C’est en prônant « la révolution de l’amiable », que le garde des Sceaux, lors de sa déclaration à Aix-en-Provence le 5 février dernier, affirmait son engagement ambitieux en faveur du développement de la politique de l’amiable. Dès 2023, dans le cadre du plan d’action pour la justice, la justice civile a été mise à l’honneur avec la volonté affichée de diviser par deux les délais de procédure et de promouvoir une véritable politique de l’amiable. On comprend que la force de cet engagement puisse évoquer, à son début, une révolution plutôt qu’une évolution.

Cependant, l’essence même de l’amiable semble s’accorder avec un engagement dans la durée, un apprentissage continu, sans heurts, gage de l’adhésion de tous les protagonistes que sont les justiciables, leurs avocats et les juges, à ces nouveaux modes de règlement des différends. Il s’agit davantage d’une acculturation.

Dans un contexte général d’affrontements et de violences, la volonté affichée de développer l’amiable peut paraître une gageure un peu naïve, cependant les résultats des recours aux modes alternatifs de règlement des différends sont nombreux et concrets, le défi mérite d’être relevé.

L’évolution récente de cette nouvelle justice s’est traduite par la création de deux nouvelles procédures amiables, l’audience de règlement amiable (dont l’acronyme ARA évoque ces perroquets au plumage vivement coloré) et la césure du procès, par le décret 2023- 686 du 29 juillet 2023.

Ces nouvelles dispositions figurent désormais, respectivement, aux articles 774-1 à 774-4 et 807-1 à 807-3 du Code de procédure civile ; cette codification a vocation à évoluer.

En effet, parmi les mesures destinées à favoriser et rendre plus accessible le recours aux modes alternatifs de règlement des différends, a été annoncée la refonte du livre V du Code de procédure civile : « la résolution amiable des différends ». Cette codification apparaît bienvenue dans un contexte où les modalités de résolution amiable des différends sont nombreuses et éparses dans les textes.

Cette justice du citoyen, par opposition à la justice étatique, place le justiciable au cœur de son litige et redonne au juge l’une de ses prérogatives initiales qu’est la conciliation.

Les modalités de cette justice amiable sont multiples et correspondent à des priorités ou des critères différents, selon les sujets qu’il convient de résoudre, selon les personnes dans la cause. Elles peuvent, selon les cas, s’opérer avec le juge ou en dehors de lui, en organisant par anticipation d’avoir recours à un système différent, ce qui est le cas de l’arbitrage.

1. Les parties peuvent décider de soumettre leur contrat au régime de l’arbitrage, qui consiste à s’adresser à une juridiction distincte de la juridiction étatique, le tribunal arbitral dont les justiciables peuvent choisir les juges.

Le régime procédural de l’arbitrage est autonome. Il répond à des règles spécifiques prévues aux articles 1442 à 1503 du Code de procédure civile pour l’arbitrage interne, aux articles 1504 à 1527 de ce même code pour l’arbitrage international. Comme dans tous recours aux modes amiables, l’arbitrage suppose le consentement des parties par le biais d’une clause compromissoire ou d’un compromis, des conditions y sont posées pour la désignation des arbitres.

Les principes directeurs du procès civil s’appliquent, le principe de dispositif, le contradictoire, la recherche d’une conciliation. La loyauté des débats et la célérité sont la règle. La confidentialité des échanges est le principe.

L’arbitrage constitue le livre IV du Code de procédure civile et figure juste avant le livre consacré à la résolution amiable des différends. Il est probable que l’arbitrage soit compris dans le futur livre V du Code de procédure civile bien qu’il organise la constitution d’un procès en marge du procès étatique dont les règles de fonctionnement sont précises. Le projet de refonte du nouveau livre V devra choisir…

Le recours à l’arbitrage est spécifique, il trouve sa place dans la mise en application des contrats et peut, à ce titre, rester indépendant des autres modes alternatifs de résolution des différends. Le recours à l’arbitrage dans un contrat suppose la rédaction d’une clause efficace comprenant une acceptation expresse d’y recourir. Une clause compromissoire peut utilement se combiner avec une clause de conciliation, l’arbitre étant dans ce cas le seul compétent pour désigner le conciliateur.

2. Au livre V actuel du Code de procédure civile apparaissent la médiation, la conciliation et la procédure participative aux fins de mise en état.

Si les deux premiers modes précités font intervenir un tiers dans la recherche de la solution du conflit, la procédure participative, quant à elle, fait appel aux parties assistées de leurs avocats pour tenter d’avoir recours à une solution amiable, soit avant l’instance soit en cours d’instance. La convention de procédure participative aux fins de mise en état, par laquelle les parties s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige, est prévue aux articles 2062 à 2068 du Code civil. Cette procédure conventionnelle est suivie par une procédure aux fins de jugement d’homologation de l’accord ou de jugement du différend.

Le recours aux modes amiables que sont la médiation, la conciliation et la procédure participative est favorisé par l’application de l’article 750- 1 du Code de procédure civile qui, après un instant d’interruption et une modification à la suite d’une annulation par le Conseil d’Etat, est à nouveau en vigueur.

A peine d’irrecevabilité, la demande en justice doit être précédée d’une tentative de conciliation, d’une tentative de médiation ou encore d’une tentative de procédure participative aux fins de mise en état lorsqu’elle porte sur une demande n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à une action en trouble anormal de voisinage. Dans son récent discours, le garde des Sceaux indique que le seuil en deçà duquel cette irrecevabilité pourra être invoquée sera porté à 10 000 euros.

Cette exigence procédurale est bienvenue puisqu’elle contraint les parties à s’interroger préalablement et mutuellement sur le bien-fondé d’un traitement amiable de leur différend. Ainsi, les avocats devront, avant d’introduire pour leurs clients une procédure dans les domaines de la vie courante que sont les troubles de voisinage ou les litiges pour des montants relativement faibles, exposer à leurs clients le mécanisme de ces trois modes alternatifs, ce qui constitue le moyen de sensibiliser les acteurs de la justice à ce dispositif original.

L’article 54 du Code de procédure civile vient renforcer les dispositions de l’article 750- 1 de ce code. Il dispose que l’assignation et la requête doivent, à peine de nullité, préciser « les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige » ou indiquer « la justification de la dispense d’une telle tentative ».

3. Les différences entre les trois mécanismes que sont la médiation, la conciliation et la procédure participative aux fins de mise en état

La médiation

Elle suppose l’intervention d’un médiateur qualifié (article 131- 5 du Code de procédure civile), qui est une personne physique ou morale n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation, justifiant d’une formation ou d’une expérience adaptée, présentant des garanties d’indépendance indispensables à la médiation. Le médiateur entend les parties, confronte leurs points de vue pour leur permettre de trouver, elles-mêmes, une solution aux litiges qui les oppose.

Il existe deux formes de médiation : la médiation conventionnelle (article 1530 à 1535 du Code de procédure civile) et la médiation judiciaire (article 131-1 à 131-15 du Code de procédure civile). Quel que soit son mode de réalisation, la médiation est un processus volontaire et consensuel. La confidentialité s’impose à tous les échanges intervenus dans le cadre d’une médiation. Cependant, les parties peuvent décider ensemble de lever la confidentialité de certains documents ou de certains types d’accords. Les dispositions d’ordre public s’imposent à l’accord de médiation qui ne peut être contraire à celles-ci.

La médiation ou la conciliation suspendent les délais de prescription (article 2238 du Code civil), à compter du jour où, après la survenance du litige, les parties conviennent d’y avoir recours. A défaut d’accord écrit, la prescription est suspendue à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. Le délai recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. L’accord de médiation peut aboutir à une homologation par saisine du juge (article 1534 du Code de procédure civile).

En revanche, la médiation ou la conciliation n’a pas d’impact sur les délais de forclusion comme celui de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 qui fixe le délai de contestation d’assemblée générale de copropriété (article 2220 du Code civil).

La médiation judiciaire est définie par la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions, et à la procédure civile, pénale et administrative : « tout processus, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elle, désigné avec leur accord par le juge saisi du litige ».

La désignation du médiateur peut intervenir en tout état de la procédure, y compris en référé. La médiation peut porter sur tout ou partie du litige, mais ne dessaisit pas le juge (article 131- 2 du Code de procédure civile). L’accord des parties est nécessaire pour entamer le processus de médiation judiciaire. Le juge désigne le médiateur une fois les parties accordées sur le principe ; il fixe le montant de la rémunération de celui-ci et la durée de la mission du médiateur (article 131- 6 du Code de procédure civile).

La médiation de projet

Ce type de médiation résulte uniquement de la pratique et de l’expérience de la médiation amiable adaptée aux grands projets. Elle consiste à désigner un tiers indépendant, en dehors de tout litige, lorsqu’un projet est mis en œuvre faisant intervenir un nombre important de participants. Il s’agit, par exemple, des projets d’urbanisme, d’aménagement, de construction, faisant intervenir à la fois les pouvoirs publics, les collectivités locales, des entreprises publiques, des constructeurs, des occupants…

Ce type de projet sera ainsi facilité et son aboutissement ne sera pas retardé par des incidents si un interlocuteur unique, le médiateur de projet, désigné avec l’accord de chacun des opérateurs, peut être appelé à intervenir chaque fois qu’une discussion entre deux ou plusieurs participants menace de bloquer le projet. La pratique a mis en lumière l’efficacité de ce type de médiation.

La conciliation : à la différence de la médiation, la conciliation est guidée par le conciliateur qui propose une solution du litige. La conciliation peut prendre trois formes : les parties se concilient elles-mêmes (articles 1536 à 1541 du Code de procédure civile) ; le juge peut lui-même décider de concilier les parties puisque le rôle de conciliateur entre dans sa mission (article 21, 128 et suivants du Code de procédure civile) ; le juge peut déléguer la conciliation à un conciliateur de justice (article 129- 2 et suivants du Code de procédure civile).

La tentative de conciliation est imposée par principe au juge et aux parties devant trois juridictions : le Conseil des prud’hommes, le tribunal paritaire des baux ruraux, le tribunal judiciaire dans le cadre de l’article 750- 1 du Code de procédure civile, comme vu ci-dessus.

La convention de procédure participative aux fins de mise en état : par cette convention, les parties s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leurs différends ou à la mise en état de leur litige (articles 2062 à 2068 du Code civil et 1542 et suivants du Code de procédure civile). Le juge n’intervient pas ou peu lors de la mise en état, seulement ponctuellement quand un désaccord survient.

Dans cette procédure, l’assistance des parties à l’occasion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état est le monopole de l’avocat. Les courriers entre avocats sont confidentiels, le contenu des négociations également. La convention doit être rédigée par écrit à peine de nullité. Elle suspend le délai de prescription à compter de sa conclusion (article 2238 du Code de procédure civile).

L’offre préalable de mise en état conventionnelle dans le cadre de la procédure écrite devant le tribunal judiciaire est envisagée.

La procédure conventionnelle de recherche d’accord est suivie, lorsqu’elle n’aboutit pas à un accord amiable, par une procédure de jugement du différend. En revanche, si un accord intervient, une procédure aux fins de jugement d’homologation de l’accord est introduite.

4. La transaction

Il s’agit d’un mode de règlement d’un différend sans intervention d’un tiers extérieur au litige régi par les articles 2044 et suivants du Code civil. La transaction peut être conclue soit à l’occasion d’une instance soit en dehors de toute procédure. Par la transaction, les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Elle doit comprendre des concessions réciproques pour chaque partie. La transaction a pour objet une renonciation à l’action ; elle est délimitée par son objet ; elle peut être rendue exécutoire par homologation par le juge compétent.

5. L’amiable composition

Le juge peut intervenir dans un différend à titre d’amiable compositeur, mission qui lui est confiée aux termes de l’article 12 alinéa 4 du Code de procédure civile. Les parties doivent donner leur accord express pour recourir à l’amiable composition. C’est une mission traditionnelle du juge qui retrouve de la vigueur aux dépends de sa fonction de trancher les litiges.

Le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire introduit dans le Code de procédure civile deux mécanismes nouveaux pour favoriser le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire.

6. L’audience de règlement amiable applicable (à compter du 1 novembre 2023)

Cette procédure permet de confier à un juge différent de celui qui est saisi du litige la mission de trouver une solution amiable au conflit. Ce mode de règlement amiable des différends donne un rôle central au juge.

Certaines instances sont exclues du champ de cette procédure d’audience de règlement amiable, par exemple celles pendantes devant le juge aux affaires familiales, celles portant sur des droits dont les parties n’ont pas la libre disposition.

À la demande de l’une des parties ou d’office après avoir recueilli leur accord, le juge saisi peut décider que les parties seront convoquées à une audience de règlement amiable tenue par un juge qui ne siège pas dans la formation de jugement. Cette mesure d’administration judiciaire ne dessaisit pas la juridiction saisie, mais interrompt l’instance.

L’orientation en audience de règlement amiable peut intervenir à tout moment de la procédure.

Les parties au litige expriment, successivement, devant le juge de l’audience amiable leurs points de vue, ainsi que leurs besoins, positions et intérêts respectifs. Les parties doivent comparaître en personne ; elles peuvent être assistées de leur avocat.

La procédure est confidentielle ; le juge de l’audience de règlement amiable peut y mettre fin à tout moment. A la fin de la procédure, les parties peuvent demander au juge de l’audience amiable de constater leur accord ; le juge de l’amiable informe le juge saisi de la fin de l’audience de règlement amiable et lui transmet le procès-verbal d’accord.

Cette procédure est régie par les articles 774- 1 à 774- 4 du Code de procédure civile.

7. La césure du procès (à compter du 1er novembre 2023)

Pour accélérer le déroulement des litiges civils et favoriser le règlement amiable des différends ont été introduits dans le Code de procédure civile les articles 807 -1 à 807- 3 qui décrivent la césure du procès.

À tout moment, les parties peuvent demander au juge de la mise en état la clôture partielle de celle-ci. Les parties transmettent au juge de la mise en état un acte contresigné par leurs avocats aux termes duquel elles sollicitent le jugement partiel du litige.

Il appartient au juge de la mise en état de décider s’il accepte ou non cette demande de jugement partiel. Le litige est alors renvoyé devant le tribunal qui ne statuera que sur les prétentions déterminées par les parties. Ce jugement partiel pourra faire l’objet d’un appel. Le reste des prétentions des parties qui n’ont pas été jugées par le tribunal pourra faire l’objet d’un autre mode alternatif de règlement des différends qui pourra être la médiation, la conciliation…

Cette procédure simple devrait connaître un certain essor et remplir le double objectif de rapidité et de rapprochement des parties.

On peut s’interroger sur le bien-fondé de la multiplication des modes alternatifs de règlement des différends qui en complexifie la lecture et la compréhension. Le système est conçu pour apporter à chaque type de conflit une réponse la mieux adaptée et pour que cet échantillon de mécanismes, qui laisse un grand choix aux parties, aboutisse aux résultats attendus, à savoir principalement la limitation de la durée de traitement des différends et l’appropriation par les parties de leur conflit afin de pacifier les relations entre les individus.

C’est par le changement de culture des acteurs du procès civil que devrait se construire la justice du XXIème siècle. Celle-ci sera plus rapide, plus efficace, plus proche du justiciable et redonnera au juge un rôle de conciliateur qu’il avait abandonné dans un contexte d’affrontement et d’instabilité que la justice de l’amiable tendra à atténuer. Dès lors, on comprend que le chemin est long et que la révolution nécessaire est une première marche vers cette évolution plus progressive de la justice du XXIème siècle.

LPA-CGR avocats : "l’amiable, défi de la justice du XXIème siècle"