Le jeune centralien avait 33 ans lorsque Guillaume Poitrinal et Philippe Zivkovic (associés à 50/50, ce que déconseillent toutes les écoles supérieures de management) sont venus le débaucher chez Linkcity pour lancer Woodeum. C’était en 2014. Depuis, l’entreprise est devenue un groupe de 70 personnes, un pionnier du bâtiment en bois massif, devenu leader français de sa spécialité. Avec une année 2022 « au cours de laquelle on a continué d’accélérer, doublé le chiffre d’affaires, doublé le volume des ventes et plus que doublé les résultats financiers ! ». Le logement bas carbone ne connaît pas la crise. L’année qui démarre sera celle du dixième exercice. Vous aurez noté qu’après la promesse initiale du « tout bois », Woodeum s’affiche désormais comme un « promoteur immobilier bas carbone ». Ce léger glissement sémantique témoigne de l’évolution des mentalités au cours de cette décade prodigieuse. Il aura fallu ce temps pour qu’en plus du potentiel, de l’emplacement ou encore des commodités, la valeur constructible intègre dans ses fondamentaux la valeur environnementale. Un temps que Julien Pemezec a vécu intensément ; il décrit avec précision le cheminement de la profession immobilière autant que celui des pouvoirs publics. « On a découvert, quand on s’est lancé en 2014, que la réglementation était un frein ; puis la Cop 21 nous a montré en 2015 que l’immobilier n’était pas dans le coup de la décarbonation, que les petits labels verts dont on se satisfaisait ne suffisaient grandement pas ; l’adoption du premier label Bâtiment Bas Carbone (BBCA, une initiative de quelques professionnels) a remis les choses dans le bon sens et montré qu’un immeuble pas cher à exploiter n’était pas forcément écolo. Il a fallu engager un énorme effort intellectuel pour arriver à la RE 2020, qui considère enfin que la question première est désormais celle de l’empreinte carbone. Une grande victoire ! La prochaine aura lieu en 2025, année qui devrait enregistrer une vraie rupture industrielle, forte : plus de promotion immobilière possible sans matériaux bio-sourcés ».

S’il localise l’origine du mouvement de cette conversion en Ile-de-France, Julien Pemezec constate que la dynamique est désormais nationale. Partout en France, « archis », ingénieurs et constructeurs sont devenus « bas carbone minded ». Le récent Simi a fait du bas carbone une priorité partagée.

A la question: quelles sont, parmi toutes les réalisations de Woodeum, les trois opus qui lui semblent les plus emblématiques ?, la réponse fuse (une rapidité qui serait sa « marque de fabrique ») : « Melia », à Taverny, la première résidence à obtenir d’emblée le seuil carbone 2031, le plus contraignant de la RE 2020, une colocation pour jeunes handi- capés, chef d’œuvre de mixité sociale et solidaire. « On a montré que c’était techniquement atteignable, ce dont la profession doutait ». Sous la stature du président du directoire, la passion de l’ingénieur est toujours aussi vive… Il cite également « La Porte de Brancion », du premier concours d’Inventons la Métropole du Grand Paris en 2016. « Nous avons été les seuls à répondre, à concevoir une dalle au-dessus du périphérique et poser dessus un foyer de jeunes travailleurs, pour le compte de la RIVP, et une résidence étudiante, cédée à Gecina. Les travaux ont commencé, sept ans après le concours, sept années d’un parcours du combattant, où la complexité n’avait d’égale que la ténacité des équipes ». Ou encore, la tour Albizia, à Lyon Confluence, première tour en structure bois en France, un bâtiment qui mixte logement social, en accession, bureaux, artisanat. « Une prouesse technique » qui s’ajoute aux autres, commente fièrement l’ingénieur- président, précisant au passage que la R&D mobilise, à plein temps, le quart des effectifs de Woodeum. Un savoir-innover qui a décidé Alain Taravella à acquérir la moitié du capital en 2019. Et sceller une « alliance stratégique » entre Altarea Cogedim et WO2 (la société faîtière du groupe Woodeum), une alliance à 50/50 : on ne change pas une formule qui gagne.

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Julien Pemezec (Woodeum) : le pionnier devenu leader