« Que s’est-il passé en 2023 sur le front du marché immobilier de l’ancien ? Eh bien, à dire vrai, pas grand-chose ! » : l’assertion formulée par Charles Marinakis a le mérite de la clarté. Pour autant, elle ne surprendra pas outre mesure les observateurs attentifs d’un marché immobilier au ralenti (doux euphémisme). Au niveau national, les transactions ont reculé de 16 % l’année dernière, un chiffre moins élevé que celui avancé par les Notaires qui tablent, de leur côté, sur une baisse de 18 %. Les raisons de cette « panne » sont connues : hausse continue et rapide des taux d’intérêt (4,22 %, en moyenne, en novembre), durcissement des conditions d’octroi de crédits et inflation. Conséquence normale de ce ralentissement : les prix ont baissé à l’échelle nationale, mais pas de façon significative (-1,7 % pour les maisons et -3,4 % pour les appartements). « Les prix ont peu baissé ; or, cela est nécessaire à un ajustement du marché ! » souligne Charles Marinakis.

Apport personnel contre primo-accession

Le pragmatisme des acquéreurs, qui n’ont pas hésité à faire le deuil de quelques mètres carrés supplémentaires en se rabattant sur des biens plus petits, a probablement enrayé une chute trop importante des prix (-1,3 m2 sur un an). A noter, l’allongement des délais de vente (+8 jours pour les maisons et +14 pour les appartements). « Les acquisitions contraintes, quitte à rogner sur de la surface, ont permis au marché de rester à flots en 2023 et d’être légèrement en-dessous des 900 000 transactions, ce qui est loin d’être catastrophique » a tempéré Charles Marinakis. Les acquisitions sont majoritairement destinées à la résidence principale (65,6 %), suivies des investissements locatifs (26,7 %). « C’est une surprise pour moi, je ne pensais pas que les investissements locatifs représenteraient une part aussi importante ; ce qui prouve que l’épargne existe et que certaines populations bien précises disposent d’un apport personnel suffisant pour contourner les barrières du crédit et acheter un bien pour le mettre ensuite à la location » développe le président du réseau Century 21. Petit indice : la part des retraités parmi l’ensemble des acquéreurs a progressé de 7 % en 2023…

A Paris, le volume des transactions a chuté de 13 %. Une baisse moins importante qu’à l’échelle nationale qui s’explique par une baisse des prix qui, elle, est plus conséquente (-5,5 %). La barre des moins du 10 000 euros le mètre carré a été franchie, avec des prix s’établissant, en moyenne, à 9 774 euros le mètre carré. Les délais de vente ont explosé dans la Capitale (+16 jours), atteignant des niveaux jamais observés jusque-là (96 jours en moyenne). La taille des surfaces acquises baisse aussi (48,7 m2, contre 50 m2 en 2022). En moyenne, les acheteurs parisiens disposent d’un apport personnel important, notamment grâce à la revente d’un précédent bien et à la réalisation d’une plus-value substantielle ; la part de primo-accédants est relativement faible.

Une territorialisation des réalités immobilières

C’est en Ile-de-France que les indicateurs sont les plus dégradés, tirant la moyenne nationale vers le bas. Le volume de transactions a baissé de 18,7 % pour les maisons et de 22 % pour les appartements, tandis que les prix ont baissé de 5 % pour les maisons et de 8 % pour les appartements. Une correction par les prix qui n’a pas empêché les délais de vente de s’allonger (90 jours), les mêmes prix ayant très fortement crû entre 2015 et 2022 (+38,2 % pour les maisons et +36,6 % pour les appartements). « Trois-quarts des personnes qui achètent en Ile-de-France le font pour y établir leur résidence principale et ils acquièrent davantage de maisons » indique Charles Marinakis. « C’est un type de population qui se distingue des acquéreurs parisiens, où l’on retrouve les « refoulés » du marché de la Capitale pour qui la petite, mais surtout la grande couronne représentent une occasion de pouvoir enfin devenir primo-accédants ».

En régions, les résultats apparaissent très disparates, mais avec un volume de transactions globalement à la baisse. « Les résultats sont tellement hétérogènes qu’il faudrait presque se référer à une échelle départementale, voire communale » a indiqué Charles Marinakis. « Chaque marché a construit sa vérité locale sur la base des prix au mètre carré d’origine ». Ce qui semble certain pour le réseau Century 21, c’est que l’appétence des Français pour la maison individuelle est toujours d’actualité.

« Le logement n’est pas un produit spéculatif ! »

Comment faire pour dégripper le marché ? Pour Charles Marinakis, beaucoup d’efforts ont été jusqu’à présent consentis par les acheteurs. La balle se trouve, par conséquent, dans le camp des vendeurs, qui doivent ajuster leurs prix pour relancer les transactions. Malheureusement, deux types de vendeurs sont à distinguer : les contraints et les non-contraints. Pour la deuxième catégorie, différer leur projet de vente n’est pas un problème, en attente de jours meilleurs et, surtout, de nouvelles hausses des prix ; 43 % d’entre eux considèrent que ce n’est pas le bon moment pour vendre. De l’autre côté, les acquéreurs semblent s’être enfermés dans une position d’attentisme et d’auto-censure, 47 % d’entre eux considérant que ça n’est pas le bon moment pour acheter. Résultat : une chute de 20 % de consultations des biens sur le site de Century 21. « Les vendeurs doivent comprendre qu’il n’est écrit nulle part qu’une résidence principale est un produit spéculatif » fait valoir Charles Marinakis. « Le logement est un produit de capitalisation, on n’est pas à la Bourse. Surtout que les rendements sur la vente d’une résidence principale sont défiscalisés. Mais, encore une fois, on n’acquiert pas un logement en attendant une plus-value à la sortie comme si c’était un dû ! ».

Pour sortir de l’ornière, Charles Marinakis propose plusieurs pistes. Politiquement, il plaide pour une loi Logement qui « prendra réellement en compte les problématiques du logement en France ». Il réclame le rétablissement du statut du bailleur privé. Il souhaite également une dédramatisation de la situation du marché de l’immobilier et souhaite que les acheteurs se désinhibent. Enfin, économiquement, un recul de l’inflation favoriserait une reprise du marché, de même qu’une baisse des taux d’emprunt alignée avec l’inflation (entre 3,35 et 3,75 % sur vingt ans prévus pour 2024) et, enfin, un marché de l’emploi tonique avec un taux de chômage maîtrisé. Mais, plus que tout, la baisse des prix semble être l’élément incontournable pour une relance pérenne, la « variable » d’ajustement nécessaire dans tous les cas.

Charles Marinakis (Century 21) : "aux vendeurs de faire leur part du boulot !"...