Ce n’est un mystère pour personne : le marché locatif français est à la peine. A l’arrêt. Sclérosé. C’est le terme employé par Jean-Michel Camizon, président du directoire du groupe Dauchez : « le marché est cycliquement à l’envers. Avec des hausses des coûts de construction de l’ordre de 15 à 18 %, la promotion est atone. Les investissements locatifs n’intéressent plus les particuliers, faute de dispositifs incitatifs (fin du dispositif Pinel et absence d’un statut du bailleur privé). La hausse des taux a fait chuter la capacité d’emprunt des ménages de 500 000 à 350 000 euros, soit la perte d’une pièce ». Voici pour le tableau. Logiquement, la réaction en chaîne est inévitable : le taux de rotation du parc locatif est faible, la sortie par le haut ne s’opérant plus avec la fluidité habituelle. En effet, les primo-accédants se font plus rares et de plus en plus de jeunes actifs, même avec enfants, ne quittent pas leur location par incapacité à emprunter pour acheter. Ils se retrouvent même parfois en concurrence avec des étudiants, qui voient eux-mêmes leurs marges de manœuvre réduites pour parvenir à se loger.

« Depuis 2018, la durée des baux est passé de +2 mois pour les deux et trois pièces et +6 mois pour les une pièce » résume Arnaud Simon, directeur du comité scientifique de Clameur et maître de conférence. Pour les maisons, ce rallongement est même passé à +5 mois. Effet logique, plus les biens sont rares sur un marché, plus leur durée de présence sur le marché locatif (durée de vacance) s’en trouve réduite. « Depuis deux ans, la durée médiane de présence sur les sites d’annonces a baissé de deux jours pour l’ensemble des appartements » poursuit Arnaud Simon. Les prix des loyers, sur un an, ont augmenté de 5,38 % pour un une pièce, atteignant 18,60 euros le mètre carré. Pour l’ensemble des appartements, la hausse est de 3,10 %, à 14,31 euros le mètre carré. L’augmentation reste, néanmoins, « raisonnable » puisqu’elle est inférieure à celles de l’inflation et de l’IRL.

Concernant les disparités géographiques existantes, au niveau départemental, c’est logiquement Paris (27,69 euros le mètre carré) et les Hauts-de-Seine (21,61 euros) qui caracolent en tête des territoires les plus chers de l’Ile-de-France. Le Val d’Oise (15,10 euros) et la Seine-et-Marne (14,43 euros) ferment la marche. A l’échelle nationale, les Alpes-Maritimes, la Haute-Savoie et les Bouches-du-Rhône ont des loyers compris entre 16,43 et 13,65 euros le mètre carré, tandis que la Haute-Loire, la Creuse et les Ardennes ne dépassent pas les 7 euros le mètre carré. « Il existe un ratio allant de 1 à 4 entre Paris et les Ardennes » explique Arnaud Simon. A Paris, les arrondissements les plus chers sont le 6ème, le 4ème et le 5ème (entre 31 et 34 euros du mètre carré), tandis que les moins onéreux sont le 19ème, le 20ème et le 12ème (de 24 à 26 euros le mètre carré). Au niveau des communes, hors Paris, c’est Neuilly-sur-Seine, Levallois et Vincennes qui affichent les plus forts loyers (de 25 à 27 euros le mètre carré). Entre 2022 et 2023, c’est Saint-Etienne qui a enregistré la progression la plus importante de ses loyers pour les une et deux pièces (respectivement +13,58 % et +7,79 %). Une hausse relative compte tenu du faible loyer de base ayant court au sein de la ville verte, parmi les communes les moins chères du pays.

Calculée en divisant le loyer médian du troisième trimestre à la médiane des loyers des trois autres trimestres, la prime T3 permet de déterminer l’impact du troisième trimestre sur le reste de l’année. Un troisième trimestre souvent clé puisque c’est à ce moment-là que la demande est la plus forte, avant la rentrée de septembre. Il n’est pas illogique de constater que les marchés les plus tendus, à savoir Lyon, Bordeaux et Marseille, sont les moins impactés par cette fameuse prime T3, la demande étant déjà extrêmement soutenue du 1er janvier au 31 décembre. Des marchés non tendus, tels que Brest, Rennes, Clermont-Ferrand, Rouen ou Saint-Etienne sont, en revanche, bien plus affectés.

De son côté, la rentabilité locative brute s’obtient en divisant le loyer perçu par le prix de marché du bien. Plus un territoire est cher, moins la rentabilité locative est élevée. De ce point de vue, il est par conséquent logique de constater que les 7ème, 8ème et 6ème arrondissements, aux loyers élevés, aient une rentabilité locative basse (2,50 % en moyenne), alors que les 13ème, 19ème et 14ème ont une rentabilité locative comprise entre 3,20 et 3,30 %. Idem hors de Paris : Neuilly-sur-Seine, Levallois-Perret et Boulogne-Billancourt ont une rentabilité avoisinant les 3 %, tandis que Clichy-sous-Bois, Sevran et Stains, toutes les trois en Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France, affichent une rentabilité pouvant aller jusqu’à frôler les 9 %. « Cela ne signifie pas nécessairement que l’investissement locatif est une bonne opération dans les territoires où les loyers sont les plus faibles, car la vacance y est souvent très élevée et la garantie de trouver un locataire loin d’être assurée » assure Jean-Michel Camizon. A noter, également, que la rentabilité brute peut se dégrader pour cause de hausse de la taxe foncière. « Il faut que le gouvernement ait à l’esprit que l’immobilier concentre 10 à 12 % des emplois en France » conclut Jean-Michel Camizon. « Il serait temps d’agir et d’entreprendre une réelle politique immobilière dans notre pays ! »…

Marché locatif privé (résidentiel) en France : où en est-on ?