Financiarisation de l’économie et du secteur du logement : c’est en ces termes qu’Oxfam qualifie la situation française, mais aussi européenne. Le logement serait, en outre, un patrimoine avant tout hérité : 60 % aujourd’hui, contre 35 % au début des années 1970. La Fondation Abbé Pierre, de son côté, relève qu’environ 15 millions de personnes sont touchées par le crise du logement sévissant en France. Même pour les ménages de la classe moyenne, l’avancée des années a eu un impact non négligeable sur leur pouvoir d’achat sur lequel le logement a une influence plus que décisive : en 2023, plus de 23 % du revenu brut des ménages est consacré au logement, contre 9,5 % en 1960 ; de plus, le poids du logement est deux fois plus élevé pour les 25 % les plus modestes que pour les 25 % les plus aisés.

Les prix de l’immobilier, quant à eux, ont augmenté de 125,6 % entre 2001 et 2020, tandis que les loyers ont crû de 36,5 % sur la même période. Les revenus, quant à eux, n’ont augmenté que de 29 %, d’où un pouvoir d’achat rogné. En vingt ans, les prix des biens ont augmenté quatre fois plus vite que les revenus. A quoi s’ajoutent des disparités territoriales toujours plus flagrantes et une financiarisation accrue du logement aidé, dont le social. Ainsi, Oxfam révèle que trois niches fiscales créées dans le but d’attirer des capitaux privés ont coûté à l’Etat 11 milliards d’euros en 12 ans ; alors que la Banque des Territoires chiffrait le coût de revient de la production d’un logement social à 156 000 euros, cela signifie que la somme de ces trois niches aurait pu permettre de financer la construction de plus de 70 500 logements sociaux supplémentaires.

Le logement étudiant est, lui aussi, impacté par cette arrivée des capitaux privés, avec des investissements ayant doublé en un an. Conséquence : le nombre de résidences étudiantes privées en France a augmenté de 13,7 % entre 2021 et 2022, pendant que l’offre publique stagnait. Le coût pour les étudiants s’en ressent : un étudiant consacre, en moyenne et en 2023, entre 44 et 60 % de son budget dans le logement, un chiffre deux à trois fois plus élevé que la moyenne des Français.

Oxfam indique, en outre, que, début 2021, les 10 % les plus riches en patrimoine immobilier concentraient 44 % dudit patrimoine ; ainsi, 3,5 % des ménages détiennent plus de cinq logements. À l’inverse, la France, pays constitué majoritairement de propriétaires (à l’inverse de l’Allemagne, dont la moitié de la population est locataire), la part des propriétaires a tendance à diminuer depuis 2014. A Paris, où les prix se sont particulièrement envolés, il fallait, en moyenne, gagner 3 500 euros brut par mois il y a vingt ans pour prétendre acquérir un 40 m2 ; en 2022, il fallait gagner, en moyenne, 8 125 euros. Autrement dit, il fallait, en 2022, faire partie des 3 % les plus fortunés en France pour pouvoir acheter un 40 m2 dans la Capitale.

Oxfam livre quelques recommandations pour avancer : garantir un logement abordable pour tous en constitutionnalisant le droit au logement et en se donnant les moyens de lutter contre la financiarisation du secteur ; limiter la présence d’acteurs privés dont le profit prime sur l’accès au logement, notamment en luttant contre la location courte durée et les avantages fiscaux octroyés aux meublés touristiques ; limiter l’accès d’acteurs privés « financiarisés » au financement du logement, particulièrement le logement aidé ; limiter l’accumulation du patrimoine pour un accès à la propriété et, enfin, mettre en place une planification du logement alignée avec la planification écologique. Au niveau européen, les préconisations sont les suivantes : lutter contre le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale, et renégocier les directives européennes sur le commerce numérique et sur les services pour permettre aux Etats membres d’adapter la fiscalité aux pays et villes qui le souhaiteraient.

Le logement, un secteur inégalitaire ?