Bruno Arcadipane, le président d’Action Logement, l’avait annoncé sans ambages au début du mois de février : oui, l’année 2022 avait été « extrêmement difficile » pour le groupe ; non, 2023 ne s’annonçait pas sous des auspices plus encourageants. « Il faudra faire avec encore moins de moyens » avait déploré le président, pessimiste, mais pas fataliste. Il faut dire que les mauvaises nouvelles n’ont eu de cesse de s’amonceler au-dessus de l’organisme, piloté paritairement par les syndicats et le patronat, et qui gère, via ses filiales, plus d’un million de logements.

« L’Etat nous a ponctionné 300 millions d’euros, via sa loi de finances pour 2023 » introduit Nadia Bouyer, la directrice générale. À cela s’ajoute, pour le moment, la non-reconduction, pour la période 2023-2027, de la Convention quinquennale conclue avec l’Etat. Un blocage des discussions est à l’origine de cet achoppement des négociations. Enfin, si tout cela ne suffisait pas, l’Insee est venue mettre son grain de sel sur un sujet technique, mais ô combien déterminant quant à la pérennité du modèle financier d’Action Logement : l’Institut national des statistiques a affirmé, dans un rapport, qu’Action Logement Services (créé le 1^er janvier 2017 de la fusion des 20 CIL {comités interprofessionnels du logement} afin d’assurer 100 % de la collecte des PEEC) était une administration publique et que, de ce fait, sa dette devait être comptabilisée dans la dette française. Un reclassement qui interdirait à Action Logement d’emprunter à plus d’un an et que l’organisme présidé par Bruno Arcadipane a contesté en adressant un recours gracieux auprès de l’Insee. Un recours rejeté au mois de décembre 2022.

Arrive maintenant ce document rendu public par la Fédération des OPH réclamant le financement des autorités organisatrices du logement grâce à la collecte assurée par Action Logement (en clair, les fameux PEEC) ; une proposition censée nourrir les travaux du CNR Logement, lancé en août dernier afin de faire des propositions concrètes pour améliorer le secteur en France, structurellement en crise. Seulement, Action Logement y voit, avant tout, une façon assumée de vouloir prélever son dû ; selon l’organisme, les arguments avancés (non-légitimité à percevoir ces sommes au regard des résultats enregistrés par Action Logement) sont fallacieux et malhonnêtes. « Cela participe d’une forme de déstabilisation d’Action Logement » s’insurge Nadia Bouyer. « Je comprends que les OPH aient besoin de davantage de moyens, seulement la loi ne l’a pas prévu et, du coup, ils essaient de profiter de la situation délicate que nous vivons, avec ces atermoiements quant à la reconduction de notre Convention quinquennale avec l’Etat, pour nous affaiblir encore plus et parvenir à leurs fins ». Cela a le mérite d’être dit !

L’un des arguments fréquemment avancés par les détracteurs d’Action Logement concerne son modèle de gestion et les moyens, jugés déraisonnables par certains, alloués à ses nombreuses filiales (une cinquantaine). Nadia Bouyer défend ce modèle décentralisé, cette approche territoriale : « grâce à notre réforme de 2017, nous avons pu doubler notre production de logements, passant d’environ 24 000 par an avant cette date à 44 000 agréments conclus en 2022 ». Pour finir de balayer ces critiques, elle évoque un exemple parlant : « l’année dernière, nous avons accordé un peu plus de 31 % d’argent à nos filiales ; ces mêmes filiales ont contribué à la production de 32,1 % de logements sociaux et intermédiaires ; la proportion d’argent allouée à ces filiales tant décriées est, par conséquent, inférieure à leur niveau de production de logements en France ».

Enfin, elle affirme que 300 millions d’euros ont été octroyés aux Offices Publics de l’Habitat dans le cadre du Plan d’Investissement Volontaire mené par Action Logement, ce qui devrait suffire à annuler les procès en favoritisme et/ou discrimination intentés par ces mêmes OPH. « Derrière tout cela, je perçois surtout une forme de jalousie, car nous avons derrière nous des entreprises qui travaillent, construisent et rénovent. Bref, qui sont productives ! » tacle Nadia Bouyer. « C’est un vrai souci pour notre secteur si ses principaux acteurs passent leur temps à se taper dessus plutôt que de réfléchir collectivement à ce qui devrait être fait pour s’en sortir » poursuit la directrice générale. « De toute façon, tant qu’elles existeront, ces PEEC susciteront des convoitises ! ». Avant d’alerter : « si jamais on décide de nous priver d’une partie de nos revenus (les PEEC), en plus des prélèvements de plus en plus délirants auxquels l’Etat nous soumet, ce seront des projets en moins qui pourront voir le jour dans certains territoires, notamment les cœurs de certaines villes, ainsi que les territoires ultra-marins. Au final, ce sera encore et toujours le logement qui en pâtira… ».

Nadia Bouyer regrette "une forme de déstabilisation d'Action Logement"