Mais que fait une architecte chez Cartier ? Le célèbre joailler, né il y aura bientôt deux siècles rue Montorgueil au centre de Paris, est plus connu du grand public pour ce qui brille au cou et aux bras de ses égéries ou dans les vitrines de ses boutiques (près de 200 magasins dans le monde en plus des trois adresses historiques, rue de la Paix à Paris, New Bond Street à Londres, 5ème avenue à NewYork) que pour ses actifs immobiliers. A l’exception de la Fondation pour l’Art Contemporain du boulevard Raspail, due à Jean Nouvel.

Entrée dans la maison en 2011, ancienne élève de l’ENA (comprenez l’Ecole Nationale d’Architecture de Rabat, où elle est née) et titulaire d’un Master 2 de Paris Val-de-Seine, Siham Alaoui n’a pas mis plus d’une décennie pour ajouter à son métier d’architecte (« du dessin et des normes », dit- elle), celui du « space planning » et du « store design», et les subtilités du marketing, de la communication et du management. Son diplôme de fin d’étude portait sur l’ouverture d’un centre commercial dans la capitale chérifienne. « J’ai toujours aimé les marques… les belles marques ». A 21 ans, encore étudiante, elle avait postulé pour un stage d’été chez Esprit, l’habilleur bobo chic né en Californie. Elle y restera deux ans, remplacera au pied levé le responsable des travaux et de la maintenance, puis celui des projets de boutiques. « J’ai appris comment fonctionne un magasin et le respect pointilleux du budget. Retail is detail ». Et se fait chasser, très vite. On lui propose L’Occitane, Dior ou Cartier. Excusez du peu.

Ce sera Cartier, qui commence par l’envoyer ouvrir des boutiques en Chine, Macau et Hong Kong. Elle se découvre une passion pour le management « avec des équipes de maturités toujours différentes, selon les pays et même les régions ». Puis on lui confie le département « store design », sept personnes au départ, quarante aujourd’hui. Elle prend l’initiative de s’inscrire aux 18 mois du programme MBA « gestion de projet » de Stanford Californie et suit les cours en direct sur son ordinateur, la nuit à Paris, en plus des journées bien remplies. « Je n’avais pas encore d’enfant ». En interne, son ardeur au travail et l’autorité qu’elle acquiert ne passent pas inaperçues. On l’envoie en Suisse diriger le projet de regroupement des filiales du groupe Richemont (auquel Cartier appartient et dont il assure la moitié du chiffre d’affaires et plus encore des résultats) sur un cam- pus à construire à Meyra, aux portes de Genève. « J’y découvre l’immobilier ». Nous sommes en 2016. Sans doute fallait-il ces années d’initiation pour que l’état-major parisien de Cartier International lui confie le management de la rénovation globale de la Cité du Retiro, cet exceptionnel ensemble tertiaire, entre les rues Saint-Honoré et Boissy d’Anglas, dans le 8ème arrondissement : 22 000 m2 développés originel- lement en 2002 par Unibail, sur un plan de Ricardo Bofill. Design rigoureux, façades translucides alliant le verre au métal, accolées à quelques contributions du Baron Haussmann, réhabilitées. Nullement intimidée, 20 ans après son illustre confrère catalan, elle pense bien-être au travail, attractivité des talents autant que résistance des matériaux et sobriété énergétique. Et se réappropriera les espaces redimensionnés en redéployant mobilier et art contemporains, agrandira les balcons, prolongera les terrasses, végétalisera tout ce qui peut l’être, dont un rooftop de 1 700 m2, tout de bois habillé. « Je pense aux équipes et aux moments qu’elles partagent ici » dit-elle, en écho parfait avec la signature de la communication Cartier : Construire des moments d’exception. Comme celui vécu par les membres du Cercle des Pierres d’Or lors d’une visite en décembre dernier, et sans doute pas étranger à la mise en lumière de sa conceptrice..

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Siham Alaoui (Cartier) : construire des moments d’exception