Assez rare pour être remarquée, la loi de finances pour 2022 publiée le 31 décembre 2021 contient peu de mesures fiscales impactant l’industrie immobilière. Il n’aura échappé à personne que nous sommes dans une année d’élection présidentielle ! Et la loi de finances qui précède une telle élection contient peu de mesures phares.

Cependant, au-delà de la loi de finances, l’environnement fiscal dans lequel évoluent les acteurs du monde immobilier a connu des changements introduits notamment par la jurisprudence ou la doctrine administrative.

1. Impôt sur les sociétés : maintien de la baisse du taux à 25 % et prorogation du dispositif du 210 F

Commençons par une bonne nouvelle : il y a quatre ans, une baisse de l’impôt sur les sociétés (IS) était annoncée. A l’époque, l’IS s’établissait à un peu plus de 33 % et il était annoncé une baisse à 25 % pour toutes les entreprises à compter de 2022. Nous y sommes et malgré la crise sanitaire, le législateur n’est pas revenu sur cette baisse. Il est toutefois difficile de se prononcer sur la pérennité de ce taux d’IS à 25 % devant le montant inédit de la dette publique. La baisse du taux de l’IS entraîne de facto la baisse à 25 % de certains prélèvements ou retenues à la source (applicables sous réserve des conventions fiscales), tels que le prélèvement dû par les non-résidents en cas de cession d’actifs immobiliers situés en France ou encore la retenue à la source sur les dividendes.

Autre bonne nouvelle en matière d’IS, la prorogation du dispositif prévu à l’article 210 F du CGI : les plus-values réalisées par les sociétés soumises à l’IS lors de la cession d’un local à usage de bureau, à usage commercial ou industriel, ou d’un terrain à bâtir bénéficient, sous conditions, d’un taux réduit d’IS de 19 % (au lieu de 25 %) lorsque le cessionnaire s’engage à transformer l’immeuble acquis en un immeuble à usage d’habitation ou à construire des locaux d’habitation sur le terrain dans les quatre ans qui suivent la date de clôture de l’exercice d’acquisition. Ce régime, en principe applicable jusqu’au 31 décembre 2022, est prorogé d’un an et continue à s’appliquer aux cessions réalisées jusqu’au 31 décembre 2023 et aux promesses unilatérales ou synallagmatiques de vente conclues entre le 1^er janvier 2021 et le 31 décembre 2023 inclus à condition que la cession soit réalisée au plus tard le 31 décembre 2024.

2. L’actualité en matière de TVA

L’option à la TVA par local confirmée et précisée

Une réponse ministérielle est venue confirmer et préciser l’option pour l’assujettissement des loyers à la TVA par local (et non obligatoirement à l’ensemble de l’immeuble), dès lors que l’option est expresse, précise et non équivoque (Réponse ministérielle Grau, 16 novembre 2021 à la suite de la décision du Conseil d’Etat, 9 septembre 2020).

La réponse précise que l’option doit être appréciée au regard de l’opération de location, c’est-à-dire lorsque l’option est exercée, celle-ci couvre nécessairement l’ensemble des locaux concernés par le bail, sans que le bailleur puisse choisir au sein de cette unique opération de location quels sont les locaux qui sont recouverts par l’option ou non. Par ailleurs, l’application de la règle selon laquelle le droit à déduction s’exerce au regard de chaque secteur d’activité constitué par chaque immeuble ou ensemble immobilier en présence d’un immeuble ayant fait l’objet d’une option par local est confirmée. Enfin, les bailleurs peuvent limiter la portée des options en cours à la date de l’arrêt précité, sous réserve d’en informer l’administration et que le décompte et le terme de la période d’option de neuf années ne soient pas modifiés.

TVA sur la marge : les derniers épisodes du feuilleton

Le régime de la TVA sur la marge continue à faire couler beaucoup d’encre. Le régime prévoit l’application de la TVA sur la marge réalisée lors de la revente d’un terrain à bâtir ou d’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans assujettie à la TVA, lorsque l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction.

Sollicitée dans le cadre d’une question préjudicielle par le Conseil d’Etat, la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu un arrêt, très attendu (Cour de Justice de l’Union Européenne, 30 septembre 2021). Selon la Cour, l’application de ce régime est subordonnée à une condition d’identité juridique entre le bien acquis et le bien vendu. Ainsi, ne bénéficie pas de la TVA sur la marge, la revente d’un terrain à bâtir acquis en tant que terrain non à bâtir. La Cour confirme ainsi l’interprétation stricte de l’administration fiscale et du Conseil d’Etat. La Cour précise également que les transformations apportées à un terrain à bâtir, tels qu’une division en lots ou des travaux de raccordement de réseaux (électricité, gaz, eau…), ne font pas obstacle à l’application de la TVA sur la marge. Enfin, contrairement à la doctrine administrative actuellement en vigueur, la Cour considère que ne peuvent pas bénéficier du régime de TVA sur la marge, la revente d’un bien lorsque son acquisition était placée hors du champ d’application de la TVA ou exonérée de TVA, sauf si le prix d’acquisition comprend la TVA acquittée en amont par le vendeur initial.

Cette contradiction de l’arrêt avec la doctrine administrative a suscité des interrogations. Le 1^er février 2022, la réponse ministérielle Grau (n°42486 AN) a apporté quelques réponses. Il est précisé qu’après que le juge national aura tranché le litige national en cours, en concertation avec les acteurs du secteur de l’immobilier, l’administration tirera les conséquences de cet arrêt de la Cour par une mise à jour du BOFiP. Tant que cette mise à jour n’est pas intervenue, il est possible de se prévaloir du BOFiP dans sa rédaction actuelle et l’administration ne peut pas remettre en cause l’application par le contribuable dudit BOFiP. Enfin, il est indiqué que cette mise à jour du BOFiP n’aura pas vocation à remettre en cause les équilibres économiques des opérations en cours. Ainsi, les commentaires administratifs actuels du BOFiP resteront opposables lorsque les ventes interviendront après la mise à jour du BOFiP, si l’acquisition du bien est intervenue ou a fait l’objet d’un compromis de vente avant cette mise à jour.

3. Engagement de revendre et maintien de la prépondérance immobilière

En matière de droits de mutation, deux décisions à retenir concernent les engagements de revendre et de construire qui permettent à un acquéreur de bénéficier de droits réduits.

Dans une décision du 24 novembre 2021, la Cour de cassation fait une lecture stricte du caractère immobilier des titres faisant l’objet de cet engagement de revendre et impose que la prépondérance immobilière de la société soit conservée à tout moment entre son acquisition et sa revente. Pour mémoire, en application de l’article 1115 du CGI (Code général des impôts, ndlr), les acquisitions de parts de sociétés à prépondérance immobilière réalisées par des assujettis à la TVA bénéficient d’une exonération de droit de mutation lorsque l’acquéreur s’engage à les revendre dans un délai de cinq ans à compter de la date d’acquisition.

Dans une décision du 9 février 2022, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 18 novembre 2019 qui avait admis que lorsqu’un engagement de construire est pris dans un acte complémentaire (c’est-à-dire postérieurement à l’acquisition), le point de départ du délai de réclamation des droits d’enregistrement initialement acquittés est la date de dépôt de l’acte complémentaire. Par cet arrêt, la Cour de cassation valide la position de l’administration qui considère que lorsqu’un engagement de construire est pris a posteriori, la réclamation des droits initialement acquittés doit intervenir au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant le versement des droits.

4. Autres taxes

En matière de taxe de 3 %, la campagne 2022 s’annonce encore particulière. Au-delà des problématiques qui peuvent demeurer sur les modalités de la télédéclaration initiée de façon chaotique en 2021, la loi de finances pour 2022 a instauré le télépaiement obligatoire de la taxe de 3 % à compter du 1er janvier 2022. Reste à espérer que le télépaiement en 2022 soit plus simple que la télédéclaration en 2021.

Le Conseil d’Etat a invalidé la doctrine administrative (BOI-IF-AUT-50-10-10-27/10/2021 §270) qui définit les surfaces de stationnement soumises à la taxe annuelle sur les locaux de bureaux, commerce et stockage en Ile-de-France et a précisé que n’entrent pas dans le champ d’application de la taxe les voies de circulation (Conseil d’Etat, 20 octobre 2021).

La loi de finances pour 2022 a transformé l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties d’une durée de vingt ans, applicable en faveur des institutionnels investissant dans certains logements locatifs intermédiaires, en créance d’IS d’un montant égal à celui de la taxe foncière mise en recouvrement pendant vingt ans, pour les logements achevés à compter du 1er janvier 2023.

5. Des aménagements ont été apportés à l’investissement immobilier des particuliers

Le dispositif Cosse consistant en une déduction spécifique sur les revenus fonciers accordée aux propriétaires de logements données en location dans le cadre d’une convention conclue avec l’Agence Nationale de l’Habitat (Anah) jusqu’au 31 décembre 2021 est étendu aux conventions à venir et dont la date d’enregistrement par l’Anah de la demande de conventionnement intervient jusqu’au 28 février 2022. En revanche, pour les procédures de conventionnements engagées à compter du 1er mars 2022, la loi de finances pour 2022 transforme la déduction en une réduction d’impôt sur le revenu, largement inspirée du dispositif Cosse s’agissant de son champ d’application. Ce nouveau régime s’applique à compter de l’imposition des revenus 2022.

Le dispositif Censi-Bouvard bénéficiant aux loueurs en meublé non professionnels, investissant dans des résidences accueillant des personnes âgées, handicapées et les résidences étudiantes, est prorogé d’un an. Les contribuables peuvent obtenir une réduction d’impôt sur ce fondement en cas d’acquisition de biens éligibles jusqu’au 31 décembre 2022.

Le dispositif Denormandie Ancien, ayant pour objectif d’encourager la rénovation dans l’ancien pour répondre aux besoins de logement des populations, est lui aussi prorogé d’un an. Les contribuables peuvent obtenir une réduction d’impôt sur ce fondement en cas d’acquisition de biens éligibles jusqu’au 31 décembre 2023.

6. Actualité en fiscalité internationale

Pour finir, voyageons un peu (au moins virtuellement) pour aborder l’actualité en matière de fiscalité internationale.

La France a signé le 9 novembre 2021 une nouvelle convention fiscale avec la Belgique conforme aux standards internationaux. La convention n’a pas encore été ratifiée et ne pourra entrer en vigueur au plus tôt qu’en 2023. Plusieurs dispositions impactent directement l’investissement immobilier. Comme cela a été le cas avec le Luxembourg, un article a été introduit pour viser spécifiquement les sociétés à prépondérance immobilière, mais aussi les distributions faites par les OPCI et les Siic. Ainsi, la cession par un résident belge de toute société à prépondérance immobilière en France deviendra imposable en France là ou aujourd’hui elle est imposable exclusivement en Belgique (exception faite des cessions de SCI que l’administration considère déjà comme imposables en France). La notion de résident a également été modifiée. Cette notion est importante dans un contexte conventionnel car seuls les résidents au sens de la convention peuvent bénéficier des avantages conventionnels. Pour être résident, il faudra être assujetti à l’impôt. Cette mesure revient à exclure les OPPCI des avantages conventionnels puisqu’ils sont complètement exonérés d’impôt. Par ailleurs, les dividendes distribués par les Siic et les OPCI à des résidents belges détenant au moins 10 % de leur capital seront soumis au taux de retenue à la source de droit interne, soit 25 % au lieu du taux réduit conventionnel de 12,8 %.

Pour conclure, l’environnement fiscal va encore évoluer au cours de cette année 2022. En effet, il est fréquent qu’une loi de finances soit adoptée après les élections présidentielles et législatives. Je vous donne rendez-vous à la rentrée 2022 !

Sandra Fernandes (LPA-CGR Avocats) : "actualité fiscale, impact sur l’industrie immobilière"