« La nuit la plus froide de l’année vient de s’achever et des gens ont dormi dehors par des températures inhumaines. La réalité de la France en 2023, c’est que même des salariés qui travaillent se retrouvent sans domicile. L’Abbé Pierre avait cette phrase : “gouverner, c’est loger son peuple”. On en est loin et le gouvernement ferait bien de faire sien cet adage ! ». Le préambule de Loïc Cantin est explicite et traduit la réalité du logement en France. Les chiffres sont là pour le rappeler : le marché de l’immobilier termine l’année 2023 en net repli, avec des ventes en chute historique et des prix en baisse dans la plupart du territoire. « L’année 2023 s’achève sur un record historique de baisse de ventes sur un an (-22 %, à 875 000 transactions) » précise le président de la Fnaim. En 2024, le nombre de ventes devrait encore baisser, d’environ 10 % (plafonnement à 800 000 ventes). La baisse des prix devrait, quant à elle, s’accélérer et prendre la suite de la baisse des volumes. « Les Français auront encore des difficultés pour concrétiser leurs projets d’achats (…) Mais la fin de la hausse des taux d’emprunt et la baisse des prix devraient redonner du pouvoir d’achat aux ménages » anticipe Loïc Cantin.

Si les mises en vente de logements ont progressé de 33 % en cinq ans, avec des délais de vente qui se sont allongés, le marché locatif tourne au ralenti : le nombre d’annonces locatives a baissé de presque 60 % en cinq ans. L’interdiction de mise en location des passoires thermiques (2025 pour les classés G et 2028 pour les F) devrait amplifier le phénomène. Les défaillances d’agences immobilières se poursuivent également, avec 887 fermetures en 2023 et une projection de 1 400 faillites en 2024. Pourtant, le secteur du logement contribue à renflouer les caisses de l’Etat, puisqu’il a participé aux financements publics à hauteur de 53 milliards d’euros en 2022 ; un chiffre multiplié par quatre depuis 2010.

Pour faire face à cette situation inquiétante, la Fnaim dresse des pistes qu’elle espère voir reprises à son compte par le gouvernement. Tout d’abord, la suspension, à titre expérimental et pour un an, de l’intervention du HCSF (Haut conseil de stabilité financière), « dont l’intervention est devenue inutile et contreproductive dans le contexte actuel » selon Loïc Cantin. D’après lui, les établissements bancaires doivent prendre leurs responsabilités et assumer cette part de risque inhérente à leur fonction, sans entrave permanente du HCSF, d’autant plus dans un contexte de stabilisation des taux. Autre mesure proposée : la portabilité et transférabilité des prêts. La portabilité permettrait à un propriétaire de conserver, pour financer sa nouvelle acquisition, l’emprunt qu’il a contracté pour le bien qu’il souhaite revendre ; la transférabilité, quant à elle, concerne le bien lui-même et non pas l’emprunteur.

La rénovation énergétique, bien qu’encouragée par la Fnaim, peut représenter un frein pour les propriétaires, notamment pour des question de coûts afférents. Selon Loïc Cantin, la non-décence énergétique ne devrait s’appliquer qu’aux logements loués à compter du 1er janvier 2025 et non à ceux dont le début du bail précède cette entrée en vigueur. Ainsi, les baux reconduits tacitement ou renouvelés ne seraient plus visés par cette interdiction. La Fnaim plaide aussi pour un plus grand nombre d’entreprises qualifiées et aptes à répondre au volume des travaux à engager pour mener à bien la rénovation énergétique. « Il faut gagner la bataille de l’emploi et de la transformation de ce secteur » clame Loïc Cantin. Est également réclamée la création d’un dispositif incitatif : la vente en l’état futur de rénovation énergétique. Concrètement, cela entraînerait un engagement du vendeur à réaliser des travaux dans un délai déterminé et un prix de vente intégrant le prix de l’existant+le montant des travaux. Ainsi, le prix des travaux serait directement intégré au prix de vente d’un bien, ce qui permettrait de « flécher sa valeur verte ». Enfin, Loïc Cantin émet l’idée d’un dispositif fiscal innovant qui permettrait à tout Français investissant dans la pierre de défiscaliser à terme, après dix ans de détention du bien à usage locatif, pendant une période de dix ans portée à quinze années, en contrepartie de la réalisation de travaux de rénovation énergétique.

Alors qu’un nouveau projet de loi logement devrait être déposé à la fin du premier semestre, Loïc Cantin espère que celui-ci débouchera sur des résultats plus probants que ceux du CNR Logement…

Loïc Cantin (Fnaim) presse le gouvernement de mener une politique incitative en matière de logement