qui redynamise le marché des petites et moyennes surfaces au sein du quartier. Même si les prises à bail de surfaces de 30 000 ou 40 000 m2 sont aujourd’hui très rares à La Défense, mais plus globalement à l’échelle de toute l’Ile-de-France, les divisions d’immeubles redéfinissent les contours de la location dans les grands immeubles, avec plus d’entreprises installées, mais sur des surfaces plus réduites »…

Stephan von Barczy : « concernant le transactionnel, je dirais que nous avons affaire à un non-marché depuis le début de l’année. C’est au niveau ce que nous avons connu au moment de la crise financière de 2009, voire pire. Nous réussissons « l’exploit » d’atteindre un point encore plus bas que l’an passé, déjà très mauvais. Trois milliards en Ile-de-France depuis janvier, 7 milliards en France… ce sont des chiffres très faibles. En 2023, nous avons été les témoins d’un important volume d’acquisition, de la part des utilisateurs, de leur propre immobilier, notamment pour les grandes marques de luxe ; cette tendance a été évaluée à environ 5 milliards d’euros. A voir ce qu’il en sera de ce point de vue en 2024… Concernant les bonnes nouvelles, si l’on peut les appeler ainsi, nous constatons un retour de quelques institutionnels, qui font des offres et commencent à acheter. Mais les opportunités d’achat restent rares, comme elles l’ont été en 2008-2009. Le mur de la dette n’étant pas en passe de s’écrouler, les investisseurs ne se retrouvent pas contraints de vendre, et les OPCI et SCPI temporisent et déroulent des plans d’arbitrage selon une stratégie établie, sans grande précipitation ; cette stratégie a trait au maintien des valeurs et au refus de décotes trop importantes. L’ensemble ralentit le marché, maintient une forme d’immobilisme, d’attentisme et de statut quo. Nous ne constatons aucune agitation due à un stress quelconque. Les locataires consentent à d’importantes indexations sur le montant de leur loyer, ce qui permet aux investisseurs de compenser l’inflation. Dans ce contexte, il n’y a aucun intérêt à brader aujourd’hui, il y a suffisamment de « cash flow » disponible. Etant donné que la baisse des taux, phénomène tant attendue, va se poursuivre, les propriétaires remettent à plus tard leurs projets de vente, avec des taux encore plus bas. De plus, la concurrence entre acteurs n’est pas suffisamment forte pour créer une émulation entre propriétaires et faire augmenter les prix, donc les inciter à vendre. Tout le monde déroule son plan stratégique d’arbitrage tranquillement. Nous pouvons déjà anticiper un premier trimestre 2025 assez bas, au vu des négociations qui se déroulent et des opérations prévues. Dans ce marché à l’arrêt, la logistique et l’industriel progressent (de 10 à 15 %, ils représentent aujourd’hui 25 %) quand toutes les autres classes d’actifs baissent. Le résidentiel se défend aussi pas trop mal. Malgré tout, les bureaux restent la classe d’actifs préférée des investisseurs en France. Enfin, il ne faut pas oublier que les nouveaux capitaux collectés ne sont pas forcément dirigés vers l’investissement ; certains financent l’ « asset management », d’autres la rénovation… Un euro collecté n’est pas nécessairement un euro investi ! »…

Virginie Houzé et Stephan von Barczy (JLL) : "une tendance générale à l'attentisme"...