Edito

Quel futur pour l’intermédiaire immobilier ?

05 Oct 2023 - 12h50
©AdaptImmo
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Le groupe Xerfi, « leader français des études économiques sectorielles », en publie une nouvelle sous le titre : « le marché de la transaction immobilière, quelles stratégies d’adaptation face à la crise de l’immobilier ? Quels axes de développement face à la mutation de la demande ? ». Une étude qui interroge plus globalement le futur de l’intermédiation immobilière…

Jusqu’ici, la démarche était simple : lorsqu’un particulier cherchait à acquérir un bien, il poussait la porte d’une agence immobilière, s’asseyait face à un agent courtois et disponible, égrenait la liste de ses critères de recherche et attendait que son interlocuteur lui déballe un éventail d’appartements ou maisons correspondant à ses souhaits. C’était aussi l’époque où les taux d’intérêt ne s’étaient pas envolés pour frôler les 4 %, où les ménages ne craignaient pas, les dents serrées, que leur dossier pourtant plus que convenable, ne vienne grossir la pile des refus de leur banque.

Depuis, la donne a changé : en 2023, le volume de transactions va chuter de près de 17 % pour descendre aux alentours de 930 000 ventes. Selon les prévisions de Xerfi, le marché restera mal orienté en 2024 avec une baisse d’au moins 3 % des transactions. Néanmoins, la spirale inflationniste des prix du crédit pourrait s’enrayer sous peu, voire redescendre. Mais de façon progressive, étape par étape, pallier après pallier. Le retournement de la courbe ne pourrait intervenir qu’en 2025.

Le neuf est actuellement encore plus impacté que l’ancien, victime d’un cocktail explosif : durcissement des conditions de financement/hausse des prix/raréfaction de l’offre ; cela devrait conduire à une chute des ventes de détail des promoteurs de près de 23 % en 2023. Dans ces conditions, le chiffre d’affaires des agences immobilières du panel Xerfi devrait se replier de 8 % en 2023.

Parallèlement, un tiers des transactions serait aujourd’hui réalisé directement entre particuliers eux-mêmes, court-circuitant par la même occasion les agences traditionnelles. De plus en plus autonomes, les particuliers n’hésitent pas à recourir seuls à des plateformes en ligne telles que SeLoger, alors même que le portail avait toujours revendiqué jusqu’alors l’accompagnement exclusif des professionnels. D’un autre côté, les réseaux de mandataires attirent de plus en plus dans leur escarcelle des professionnels qui quittent les agences pour les rejoindre ; ces réseaux pourraient représenter 20 % de parts de marché à horizon 2030. Parallèlement, la part de marché des agences traditionnelles devrait encore reculer pour atteindre 41 % d’ici 2030. Inutile de préciser que les indépendants, ceux dont la renommée est faible et la puissance de frappe en matière de marketing limitée, seront les premiers à essuyer les plâtres de cette redistribution des cartes.

Les agences sont-elles responsables de leur situation ? La conjoncture et l’évolution des mœurs en matière de prospection et d’achat constituent certainement les explications les plus pertinentes, même si un avis rendu par l’Autorité de la concurrence a pointé du doigt le niveau a priori plus élevé des honoraires (5,78 % TTC) des agences françaises par rapport à ceux en vigueur au sein des autres pays de l’Union européenne. Avec la remontée des taux spectaculaire, ces honoraires élevés peuvent être un frein supplémentaire au recours à ces agences.

Comment faire pour limiter la casse et redevenir un interlocuteur de choix pour les agences ? Peut-être en accroissant leur taille et en renforçant ainsi leur part de marché, via des opérations de croissance externe. C’est ce qu’a fait la holding Arche en rachetant Nestenn, Century 21, Guy Hoquet et Laforêt. Pour réduire leur dépendance aux seules transactions, dont on voit qu’elles sont en chute libre, la diversification des sources de revenus est aussi une solution à envisager sérieusement, notamment à travers des activités d’administration de biens, de gestion locative et de syndic. Si la fin du monopole des agences sur le marché de la transaction immobilière semble bel et bien actée, celles-ci n’ont pas encore dit leur dernier mot, sous réserve d’une réinvention en profondeur de leur modèle économique et de leurs prestations de services…

Anthony Denay