La finance verte (green), socialement responsable (social) et durable (sustainability linked) privilégie le financement de projets en faveur de la protection de l’environnement et du développement des activités économiques durables. Les textes européens qui favorisent la prise en compte des considérations environnementales dans les décisions d’investissement se multiplient. Récemment, la directive (UE) 2022/2464, dite « CSRD » (Corporate Sustainability Reporting Directive), publiée le 16 décembre 2022, qui remplace la directive 2014/95/UE, dite NFRD (Non-Financial Reporting Directive), renforce et uniformise les exigences relatives à la publication d’information en matière de durabilité des entreprises, c’est-à-dire leurs obligations de reporting.

Dans le secteur immobilier, un acteur qui souhaiterait se financer ou investir dans un actif immobilier doit d’autant plus s’astreindre au respect de ces normes toujours plus exigeantes, dès lors que la protection de l’environnement est de plus en plus au cœur des préoccupations.

Les grands principes des financements durables

Le marché de la finance verte promeut le développement d’une activité économique durable sur le plan environnemental et sur le plan social. Les associations de place (l’International Capital Market Association, la Loan Market Association, l’Asia Pacific Loan Market Association et la Loan Syndications & Trading Association) ont publié leurs principes et guides sur les financements durables. Les principes concernant les prêts verts exposent quatre éléments essentiels.

La destination des fonds

Les fonds mis à disposition doivent être utilisés en vue de financer un projet vert ou social pour les prêts verts ou sociaux ou afin d’améliorer le profit global de l’emprunteur pour les prêts durables. L’objet du prêt peut également concerner le refinancement d’un projet vert, en précisant le détail du projet et, si nécessaire, en procédant à une réévaluation des bénéfices dudit projet.

La procédure d’évaluation et de sélection des projets éligibles

L’emprunteur doit communiquer certaines informations aux prêteurs telles que, par exemple, sa stratégie et ses objectifs en matière environnementale. Il doit, par ailleurs, justifier l’analyse qui l’a amené à conclure que son projet était éligible et préciser les critères qu’il a utilisés. En particulier, l’emprunteur doit détailler le processus d’identification et de gestion de tout potentiel risque environnemental ou social lié au projet financé. Si un emprunteur a pour objectif d’obtenir une certification spécifique, il peut également communiquer sur ce point.

La gestion des fonds

Le suivi de l’utilisation des fonds doit être organisé par l’emprunteur qui doit toujours être en mesure de maintenir un certain degré de transparence, notamment en utilisant des comptes dédiés.

Seule une tranche (par exemple, la tranche Capex) du prêt peut être verte et l’emprunteur doit être en mesure de séparer et tracer les fonds issus de la tranche verte. Un prêt revolving peut également être vert si les parties se mettent d’accord sur la manière de tracer l’utilisation des fonds et sur l’éventuelle mise en place d’obligations de reporting ou de conditions suspensives additionnelles.

La mise en place de mesures de gouvernance interne peut être un bon outil de suivi. Ainsi, récemment, Perial Asset Management a publié un document cadre pour le financement durable de ses actifs aligné avec les principes publiés par les associations de place et avec l’objectif ambitieux de transformer tous ses financements éligibles.

Le reporting

Les emprunteurs sont tenus de mettre à disposition des prêteurs un certain nombre d’informations concernant l’utilisation des fonds. Par exemple, ils doivent préciser et décrire le projet vert auxquels les fonds ont été alloués, le montant des sommes allouées à ce projet et les répercussions escomptées sur l’environnement ou leur profil durable.

L’information doit être actualisée au moins une fois par an, mais les parties peuvent choisir de prévoir une mise à jour des informations à un rythme plus soutenu si elles le souhaitent.

Les projets éligibles à un financement durable

Les lignes directrices exposent des catégories indicatives de projets éligibles. Par exemple, pour les prêts verts, ces catégories comprennent les énergies renouvelables, la performance énergétique, les transports non polluants, le traitement des eaux usées, les adaptations au changement climatique ou encore les immeubles verts (qui répondent à certaines normes ou certifications). Pour les prêts sociaux, les catégories englobent entre autres l’accès aux infrastructures essentielles (eau potable, télécommunications, énergie…) ou encore l’accès au logement.

Il est possible d’avoir recours à des tiers pour évaluer si le projet est éligible. Les emprunteurs peuvent mandater des consultants spécialisés en amont de la mise en place du financement. Ils peuvent aussi faire appel à des auditeurs indépendants pour une vérification de conformité avec leurs standards internes ou obtenir une véritable certification auprès d’un tiers expérimenté.

La taxonomie européenne est également un indicateur pertinent. En effet, le règlement (UE) 2020/852 du 18 juin 2020, dit règlement « Taxonomie », a établi un système de classification pour identifier les activités économiques durables. Une activité économique est considérée comme durable sur le plan environnemental si elle remplit certains critères mis en perspective avec les objectifs environnementaux définis par le règlement (à savoir, l’atténuation du changement climatique, l’adaptation au changement climatique, l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines, la transition vers une économie circulaire, la prévention et la réduction de la pollution, et la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes).

Dans ce contexte, les acteurs du secteur immobilier peuvent être concernés à l’occasion d’une opération de financement de la construction d’un immeuble, mais également en cas de financement des travaux de rénovation (notamment en vue d’améliorer les performances énergétiques) ou encore dans le cadre des opérations d’acquisition ou de gestion d’immeubles.

Quels sont les critères de mesurabilité ?

Pour satisfaire aux obligations de reporting, les lignes directrices se réfèrent à l’utilisation de critères objectifs quantifiables. Lorsque cela est faisable, il est, par exemple, possible de mesurer les capacités énergétiques ou les émissions de gaz à effet de serre.

Les méthodologies utilisées et les présomptions sous-jacentes doivent être publiées et communiquées aux prêteurs. En l’absence de méthodologie standardisée, il est intéressant pour les prêteurs de comprendre comment l’emprunteur a mesuré l’impact de son projet. Les parties peuvent également convenir de faire appel à un tiers pour évaluer la performance et les mesures qui doivent faire l’objet du reporting tout au long de la vie du prêt.

Pour les financements liés au développement durable dont l’objectif est d’améliorer le profil général d’une société, des indicateurs clés de performance (key performance indicators, dits « KPI ») sont définis en référence à la stratégie globale d’amélioration de la société et un délai de réalisation de ces indicateurs est fixé.

Les avantages

Les prêteurs ou les emprunteurs qui souhaiteraient conclure un prêt qui répond aux caractéristiques des prêts « verts », « socialement responsables » et « durables » pourraient en tirer de nombreux avantages, outre l’impact environnemental positif. En effet, l’incidence réputationnelle sur les parties à un tel financement est notable, auprès du public, mais aussi de leurs partenaires commerciaux, de leurs actionnaires ou de leur personnel qui sont de plus en plus sensibles à la prise en compte des enjeux environnementaux, sociaux et durables. Un autre avantage consiste également dans l’ouverture à de nouveaux marchés et à des nouveaux investisseurs, plus variés, qui recherchent à développer leurs axes environnementaux, sociaux et durables. Participer à de telles opérations permet, enfin, aux investisseurs de créer une meilleure résilience à l’heure où les marchés pourraient être perturbés par des évènements liés au changement climatique.

La rédaction de la documentation de financement

La documentation doit préciser la destination du crédit. En effet, l’objet du prêt ou de la tranche concernée réside dans le financement dudit projet qui répond aux critères d’éligibilité.

Des déclarations et des engagements spécifiques portant sur les marqueurs en relation avec le projet financé, ainsi que des engagements sur l’exactitude du reporting sont également à prévoir. Les engagements pourraient encore se référer à l’obtention de certifications par des tiers experts.

Dans le contexte d’une syndication, il conviendra également d’envisager l’adaptation des stipulations contractuelles relatives aux transferts de participation.

Immobilier et sobriété énergétique : la finance verte, socialement responsable et durable