Pourriez-vous présenter Victor Investissements en quelques mots ?

Victor Investissements a été créé il y a cinq ans, en 2019. Nous avons développé plus de 450 projets, ce qui nous donne un recul suffisant pour observer les évolutions du marché d’année en année. Nous sommes aujourd’hui présents dans cinq zones géographiques, principalement Paris, Marseille et Saint-Etienne. En complément, nous sommes aussi implantés en Ile-de-France, ainsi qu’à la frontière luxembourgeoise. En tant qu’investisseurs et conseil d’investisseurs essentiellement français, nous nous intéressons principalement aux zones où le prix d’achat est plutôt bas pour cause de faible concurrence. C’est donc sur ce principe que repose notre « business model » : acheter là où la concurrence à l’achat est maîtrisée, mais où la tension locative est forte ; le ratio entre les deux doit être le plus intéressant pour nous. A Paris intra-muros, par exemple, notre logique est moins celle de la rentabilité que du placement patrimonial sur le long terme. Pour être rentables, nous visons les grandes villes, là où le taux de rotation locative est conséquent ; pour caricaturer et simplifier à l’extrême, les petits villages désertifiés ne nous intéressent pas, car pas grand monde va venir s’y installer. Même Saint-Etienne, ville la plus « exotique » où nous sommes implantés, compte tout de même 170 000 habitants ; les prix y sont plus qu’abordables (entre 1 500 et 3 000 euros le mètre carré) et les prix élevés de Lyon ont comme conséquence une demande locative plus importante qu’auparavant dans la cité stéphanoise, surtout avec l’essor du télétravail.

Comment se compose l’activité de votre entreprise ? Quels sont vos effectifs ?

Nous sommes deux associés, Raphaël Speich et moi-même, ainsi que 15 salariés. L’activité se décline entre l’entité Victor Investissements, qui fait de l’investissement locatif clé en main, avec du conseil en stratégie auprès des investisseurs, du « dénichage » d’appartements, de la gestion de travaux et d’ameublement ; et une seconde entité, Victor Gestion, qui s’occupe de la location sur le modèle d’une agence classique. Nous avons aussi une activité de marchand de biens qui consiste à rendre abordable ce qui est inabordable, aussi bien d’un point de vue financier que technique : un immeuble à 3 millions d’euros, aucun particulier ne va pouvoir en faire l’acquisition. Mais si le marchand de biens le découpe en une dizaine de lots, cette stratégie permettra de revendre des « morceaux » d’une valeur de 300 000 ou 400 000 euros chacun ; c’est une logique de vente à la découpe. Pour revenir à la partie conseil, effectuée par les équipes de Victor Investissements, nous facturons environ 10 000 euros la prestation pour un appartement, pour une durée de travail d’environ six mois par projets, du ficelage de l’acquisition à la gestion des travaux.

Quelles sont les zones géographiques que vous avez « délaissées » car le rendement n’y était plus suffisamment intéressant ?

Nous avons été présents à Toulouse, Nantes, Bordeaux ou encore Rouen. Mais les prix ont explosé dans ces villes, surtout les trois premières, avec des loyers assez stables dans le temps. Le taux de rendement a donc été logiquement revu à la baisse. Il faut savoir que 95 % de nos nouveaux clients viennent à nous grâce au bouche-à-oreille, même si la prospection fait toujours partie de nos méthodes.

La hausse des taux d’intérêt a tendance à bloquer le marché de l’accession, avant tout de la primo-accession. Conséquence : le marché locatif se retrouve saturé pour cause de parcours résidentiel à l’arrêt. Est-ce là ce que vous avez vous-même observé ?

Dans un premier temps, nous avons constaté une hausse des prix due à une baisse des taux ; puis une augmentation des taux ayant elle-même entraîné une baisse des prix. Mais les prix restent encore très haut, car la baisse actuelle ne compense pas, loin de là, la hausse précédente. Dit autrement, les baisses n’ont rien de significatives. A Paris, nous n’avons pas constaté une baisse des volumes de ventes, mais plutôt une hausse observée dernièrement. La typologique des investisseurs a évolué, avec des clients plus fortunés ayant de l’épargne de côté. L’emprunt bancaire est bien plus difficile d’accès et les achats à Paris s’en ressentent, avec une classe moyenne (même haute) qui s’efface au profit d’acheteurs fortunés ne rencontrant soit aucun souci pour obtenir un crédit, ou bien n’ayant même pas besoin d’emprunter car disposant de fonds nécessaires pour acheter comptant. Là où les primo-accédants auraient acheté à Paris il y a un an et demi, ils se rabattent désormais sur d’autres villes. Concernant le marché locatif, c’est simple : à Paris, nous ne publions plus d’annonces. D’abord, parce qu’un bien est parfois déjà loué à une connaissance avant l’expiration du préavis du locataire, ensuite car le « turn-over » est beaucoup plus faible qu’avant. L’encadrement des loyers a également démotivé un certain nombre d’investisseurs qui préfèrent vendre plutôt que de continuer de louer.

Que pensez-vous justement du plafonnement des loyers ? Est-ce un bon moyen de réguler les prix ou cela a-t-il davantage tendance à tronquer le marché ?

Nous sommes assez critiques sur ce dispositif car nous pensons qu’il amène, malheureusement, certains propriétaires à ne pas entretenir leurs biens. Ce qui peut dégrader la qualité des appartements, puisque ces derniers ne pourront, de toute façon, pas être loués au-delà d’un certain prix. Le plafond est tellement bas qu’entre un bien neuf et un autre dégradé, le prix sera le même. Sur des biens dont la surface est supérieure à 30 m2, le plafond ne pose plus problème puisqu’en le dépassant, le bien serait, de toute façon, trop cher par rapport au marché et aurait du mal à trouver des locataires. C’est sur les plus petites surfaces que le plafond est trop bas, par exemple sur des chambres de bonne de 10 ou 12 m2 où l’on va être 50 % en-dessous des prix du marché. Faire des travaux dans des chambres de bonne ne rapporte plus rien d’un point de vue locatif, cela n’apporte aucune valeur ajoutée avec le plafonnement des loyers ; le seul cas où ce peut être un atout, c’est sur le prix de sortie du bien, avec une valeur plus importante lors de la revente. Il faudrait faire davantage de cas par cas. L’encadrement des loyers est harmonisé dans tout Paris, alors même que le prix du mètre carré peut passer du simple au double, voire au triple d’un quartier à l’autre.

Quels sont les objectifs que vous vous fixez ?

Déjà, nous recrutons environ une personne par an depuis trois ans. L’idée est que ce collaborateur apporte un service supplémentaire, c’est-à-dire soit une nouvelle zone géographique, soit une nouvelle typologie de clients. C’est ce qui nous permet de quasiment doubler notre chiffre d’affaires et le nombre de projets d’une année sur l’autre. Aujourd’hui, nous avons 450 projets qui ont été réalisés depuis la création de Victor Investissements, ce qui représente un total de 60 millions d’euros investis par nos clients pour à peu près 350 000 euros de loyers mensuels perçus. Pour conclure, précisons que les périodes dites de crise nous sont profitables, puisque les gens vont avoir tendance à surréagir et à brader des biens dont ils veulent rapidement se séparer de peur d’une détérioration encore plus importante du contexte économique. C’est là que nous devons les rassurer par les profils que nous leur proposons et faire en sorte que les appartements acquis moins chers soient fortement valorisés en sortie de crise…

Aurélien Toulouse (Victor Investissements) : "95 % de nos nouveaux clients viennent à nous grâce au bouche-à-oreille"