“Technologique et hybride”

Qu’est-ce que sera l’immobilier de demain ?

On pourrait en dire beaucoup de choses : qu’il sera technologique et hybride, à l’avant-garde des grandes transitions numérique ou écologique. Je veux surtout espérer qu’il sera beau ! Lorsque l’on observe les quartiers parisiens en cours de restructuration, de reconstruction ou, presque, de création, je trouve formidable l’avenue de France, les abords du Palais de Justice de Renzo Piano, les Batignolles, les bords de Seine entre Bercy et le périphérique, le Village olympique ou l’Hôtel de région à Saint-Ouen ! Il y a du talent, de l’intelligence, de la générosité dans toutes ces réalisations. Je veux croire que cette beauté est à l’image de l’immobilier de demain, que nous retrouverons de la qualité de dessins, de formes, de matériaux tant en résidentiel qu’en tertiaire. Il y a des tendances que, d’ores et déjà, j’observe depuis l’entreprise pour laquelle je travaille. Les boutiques sont plus grandes, plus expérientielles, plus interactives pour répondre aux demandes des clients. Les bureaux font une place à davantage de salle de sports, de conciergerie, de restaurants, de services. Le résidentiel exige de l’espace, de la lumière et des espaces verts. Nous allons vers une transformation majeure : l’exigence de l’excellence et de l’humain. Tant mieux. Pour autant, s’il faut de nouvelles manières d’imaginer salles de réunion et bureaux, moins guindés, plus “cosys”, ils restent nécessaires. Plus moderne, plus technique, plus doux, plus précis, plus environnemental, le bureau doit être réinventé, mais il ne disparaitra pas ! Nous sommes encore, pour les projets, pour les dossiers que nous traitons aujourd’hui sur la lancée de l’avant-Covid. Les produits, les solutions, les services qui sortent actuellement sont encore ceux imaginés en 2018-2020. Quand notre musette sera vide, que se passera-t-il ? Personnellement, je crois que cela marquera le retour du bureau, le retour au bureau. Il redeviendra indispensable pour créer des dynamiques et des équipes, de la proximité et de la complicité, de l’émulation et de la compréhension, tout ce qui est profond, ce qui est subtil ou complexe, ce qui donne du sens, tout ce que la visio ne peut favoriser. Qui plus est, attention aux dangers du « work at home », du « flex office » et du « clean desk ». Si le bureau n’est plus un ancrage, si le télétravail permet de rester à la montagne, à la campagne et au bord de la mer tout en collaborant avec la société qui vous emploie, il ne vous place plus uniquement en concurrence avec celui qui exerce le même métier que vous dans la même entreprise ou la même ville, mais en rivalité avec le monde entier : celui qui travaille de chez lui peut le faire à Val-de-Reuil ou à Châteauneuf-de-Gadagne, mais il peut aussi le faire depuis Rio de Janeiro, Dakar ou New York et, dans ce cas, il sera brésilien, sénégalais ou américain, moins cher ou plus malin. Le bureau n’est pas un bourreau : il est aussi un élément social et protecteur !

Quels sont les immeubles qui vous ont le plus marqués ?

Les tours Duo, la tour Hekla, l’opération « Morland » sont d’extraordinaires réalisations. Je crois à la tour. Sans ressembler à Londres, Shanghai ou Doha, nous pouvons construire en hauteur à Paris. J’arrive même à imaginer que Frédéric Lemos — il ne ménage pas son temps pour m’en convaincre — pourra sauver la tour Montparnasse de la laideur. Ne condamnons pas les villes verticales. Ce sont des villes debout. Vous me permettrez de ne pas oublier la Fondation Louis Vuitton ou la Samaritaine. Les aménageurs, les promoteurs, les architectes sont en même temps des aménageurs urbains. Prenez le siège de Guerlain. C’est un immeuble remarquable, situé au cœur de Paris et imaginé par l’agence Sanaa. Non loin d’un palace, d’un grand magasin et du siège de Louis Vuitton, il constitue, à lui seul, un quartier en réunissant du logement social, du bureau et de l’activité. Le baron Haussmann aujourd’hui ce serait Franck Gehry ou Bernard Arnault qui transforment des immeubles, des rues, des quartiers.

Avez-vous des raisons d’être optimiste ?

Il y a des raisons d’être optimiste. D’autres d’être pessimiste. Elles peuvent être ponctuelles. Nouvel à Marseille, c’est de l’ordre de l’accident industriel. Il y a tout : le voisinage absurde avec le siège réussi par Zaha Hadid de CGM-CMA, les collectivités locales locataires, le contresens du nom et la faible qualité de l’exécution. On ne reconnaît pas l’architecte ayant fait des merveilles du Louvre d’Abu Dhabi à la Philharmonie, en passant par les bords de l’Hudson, l’Institut du Monde Arabe ou les plus grandes capitales d’Asie. Sans doute n’est-ce pas lui le coupable… Elles peuvent être générales. La rareté du foncier, la réticence des maires à accepter de recevoir de l’activité, parfois même du résidentiel, le poids des normes, le prix des matières premières, la passion française pour les recours, sont un obstacle au développement de l’immobilier et, pourtant, nous manquons de milliers de logements. L’inflation, la hausse des taux directeurs de la Banque Centrale, du taux d’usure, des taux d’intérêt, la baisse du pouvoir d’achat sont également des motifs d’inquiétude. Néanmoins, alors que l’activité ne s’arrête pas, les signes positifs chez nos voisins allemands ou les bons chiffres de l’emploi sont des éléments qui apportent de la confiance…

"25 ans des Pierres d'Or" : que sera l'immobilier demain ?