La contraction de l’activité résulte du climat actuel peu propice aux signatures : la consommation des ménages atone, les taux directeurs élevés et l’absence de visibilité à moyen terme sont autant de facteurs qui continuent de gripper le marché transactionnel.

Des disparités qui se confirment

Les disparités géographiques restent prédominantes dans l’analyse de la répartition des volumes placés. Avec 280 000 m2 commercialisés au premier semestre, les Hauts-de-France campent à la première place du podium. Les performances enregistrées en région lilloise sont notables, soutenues notamment par une signature du logisticien Maersk qui s’empare d’un actif de GLP de 75 000 m2, pour le compte exclusif d’Amazon, à Denain (59).
A l’inverse, l’Ile-de-France peine à faire une percée, avec seulement dix signatures pour un total de 193 000 m2 investis, une contraction en volume de 53 % par rapport à la moyenne des premiers semestres sur cinq ans.
« Dans ce contexte incertain, la région capitale perd provisoirement de son attrait. Les utilisateurs rationalisent leurs coûts logistiques et les loyers plus attractifs en région périphériques les poussent à libérer des immeubles » précise Didier Terrier.

C’est dans cette logique que Cultura a choisi d’implanter sa base arrière logistique à Montargis (45), à proximité immédiate de la frontière sud Ile-de-France, libérant ainsi ses sites franciliens. L’acteur de la grande distribution développe pour son propre compte une plateforme de 70 000 m2. Ainsi, hors dorsale, c’est la région Centre-Val-de-Loire qui s’illustre de loin au premier semestre 2024 comme premier territoire récipiendaire de la demande logistique avec 240 000 m2 placés.

« L’Orléanais confirme à nouveau ce trimestre son titre de marché porteur : les réserves vacantes et futures sont plurielles et permettent de répondre à l’ensemble des demandes pour des loyers relativement attractifs » souligne Didier Terrier.

Le bilan sur la partie sud de la dorsale est plus mesuré : le manque d’offre dans les régions Rhône-Alpes et Paca vient tempérer les volumes placés bien davantage que le déclin économique à l’œuvre.

Sur le semestre, le profil des preneurs évolue finalement assez peu par rapport aux tendances de long terme. En lien avec le climat d’incertitude actuel, la préférence des chargeurs pour l’externalisation de leurs contrats de prestation logistique se confirme à nouveau. Les logisticiens concentrent, dorénavant, 50 % de la demande placée nationale. Les défaillances et les stratégies d’optimisations logistiques de plusieurs mastodontes de l’ameublement sont, par ailleurs, venues tempérer les volumes placés.

« Les secteurs du bricolage et de l’équipement de la maison sont durablement touchés en raison du durcissement des conditions de financement qui ont mis à l’arrêt le marché immobilier résidentiel des particuliers. De plus, ces postes de dépenses deviennent non prioritaires dès lors que le pouvoir d’achat des ménages s’effrite » explique Didier Terrier.

La répartition de la demande placée par tranche de surface reste globalement en ligne avec la moyenne de long terme, avec une prédominance des transactions de taille intermédiaire (20 000 à 40 000 m2) qui rythment historiquement le marché. Un décrochage s’observe sur le segment inférieur à 20 000 m², les petites surfaces étant davantage tributaires de la bonne santé économique du pays. La demande pour les immeubles de plus grande surface apparaît toujours en manque de vitalité. A propos des contrats, la tendance 80/20 % en faveur des locations se confirme à nouveau ce trimestre. Le marché reste très institutionnalisé même si sur les derniers mois la part des ventes a gagné quelques points. En effet, certains utilisateurs ont profité des conditions de financement défavorables aux investisseurs et aux mises sur le marché d’opérations par des développeurs pour concrétiser l’acquisition de leur outil immobilier.

Du côté de l’offre, la hausse du stock d’immeubles disponibles à horizon six mois se poursuit très légèrement au deuxième trimestre, de l’ordre de 3 % à l’échelle nationale. Cette hausse est, toutefois, bien amoindrie par rapport au premier trimestre où la progression était de 27 %. Le stock d’offre reste, en revanche, inégalement réparti sur le territoire, principalement en Ile-de-France et dans les Hauts-de-France. Sur le trimestre, le stock d’offre à six mois augmente sensiblement en Rhône-Alpes et en Paca sous l’effet conjoint de libérations de bâtiments par des acteurs de l’ameublement et d’une rotation « naturelle » de plusieurs bâtiments de petite surface. Ces nouvelles mises sur le marché permettront au sud de la dorsale, structurellement sous-offreur, de regagner légèrement en oxygène à horizon fin 2024. Ainsi, la vacance nationale progresse de quelques points pour s’établir à 5,6 %, un niveau qui s’éloigne du seuil de pénurie, mais qui reste tendanciellement bas.

A date, le loyer métrique logistique moyen français se traite à 54 euros (HT, HC)/m2, en progression de moins de 1 % sur six mois et 11 % par rapport à janvier 2022. Seules les régions Rhône-Alpes et Paca font figure d’exception et nagent à contre-courant du reste français. Au cours du deuxième trimestre, la partie sud de la dorsale présente une nouvelle hausse de ses conditions locatives. Les loyers « prime » s’élèvent, respectivement, à 68 euros (HT, HC)/m2 en Rhône-Alpes et 63 euros (HT, HC)/m2 en Paca. Cependant, le phénomène devrait se tasser.

« Un pic semble atteint dans l’environnement économique actuel. Les libérations à venir dans ces marchés profonds du sud de la dorsale permettront de maintenir une certaine stabilité et de retrouver un peu d’équilibre entre bailleurs et futurs occupants. D’ici la fin de l’année, les disparités géographiques persisteront, mais la tendance à la stabilisation des loyers sera nationale » prévient Didier Terrier.

Des investissements ralentis, mais honorables

Le marché devrait continuer de fonctionner au ralenti sur la seconde moitié de 2024, laissant entrevoir un atterrissage entre 2,5 et 3 millions de m2 placés sur le marché de l’immobilier logistique français. Cette performance serait la plus faible enregistrée depuis l’année 2015. Pour autant, les fondamentaux restent favorablement orientés à long terme et la demande, étroitement corrélée à la consommation des ménages, devrait retrouver de la vigueur à mesure que les indicateurs socio-économiques repasseront au vert.

L’investissement en immobilier logistique sur la première moitié 2024 reste tout de même plus qu’honorable. Le marché de l’investissement a, en effet, repris des couleurs au premier semestre et au deuxième trimestre près de 700 millions d’euros ont été mobilisés sur le marché français de la logistique portant les résultats de la première partie d’année à près de 1,3 milliard d’euros, soit un fort rebond de 130 % par rapport au très faible premier semestre 2023. Les résultats enregistrés s’alignent sensiblement avec la moyenne quinquennale des premiers semestres.

« Le pire semble derrière nous, mais les niveaux records d’antan ne seront pas retrouvés à court terme » alerte Nicolas Chomette, consultant associé en investissement chez Arthur Loyd Logistique.

Autre signal positif, la liquidité pour les actifs arbitrés s’intensifie : « de nombreuses mises sur le marché quasi simultanée répondants à des critères « core + » et « value add » sont venus recréer de la compétition entre les porteurs de projets désirant se positionner. La dynamique de marché se reconstitue à mesure que la confiance des acteurs se restaure. Aujourd’hui, même si nous sommes conscients que les délais de clôture des transactions s’allongent, nous sommes témoins d’un retour des troisièmes tours, absents depuis mi-2022″ ajoute Nicolas Chomette.

Les investisseurs font toujours preuve de prudence quant à la localisation des actifs considérés. Les sous-marchés porteurs et profonds de la dorsale restent plébiscités, tandis que le hors dorsale se révèle beaucoup moins considéré.

Dans ce contexte de reprise confirmée dans un environnement toujours mouvant, le taux de rendement « prime » pour la grande logistique « classe A » se maintient à 5 % à la fin du 2ème trimestre.

« Quelques opérations « core » de référence sont en cours et devraient venir offrir de nouveaux points d’ancrage pour les mois à venir. Plus globalement, la logistique restera très recherchée dans un environnement qui deviendra de plus en plus concurrentiel, notamment via le retour annoncé de portefeuilles d’envergure. La dynamique vertueuse à l’œuvre devrait perdurer et cette vitalité retrouvée laisse penser que l’année 2024 s’achèvera avec des volumes avoisinants le seuil des 3 milliards d’euros » conclut Nicolas Chomette.

Arthur Loyd Logistique : l’immobilier logistique, un marché contrasté