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La hausse de plus de 50 % de la taxe foncière décidée par la Mairie de Paris aura-t-elle raison d’un établissement d’utilité publique, proposant des services de santé pluridisciplinaires et faisant jusqu’alors la satisfaction des riverains du 16ème arrondissement, où il est situé ? C’est malheureusement ce qui semble se profiler pour son propriétaire-bailleur Gilles Feingold, plus que jamais acculé…
L’émotion est perceptible dans sa voix calme et posée, sans inflexions ; la colère aussi, mais contenue, ravalée, nimbée de résignation. Pour Gilles Feingold, cette histoire relève d’un grand gâchis, dont il incombe la responsabilité à des décisions politiques comme souvent hors-sol, déconnectées de la réalité du terrain. Tout avait pourtant bien commencé lorsqu’il inaugure officiellement, en 2017, son centre d’excellence médical et paramédical, localisé dans le 16ème arrondissement. « Mon centre a de suite suscité beaucoup d’intérêt » se remémore l’intéressé. « 100 % privé (ce qui signifie dépourvu de tout financement étatique), il héberge, en libéral, des praticiens divers et variés, qu’ils soient médecins généralistes, ostéopathes, orthophonistes, psychologues… Nos 26 espaces de travail, d’une quinzaine de mètres carrés chacun (surface totale supérieure à 600 m2), ont tous trouvé preneur très rapidement. J’ai même dû décliner des demandes ! ».
Aujourd’hui, une dizaine de praticiens ont quitté les lieux, qui bénéficiait pourtant, selon le propriétaire, de tout le confort nécessaire à la bonne pratique de leur activité. Seulement voilà, leur loyer, qui était initialement d’environ 1 200 euros par mois, a connu une hausse de 10 %, soit 120 euros, avant l’été. Une décision du propriétaire-bailleur devant lui permettre d’amortir la hausse de la taxe foncière annuelle, qui est passée d’environ 15 000 euros en 2022 à… près de 27 000 euros un an plus tard. « Je n’ai pas eu le choix, j’ai dû revoir la grille des loyers car, même si je n’ai pas ouvert ce centre pour m’enrichir, là je risquais clairement de perdre de l’argent et de ne pas m’en sortir » poursuit Gilles Feingold. « Je comprends les praticiens qui ont fait le choix contraint de partir. Ils sont eux-mêmes souvent limités par des contraintes émanant de leurs ordres respectifs quant au plafonnement de leur tarification. Cette situation a mis tout le monde dans le rouge ».
Sans compter que, comble de l’aberration administrative, Gilles Feingold doit s’acquitter pour son local du paiement de la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE), qui s’applique normalement, comme son nom l’indique, à « toute entreprise exploitant un support publicitaire et ce, quelle que soit son activité ». Nous aurions pu naïvement penser qu’un centre proposant des soins de santé et réunissant en son sein des professionnels aux domaines de compétences aussi variés en serait exonéré. Que nenni ! Cet amas de taxes et d’impôts en tous genres a fini par plomber le propriétaire et menace aujourd’hui l’existence du centre du 16ème arrondissement. D’autant plus que Gilles Feingold possède un autre local, à Antony (92), disposant de neuf espaces de travail, dont les deux tiers des occupants sont déjà partis. Pour 200 m2, sa taxe foncière s’élève à 5 600 euros, soit 8 % du chiffre d’affaires annuel. « Rien que sur mes charges, je paie 35 000 euros par an, ce qui fait que je perds, là aussi, de l’argent » informe le bailleur. « Je vais ensuite transformer ce local en supermarché, là je sais que l’activité sera rentable. Mais ce qui restera de tout ça, c’est que 50 praticiens seront partis indépendamment de ma volonté et que deux centres de santé auront changé de destination… ».
Gilles Feingold a-t-il sollicité un quelconque entretien avec des responsables politiques, des élus, des décisionnaires ? « A vrai dire, je suis un peu dégoûté. Tout le monde déplore les conséquences, mais ne souhaite en rien en modifier les causes. Ce ne sont que blocages administratifs et déresponsabilisations en chaîne ! ». Une situation kafkaïenne qui a annihilé toute envie de se battre pour le propriétaire, qui semble plus que jamais résigné. « Je n’ai jamais demandé d’aides, ni de l’Etat ni des ARS (Agences régionales de santé). J’ai tout fait seul, c’est mon projet, il n’a pas coûté un centime d’argent public. Et la conséquence, c’est que tout est sûrement bientôt fini ». Pour clore le sujet, Gilles Feingold possédait également un troisième centre de santé situé à Rueil-Malmaison (92). Il l’a finalement vendu…