Par décret du 14 mars 2022, le Gouvernement a cherché à contenir les hausses de loyers des commerçants en modifiant la formule de calcul de l’indice des loyers commerciaux (ILC) qui avait atteint des niveaux historiquement hauts.

L’indexation des loyers des baux commerciaux

La pratique de marché en matière de baux commerciaux consiste en une indexation annuelle du loyer, généralement à la date d’anniversaire de la prise d’effet du bail.

Pour que le mécanisme d’indexation soit valable, l’indice choisi doit être en relation directe avec l’objet du contrat. L’article L112-2 du Code monétaire et financier précise qu’est réputé en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble bâti toute clause prévoyant une indexation sur la variation de l’indice national du coût de la construction (ICC) ou, pour des activités commerciales ou artisanales, toute clause prévoyant une indexation sur la variation de l’ILC.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 dite « Loi Pinel », l’indice de référence pour la révision triennale légale du loyer ou le plafonnement du loyer du bail renouvelé n’est plus l’ICC, mais soit l’ILC pour les locaux à usage commercial ou artisanal, soit l’Ilat pour les locaux à usage de bureaux ou d’entrepôts. C’est la raison pour laquelle, en pratique, c’est généralement l’ILC plutôt que l’ICC qui est retenu comme référence pour l’indexation des loyers des locaux à usage commercial.

Les modalités de calcul de l’ILC étaient initialement définies par le décret n° 2008-1139 du 4 novembre 2008 relatif à l’indice national trimestriel des loyers commerciaux, disposant que ledit indice était constitué par la somme pondérée (i) d’indices représentatifs de l’évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers (pour 50 %), de celle de l’ICC (pour 25 %) et de celle du chiffre d’affaires du commerce de détail (pour 25 %).

L’explosion récente de l’ILC…

L’évolution des valeurs de l’ILC en 2021 a été marquée par une envolée importante qui a conduit à des niveaux historiquement hauts : + 0,43 % pour le 1^er trimestre, + 2,59 % pour 2^ème trimestre et + 3,46 % pour le 3^ème trimestre. Une telle augmentation n’avait pas été atteinte depuis 2008 et le dépassement de la barre des 4 % était attendu pour le 4ème trimestre 2021. C’est ainsi que le Gouvernement a décidé de modifier la méthode de calcul de l’ILC afin de contenir son augmentation.

… due à la prise en compte du chiffre d’affaires du commerce de détail

Les travaux de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (Insee) réalisés à l’occasion des Assises du Commerce de décembre 2021 ont établis que la composante chiffre d’affaires du commerce de détail était à l’origine de cette forte augmentation. Cela était notamment dû au fait que cette composante intégrait l’ensemble du chiffre d’affaire du secteur, y compris celui réalisé en ligne (e-commerce) dont la progression a été particulièrement importante dans les dernières années (les ventes par internet ont ainsi augmenté de près de 100 % entre 2014 et 2021). Si la vente en ligne était en constante augmentation depuis plusieurs années, la période sanitaire liée à l’épidémie de la Covid-19 a joué le rôle d’accélérateur comme l’a souligné la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) qui a constaté que “les deux périodes de confinement ont entraîné des pics d’activité sans précédent sur la vente en ligne de produits » qui s’est, par la suite, maintenue à un niveau élevé.

Soucieux de maintenir une certaine stabilité des loyers et éviter des indexations entraînant d’importantes augmentations, le Gouvernement a considéré que la composante chiffre d’affaires du commerce de détail « alimentait ainsi, sans aucune justification économique, la revalorisation des loyers des magasins physiques et, plus généralement, de l’ensemble des locaux loués par bail commercial (restaurants et bars, cinémas, salles de sports…) ».

La nouvelle formule de calcul de l’ILC

Le décret du 14 mars 2022 est venu supprimer la composante chiffre d’affaires du commerce de détail de la méthode de calcul de l’ILC de sorte que cet indice est dorénavant calculé en prenant en compte seulement l’indice représentatif de l’évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers (pour 75 %) et l’ICC (pour 25 %).

Cette nouvelle formule appliquée pour le calcul de l’ILC du 4ème trimestre 2021 se traduit par une augmentation de seulement +2,42 %, entraînant, ainsi, une baisse de plus d’un point par rapport à la valeur de l’ILC du 3ème trimestre 2021 (+3,46 %).

Selon les vœux du Gouvernement, cette nouvelle mouture de l’ILC « va permettre de diviser par deux la revalorisation des loyers indexés sur l’ILC de mars 2022 et devrait modérer considérablement les revalorisations fondées sur les publications trimestrielles suivantes en 2022 et 2023 ».

Une nouvelle méthode de calcul pour l’Ilat ?

La récente augmentation significative de l’Ilat utilisée pour l’indexation des loyers des locaux à usage de bureaux ou d’entrepôts (+1,86 % pour le 2ème trimestre 2021, + 2,96 % pour le 3ème trimestre 2021 et + 4,30 % pour le 4ème trimestre 2021) pose nécessairement la question de savoir si le Gouvernement sera aussi sensible à cette envolée du niveau de l’indice et décidera, aussi, d’en modifier la méthode de calcul.

Chloé Strasser, counsel
Bryan Cave Leighton Pasiner (BCLP)

Réforme de l’ILC : la réponse du Gouvernement à la hausse des loyers des locaux à usage commercial et artisanal