Le contexte international, la crise des migrants, le prix des carburants… Et le logement ? Non, loupé encore une fois. Manque de temps ? D’arguments ? De projet politique ? La troisième proposition recueille la majorité des suffrages de la part des professionnels, qui avaient voulu y croire jusqu’au bout, en vain. « Ce fut un silence assourdissant ! » résume Guillaume Martinaud, président du réseau Orpi, qui manie habilement l’oxymore. Avant de prophétiser : « l’Histoire rattrapera les pouvoirs publics ». Manière de dire qu’une crise sociale couve ? Il faut se remémorer les propos récemment tenus par la présidente de Nexity, Véronique Bédague, évoquant la fameuse « bombe sociale » sur le point d’exploser. « En octobre 2018, le mouvement des gilets jaunes avait éclaté alors que le litre d’essence était moins cher qu’aujourd’hui… Les germes de la colère populaire sont là, solidement plantés, et pourraient violemment éclore ! » poursuit le président du réseau Orpi. « Les promoteurs ne construisent plus, les particuliers sont bloqués à l’emprunt malgré de bons dossiers, le parc locatif s’apparente à un Koh Lanta géant pour les demandeurs… ». Une crise multidimensionnelle qui s’aggrave de semaines en semaines, de mois en mois, sans qu’une porte de sortie n’apparaisse distinctement.

Taux d’endettement à 35 % : un non-sens ?

La lumière viendra peut-être de cette réunion devant réunir Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, et François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, ce mardi 26 septembre.
Le même jour que l’intervention cathodique d’Emmanuel Macron, le député Renaissance Sacha Houlié avait enjoint l’exécutif à réclamer un assouplissement de l’immuable 35 % de taux d’endettement à ne pas dépasser. « C’est un non-sens, les deux tiers de reste à vivre ne s’entendent qu’en fonction des revenus de base » explique Guillaume Martinaud. « 40 % de taux d’endettement sur 6 000 ou 7 000 euros de revenus mensuels pour un investisseur n’équivalent pas à 30 % pour une personne gagnant 1 500 euros par mois ! ». Guillaume Martinaud y voit surtout la continuité d’une stigmatisation à l’endroit des propriétaires, soupçonnés de s’enrichir sur le dos des locataires, d’accaparer du foncier pour en faire une rente, de spéculer. Un procès d’intention absurde et mortifère, les investisseurs permettant justement de fluidifier le parc locatif en étoffant l’offre de logements disponibles. « C’est une erreur philosophique car nous ne sommes plus au temps de Balzac, avec des propriétaires véreux et mal intentionnés gagnant leur pain sur la misère de leurs contemporains. Investir dans le logement, c’est aussi enrichir le tissu économique et faire travailler des gens : constructeurs, artisans, promoteurs, agents, courtiers… » selon Guillaume Martinaud.

Hausse de la taxe foncière : qui est responsable ?

Si Emmanuel Macron a superficiellement abordé le thème du logement, il s’est néanmoins exprimé sur deux sujets qui ont fait pousser des cris d’orfraie à pas mal d’élus : la hausse de la taxe foncière et le montant des dotations de l’Etat allouées aux collectivités territoriales et locales. Sur la taxe foncière, le Président a soutenu que « lorsqu’elle augmente, ce n’est pas le gouvernement, ce sont les communes qui décident ! ». Sans oublier de glisser un petit tacle politique à Anne Hidalgo et à la Mairie de Paris, qui « l’a augmentée (la taxe foncière) de plus de 60 % ! ». Des élus ont justement fait remarquer que l’Etat avait augmenté la taxe foncière de 7,1 % dans toutes les communes françaises et que le Président avait bon dos de s’exonérer de ses responsabilités. Une hausse alignée sur la base de calcul des « valeurs locatives cadastrales ». En revanche, seules 14 % des communes auraient augmenté la dite taxe entre 2022 et 2023. « Le vrai problème, c’est que la suppression de la taxe d’habitation est logiquement compensée par la taxe foncière, le gouvernement a juste concentré encore davantage les financements sur les mêmes, à savoir les propriétaires » déplore Guillaume Martinaud.

Une décentralisation croissante : l’Etat désinvesti ?

Sur le sujet des dotations aux collectivités, et bien qu’Emmanuel Macron ait affirmé que l’Etat ne les a pas baissées, l’Association des Maires de France (AMF) a pointé que le montant de la DGF (dotation globale de financement) aurait dû croître de 2,6 milliards d’euros entre 2018 et 2022 pour suivre la courbe de l’inflation (il n’en a rien été). Idem en 2023, avec une hausse prévue de l’ordre de 1,75 % de la DGF alors que l’inflation devrait avoisiner les 5 % sur l’année. Dans ce contexte, nombre de maires et autres élus locaux justifient leur manque de volontarisme pour construire plus justement par cette manne financière en moins. « Le vrai problème, c’est que l’Etat s’est progressivement dessaisi du sujet, il a voulu décentraliser la politique du logement et s’en laver les mains à l’échelle gouvernementale » déplore le président du réseau Orpi. Avant de conclure, solennel : « c’est l’exécutif qui devrait insuffler la direction générale, être un planificateur ambitieux. De même qu’une Loi de programmation militaire existe, nous plaidons pour un dispositif similaire pour le logement. A l’image de l’éducation, de la santé ou de la sécurité, le logement est un sujet qui impacte la vie des Français au quotidien, leur présent, mais aussi et surtout leur futur et celui de leurs enfants. Il est urgent d’agir ! ».

Crise du logement : l’exécutif en mode "silence radio"…