La journée a dû être longue pour Véronique Bédague et Christophe Robert. Jonglant d’un studio de télévision à un autre, les deux co-animateurs du CNR Logement n’ont pas eu 24 heures pour « digérer » les mesures égrenées par la Première ministre que déjà ils doivent les commenter, les disséquer, s’en féliciter ou, à l’inverse, s’en désoler. Le mardi 7 juin 2023, jour d’après les annonces, la « gueule de bois » est perceptible. Pourtant, la fête n’y est pas pour grand-chose…

Du positif, il y en a pourtant eu. Façon de ne pas trop s’apitoyer, de ruminer ces « mesurettes », demi-mesures ou autres trompe-l’œil gouvernementaux ? Pas forcément, le binôme relevant tout de même une prise de conscience, feinte ou sincère, de l’exécutif sur la question du logement. « Toutes les annonces n’ont pas été inintéressantes » a rassuré Christophe Robert. « De façon générale, nous avons eu le sentiment que le gouvernement avait enfin pris conscience qu’il y avait un vrai sujet, aussi bien structurel que conjoncturel, et qu’un pays qui loge mal ses concitoyens va droit dans le mur ». Cet élan se traduit notamment par quelques mesures : encouragement du BRS (bail réel solidaire), aides à la rénovation thermique des logements, deuxième plan quinquennal pour le Logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme (réinsertion des personnes sans domicile grâce à un accès direct à un logement), doublement du dispositif, de un à deux millions de personnes, de la garantie Visale (sorte de caution de l’Etat qui s’engage à payer le loyer et les charges locatives au propriétaire en cas de défaillance d’un locataire).

Pour autant, le délégué général de la Fondation Abbé Pierre n’a pas manqué de relever les angles morts du discours de la veille, au premier rang desquels le logement social, qu’il juge être le principal laissé pour compte de la part de l’exécutif. « La construction de logements sociaux dégringole » a déploré Christophe Robert. « L’Etat s’était fixé comme objectif d’agréer 125 000 nouveaux logements sociaux en 2022 ; seuls 95 000 l’ont été et ce chiffre pourrait descendre jusqu’à 85 000 fin 2023 ». Comme il l’a rappelé, délaisser le logement social, c’est mettre de côté volontairement un pan entier des demandeurs de logements, pour lesquels le parc privé, et même le logement intermédiaire, sont inaccessibles. Christophe Robert s’est également ému du manque de volonté du pouvoir quant à la régulation des prix du foncier, mais aussi quant à un encadrement plus strict de la location touristique, qui est en passe, dans certaines zones géographiques françaises (principalement la Bretagne et le Pays Basque) d’exclure du marché de la location longue durée un certain nombre de locaux.

Pour Véronique Bédague, le principal sujet de satisfaction des annonces de la veille concerne la prise de conscience gouvernementale que tout était lié et que les mesures, aussi insuffisantes soient-elles, embrassaient un large spectre. Elle s’est notamment félicitée de la place accordée au logement intermédiaire, via la révision du zonage, qui ajoutera 100 communes à celles figurant en zone tendue. « Cela peut permettre de désengorger le parc social, de faciliter le parcours résidentiel » a-t-elle affirmé. En effet, la mobilité dans le parc social n’a jamais été aussi faible, un nombre croissant de bénéficiaires n’ayant pas les moyens de franchir le gap conséquent séparant le logement social du privé. Résultat : les logements ne se libèrent pas, laissant sur le carreau de plus en plus de demandeurs de logements sociaux.

La patronne de Nexity a répété l’un de ses mantras habituels : un accès à la propriété grippé. « Nos jeunes sont maltraités dans notre pays, devenir propriétaires s’avère une utopie pour eux. Or, ce n’est pas un horizon décent que nous offrons là aux générations futures ». Bien que prolongé jusqu’en 2027, elle a fustigé le rétrécissement du champ d’application du PTZ (prêt à taux zéro) à 1 100 communes dites tendues, contre 35 000 jusqu’ici. « Ne parlons même pas de la maison individuelle, bannie du lexique de l’exécutif. Outre cette obsession à s’immiscer dans les choix individuels des individus qui, je suis désolée, ont le droit de souhaiter posséder leur pavillon, je me suis aperçue, dans le cadre de mon métier de promoteur, que beaucoup de personnes modestes accèdent à la propriété justement grâce à la maison individuelle, plus accessible en zone détendue que le collectif en zone tendue ». Enfin, Véronique Bédague a plaidé pour que l’investissement immobilier soit de nouveau attractif pour les investisseurs : « malgré les fantasmes entretenus à dessein par le pouvoir, la construction ou l’acquisition de logements n’est plus si rentable que cela. Chez les promoteurs, les taux de marge n’excèdent pas 5 à 6 % ».

Restent ces deux milliards d’euros d’économies que va réaliser l’Etat sur le dos du logement à l’issue des annonces, grâce à la suppression du dispositif Pinel et au recentrage du PTZ. « C’est un mauvais signal envoyé à la population dans le contexte actuel » s’est désolé Christophe Robert. C’est également la preuve que Bercy a remporté ses arbitrages, au détriment d’un ministre du Logement, Olivier Klein, dont le poids politique au sein du gouvernement interroge. Qu’à cela ne tienne, Christophe Robert note une prise de conscience sociétale (médiatique également) des questions liées au logement. « Cela crée de vrais débats, suscite des réactions, une volonté de faire bouger les lignes. C’est exactement ce qu’il faut pour que le gouvernement ne puisse plus être dans le déni ». Unanime, le tandem du CNR l’affirme : le combat n’est pas terminé !

Réactions tièdes du tandem Bédague-Robert aux annonces de la Première ministre