« Il manque actuellement au moins 500 000 logements pour répondre à la demande en Ile-de-France, soit 30 millions de mètres carrés. Le volume de bureaux vides vient de dépasser les 5,6 millions de mètres carrés dans la région Capitale selon ImmoStat. Cette évaluation globale nécessite néanmoins une finesse d’analyse au niveau de chaque territoire pour identifier les zones où intervenir en priorité en fonction des dynamiques et spécificités locales. L’ORIE a donc créé un indice composite pour référencer le potentiel de recyclage de bureaux en logements dans les territoires franciliens avec une échelle allant de -1 pour ceux où la transformation est un défi jusqu’à +1 pour ceux présentant les meilleures conditions.

Focalisé sur 113 communes réparties en 34 marchés tertiaires regroupant la majorité du parc de bureaux d’Ile-de-France (plus de 80 %), cet indice est calculé à partir de trois familles de critères pondérés :

la dynamique tertiaire (30 %) prend en compte l’offre de bureau en comparaison de son niveau d’absorption, ainsi que le taux de vacance ;
la dynamique résidentielle (30 %) retient le nombre de logements créés, le solde migratoire, l’évolution des prix dans le résidentiel neuf, ainsi que l’offre de transports ;
la faisabilité économique (40 %) repose sur l’équilibre financier nécessaire pour produire du logement neuf à partir d’un bureau ancien.

Les Pôles et Zone de Marché (PZM) de Clichy-Saint-Ouen, Vélizy-Villacoublay et de Vanves à Gentilly ressortent ainsi comme les territoires où le potentiel de transformation de bureaux en logements est le plus important en Ile-de-France.

L’indice de recyclage de bureaux dessine également trois typologies de territoires.

1. La première regroupe les quartiers de Paris intra-muros, ainsi que Neuilly-sur-Seine et Levallois-Perret qui n’offrent pas de conditions d’ensemble favorables pour la transformation.

2. A l’inverse, la première couronne de Paris, qui attire les populations en nombre alors que la dynamique des bureaux ralentit, offre de fortes perspectives.

3. Enfin, les « villes nouvelles », telles que Cergy-Pontoise, Saint-Quentin-en-Yvelines, Marne-la-Vallée, Orly, Roissy sont à la croisée des chemins : l’attractivité des bureaux faiblit, mais la dynamique résidentielle n’est pas toujours assez forte pour faciliter le recyclage.

Mais quel est le potentiel réel de création de logements grâce au recyclage de bureaux à l’échelle de l’Ile-de-France ?

La réponse dépend des hypothèses prises, sachant qu’il y a deux cas de figure pour transformer un immeuble de bureaux en logements.

1. Soit il est restructuré pour être adapté à l’habitat. Dans ce cas, une partie de la surface est perdue : pour 1 m2 de bureaux, 0,8 m2 de logement est créé.

2. Soit l’immeuble de bureaux est démoli partiellement ou totalement pour reconstruire un bâtiment de logements plus haut et mieux agencé, ce qui permet, en moyenne, de créer 2,3 m2 de logement pour 1 m2 de bureaux.

Le nombre total de logements créés à l’échelle de la Région Ile-de-France dépend donc de la part de ces deux types d’opérations.

Dans la première hypothèse où 40 % des opérations seraient des restructurations et 60 % des démolitions partielles ou totales, 7,5 millions de m2 de logements pourraient être créés. Sachant que la surface moyenne des logements collectifs commercialisés en Ile-de-France est de 59 m2 d’après la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (DRIEAT) Ile-de-France, 127 000 logements environ pourraient voir le jour. Et comme 2,27 personnes vivent, en moyenne, dans un logement selon l’Insee, il serait donc possible de loger 289 000 personnes.

Dans la seconde où 20 % des opérations seraient des restructurations et 80 % des démolitions partielles ou totales, 8,8 millions de m2 de logements pourraient être créés. Soit 150 000 logements permettant de loger 340 000 personnes. De quoi répondre potentiellement jusqu’à 30 % à la demande de logements en Ile-de-France.

La restructuration d’immeubles doit être privilégiée à la démolition-reconstruction, dans la mesure où elle est beaucoup plus vertueuse du point de vue des émissions de gaz à effet de serre (une démolition-reconstruction émet, en moyenne, 30 % de GES de plus par rapport à une restructuration selon des travaux du « Hub des prescripteurs bas-carbone » publiés en juin 2024). Dans un contexte où la restructuration n’est pas toujours techniquement et/ou économiquement possible, la démolition-reconstruction partielle ou totale reste une solution acceptable permettant de répondre aux besoins de logements en limitant l’étalement urbain. Un optimum social, politique et environnemental sera à trouver en mixant les deux solutions à l’échelle de l’Ile-de-France pour contribuer à résoudre le problème du logement.

Ces premiers résultats de l’indice de recyclage des bureaux ont pour vocation à nourrir un dialogue constructif entre le secteur public et privé, et devenir une référence éclairant les politiques publiques, tant au niveau des collectivités que de l’Etat ».

A noter : « aucun chiffre officiel n’existe sur le besoin total de logements en Ile-de-France, mais différentes sources permettent de l’estimer. Selon la Fondation pour le logement des défavorisés, il y a 1,3 million de personnes mal logées en Ile-de-France. En prenant l’hypothèse moyenne de l’Insee de 2,3 personnes par logement, cela signifie qu’il manque 565 000 logements. Selon l’Institut Paris Région, il y a 783 000 ménages demandeurs d’un logement social en Ile-de-France. Soit 1,75 million de personnes. Ce qui signifie qu’il manque 760 000 logements. L’estimation d’un besoin de 500 000 logements au minimum en Ile-de-France est donc une hypothèse basse… ».

Annexe

La méthode de calcul de l’indice de recyclage des bureaux

Cet outil composite est calculé à partir de trois indicateurs détaillés : la dynamique tertiaire, la dynamique résidentielle, la faisabilité économique.

La dynamique tertiaire

Cet indicateur compte pour 30 % de l’indice. Il consiste à déterminer si un marché locatif de bureaux reste recherché par les entreprises. En pratique, on regarde :

le taux de vacance : quelle est la part de surfaces qui ne sont pas louées rapportée à l’ensemble du parc de bureaux ;
le niveau d’absorption. Il permet d’évaluer la vitesse à laquelle les biens immobiliers disponibles sur un marché donné sont vendus ou loués. Donc plus le taux de vacance est important et le temps d’écoulement long, plus il est intéressant de transformer les bureaux en logements.

La dynamique résidentielle

Elle compte également pour 30 % dans le calcul de l’indice. Cette dynamique dépend de plusieurs critères.

D’abord, est-ce que le territoire en question crée beaucoup de logements en comparaison du parc existant ? Evidemment, si un territoire augmente tous les ans le nombre de logements créés, cela indique à la fois son attractivité résidentielle et une volonté politique de construire.
Deuxième critère : le solde migratoire. On regarde ainsi la différence entre le nombre de personnes qui se sont installées sur le territoire et le nombre de personnes qui en sont parties sur une année donnée, et on mesure l’évolution de ce solde au cours des dernières années (2015-2021).
Autre critère déterminant : l’évolution du prix des appartements neufs. L’idée, ici, n’est pas seulement de regarder la valeur absolue des mètres carrés de logement, mais bien leur évolution sur les dernières années.
Dernier critère, l’offre de transports, et notamment le nombre de gares au kilomètre carré qui est étudié pour déterminer la facilité à se déplacer sur le territoire. Plus ce chiffre est élevé, plus le territoire est attractif pour les actuels et futurs résidents. Si ces quatre critères sont positifs sur un territoire, cela plaide clairement pour y multiplier les opérations de recyclage de bureaux en logements.

La faisabilité économique

Le troisième et dernier indicateur est le plus important dans l’équation globale : il compte pour 40 % dans le calcul.

Il repose sur la comparaison de l’écart de prix entre les bureaux déjà construits et les logements neufs. Si dans un territoire donné un bureau vaut 10 000 euros du m2 alors que le logement vaut 5 000 euros en moyenne, aucun propriétaire ne se lancera dans des travaux pour transformer ces bureaux en logement. Inversement, si le logement vaut plus que les bureaux, alors il y a un intérêt économique évident à transformer ».

Transformation de bureaux en logements : l'ORIE présente son indicateur de recyclage des bureaux