Ils l’attendaient, avaient marqué la date d’une pierre blanche. Ce mardi 9 mai 2023 devait être le jour où les cinq mois au cours desquels environ 200 personnes, d’horizons divers, ont planché sur les issues à trouver à la crise du logement en France, devaient trouver leur aboutissement dans la présentation des mesures retenues par le gouvernement. Il faudra encore patienter. Combien de temps ? Aucune autre date n’a, pour le moment, été communiquée. L’occasion pour Véronique Bédague et Christophe Robert, chargés de l’animation de ce CNR Logement, de sensibiliser le grand public à cette problématique ô combien déterminante dans leur quotidien.

En un an, « les Français ont perdu 25 % en pouvoir d’achat immobilier » a entamé la PDG de Nexity. « C’est extrêmement violent ! ». Le mécanisme décrit, tel un effet domino, est limpide : « moins de ventes de maisons entraîne mécaniquement moins de production neuve. Les laissés pour compte de l’accession se tournent logiquement vers le marché locatif, qui se retrouve lui aussi engorgé ». Le point d’orgue de ce scénario dramatique : plus de gens dans l’incapacité de se loger, donc à la rue.

Christophe Robert l’a rappelé : « le logement constitue le premier poste de dépense des ménages, il devrait donc être l’une des principales préoccupations du gouvernement ». Il a rappelé les conséquences néfastes que le mal-logement pouvait entraîner sur la santé, la scolarisation des enfants, la mobilité professionnelle ou encore le développement des territoires. Autant de réactions en chaîne qui font du logement une problématique transversale, dont les conséquences, positives comme négatives, impactent durablement d’autres volets de la vie des Français. « Il y a pourtant des forces vives à même de résoudre ce problème en France » a invoqué le co-aninateur du CNR. « Malheureusement, ce n’est pas une priorité du Président de la République… » a-t-il ajouté.

Véronique Bédague a abondé dans ce sens, affirmant que le gouvernement était dans le déni, qu’il ne reconnaissait pas la gravité de la crise, selon elle d’une ampleur inédite. « Nous sommes reçus et écoutés, mais les actes concrets se font attendre » a-t-elle déploré. « Il faudrait bâtir 500 000 logements neufs ou rénovés par an pour répondre aux besoins en logements. Or, nous en sommes aujourd’hui à environ 350 000 constructions annuelles, chiffre qui pourrait passer sous la barre des 300 000 avec la crise que nous traversons. Ce qui a des conséquences directes pour les plus précaires, les plus modestes, les personnes âgées, les familles monoparentales… ».

« Il n’y a plus de réserve de logements disponibles pour parer aux situations d’urgence, c’est du flux tendu perpétuel » s’est désolé Christophe Robert. « Aujourd’hui, les classes moyennes, autrement dit le cœur de la population française, ceux qui travaillent et consomment, peinent à se loger. En effet domino, les plus pauvres et les plus fragiles sont de facto exclus du marché, étant entendu que la strate sociale supérieure à la leur est également en passe d’être déclassée ». Le logement social est également malmené selon le directeur général de la Fondation Abbé Pierre, avec une production et des moyens financiers alloués en baisse : -1,3 milliard d’euros accordés au logement dans le nouveau projet de loi finances présenté par le gouvernement pour l’année 2023.

Ce rabotage a également été déploré par Véronique Bédague : « de 42 milliards d’euros accordés au secteur du logement au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, nous sommes descendus à 38 milliards d’euros aujourd’hui. De plus, notre secteur est matraqué fiscalement, avec des prélèvements qui sont passés de 70 à 90 milliards d’euros par an. On entend souvent que le logement coûte de l’argent à l’Etat ; il lui en rapporte également beaucoup ! ».

A propos de la transition énergétique, Christophe Robert plaide pour davantage de temps et d’accompagnement. Et plus de moyens financiers. « Il faudrait que l’Etat investisse un milliard d’euros de plus par an dans la rénovation thermique des logements ». La promesse faite par Elisabeth Borne de mobiliser la Caisse des Dépôts et Consignations pour racheter des logements neufs a également été commentée. Pour Véronique Bédague, il s’agit d’un choix de court terme qui peut aider temporairement les promoteurs à trouver des acquéreurs en amont de la construction de nouveaux bâtis. Néanmoins, « l’Etat doit retrouver une fonction planificatrice et stratégique pour le logement, rôle qu’il n’a toujours pas endossé » selon la patronne de Nexity. Cette dernière a enfin rappelé que 20 à 30 % du prix de vente d’un appartement était lié au foncier ; d’où sa volonté de mettre en place un encadrement des prix du foncier, comme il en existe pour les loyers dans les villes en sur-demande, afin d’éviter qu’ils n’explosent. Pour Christophe Robert, certains fonciers publics pourraient aussi être davantage exploités.

Autant de pistes que le CNR compte bien voir reprises à son compte par le gouvernement. Et le plus tôt possible…

CNR Logement : Véronique Bédague et Christophe Robert déplorent son report