Le traditionnel parent pauvre des campagnes électorales est peut-être en passe de se muer en argument, si ce n’est central, du moins incontournable de cette période pré-législatives. Aux côtés de l’économie, du pouvoir d’achat, de la sécurité, de l’immigration, de l’école, de la santé et de tant d’autres sujets, le logement se fait une place de choix au cœur des programmes des candidats. Il faut dire qu’ignorer la conjoncture serait une faute politique majeure, le mal-logement, voire son non-accès total étant l’une des principales préoccupations actuelles des Français. Les trois « blocs », à savoir la majorité présidentielle Renaissance, le Nouveau Front Populaire agglomérant tout ce que la gauche compte de nuances plus ou moins solubles et, enfin, le Rassemblement Nationale associée à une partie des Républicains (l’imbroglio née de cette union décidée en solitaire par le patron des LR, Eric Ciotti, doit encore être démêlé), ont dressé des propositions concrètes concernant l’habitat et les remèdes à lui administrer pour en refaire un patient à peu près valide.

Antithèse du RN

Comme souvent sur cette thématique, c’est la gauche et son Nouveau Front Populaire (NFP) qui décline la feuille de route la plus étoffée, prenant la majorité présidentielle à contre-pied sur bien des sujets, y compris certains dispositifs déjà votés que le NFP souhaite abroger. Citons la loi anti-squat, portée en son temps par l’actuel ministre du Logement Guillaume Kasbarian, alors député de la majorité et auteur de la proposition de loi. Le NFP propose « l’interdiction des expulsions locatives pour impayés sans proposition de relogement ». Rien d’étonnant lorsque l’on se souvient de la virulence avec laquelle la gauche, en particulier les Insoumis, avaient critiqué et violemment tancé les parlementaires ayant voté cette loi ; le Conseil constitutionnel avait même été saisi pour se prononcer et avait finalement validé le texte. Ce qui va avec la volonté de créer plus de places d’accueil d’urgence et de réquisitionner des logements vides « nécessaires pour loger les sans-abris ». Antithèse chimiquement pure du RN sur les questions raciales et discriminatoires, la gauche souhaite renforcer les sanctions à l’égard des propriétaires zélés faisant de la couleur de peau ou de l’origine ethnique des critères d’attribution d’un toit.

Les APL et l’arrière-goût amer

Sur le logement social, le programme du NFP fixe un objectif de construction de 200 000 logements sociaux par an pendant cinq ans ; un but ambitieux si l’on se réfère aux 71 100 logements HLM mis en location pour la première fois dans le parc social en 2022 (chiffres du ministère de la Transition écologique). Pour aider les bailleurs sociaux, la gauche veut annihiler les coupes opérées par l’exécutif pour les organismes HLM, qu’elle estime à 1,4 milliard d’euros annuels (1,3 milliard d’après l’Union Sociale pour l’Habitat). Mesure polémique du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la réduction symbolique de cinq euros des APL (aides personnalisées au logement) est restée en travers de la gorge de la gauche. Pour y remédier, le NFP promet de les revaloriser à hauteur de 10 %. La généralisation du plafonnement des loyers est aussi ardemment réclamée, dispositif pour le moment expérimenté dans une trentaine de villes, dont Paris, Bordeaux ou Lyon.

Un PTZ généralisé

Totem absolu de la gauche, la loi SRU redeviendrait une citadelle infranchissable ; verrouillée, barricadée, claquemurée. Pas question de déroger aux 20 à 25 % de logements sociaux par communes d’ici 2025, sous peine de sanctions financières lourdement majorées par rapport à leurs montants actuels. La garantie universelle des loyers est aussi au programme du NFP, « afin de sécuriser les locataires et les propriétaires » ; le coût de la mesure (dont l’un des principaux dispositifs est la garantie Visale, financée par Action Logement, donc par l’Etat, qui se porte garant en cas d’impayés des locataires) est estimé à un peu plus de 1 milliard d’euros par an. Enfin, le PTZ (Prêt à taux zéro), fortement resserré par le gouvernement, serait ouvert à tous les ménages primo-accédants sans distinction géographique ou entre neuf et ancien. Sans oublier l’aspect écologique, avec le développement de la rénovation énergétique pour une « isolation complète des logements, en renforçant les aides pour tous les ménages et en garantissant leur prise en charge intégrale pour les plus modestes ».

Relancer la natalité

Pour la majorité présidentielle et le RN et LR-compatibles, la liste des mesures est plus succincte. Pour la formation politique menée aux européennes par Jordan Bardella, la priorité nationale donnée aux Français dans l’attribution de logements sociaux fait toujours figure de mesure « emblématique », bien que sa constitutionnalité soit loin d’être évidente, au nom du principe d’égalité tel qu’il est interprété dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel (interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité). Jordan Bardella avait également ajouté vouloir exclure des repris de justice du parc HLM. Sur un tract diffusé avant les élections européennes sur son site internet, l’ex-parti de Jean-Marie Le Pen dénonçait l’explosion de la taxe foncière sous l’ère Macron. « Après avoir supprimé la taxe d’habitation, Emmanuel Macron compense en augmentant la taxe foncière sur le dos des petits propriétaires » peut-on y lire. Le RN propose de désindexer la taxe foncière de l’inflation et de la plafonner à 2 %. Pour le reste, le logement est absent de son tract de campagne diffusé récemment et abordant huit thèmes jugés prioritaires, comme le « pouvoir d’achat », l’ »ordre » et l’ « immigration ». En revanche, dans la volonté de relancer la natalité atone de la France, le RN propose un PTZ de 100 000 euros pour les jeunes couples accédant à la propriété ; prêt qui se transformerait partiellement en don à partir du troisième enfant, seuls 40 % du prêt ne devant alors être remboursé pour les ménages de moins de 35 ans.

Service minimal pour la majorité ?

Pour Renaissance, c’est Gabriel Attal qui a égrené les principales mesures du camp présidentiel sur le service public. Sur le logement, c’est un euphémisme que de dire que l’exécutif a été taxé à de nombreuses reprises d’inaction et d’immobilisme par ses détracteurs, lui reprochant de reléguer cette question pourtant centrale dans le quotidien des Français au rang de sujet annexe. Le Premier ministre a engagé son camp sur une promesse en vue des législatives : l’exonération des frais de notaire pour les primo-accédants de la classe moyenne, pour un logement dont le prix n’excèderait pas 250 000 euros. Cela sera-t-il suffisant pour convaincre les électeurs ?

Elections législatives : quelles propositions des trois "blocs" en matière de logement ?