Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union Sociale pour l’Habitat (USH), a, en préambule, appelé les candidats et/ou leurs représentants à ne pas « vouloir casser un modèle durable qui fonctionne » en touchant, par exemple, au « 1 % patronal » (Action Logement, ndlr) ou au Livret A. « Il faut produire plus de logement et notamment plus de logements sociaux » a-t-elle martelé, « mais pour cela il nous faut un soutien, le sujet est trop essentiel pour ne pas être débattu ». Et de tacler le gouvernement en place en considérant que le sujet est « méprisé par le Président de la République qui pense que le summum de la lutte, c’est la question des 5 euros ».
Le ton est moins vif côté Fondation Abbé Pierre, avec son délégué général, Christophe Robert, qui tient à souligner « le caractère inédit de cette alliance, reflet de l’importance du logement pour tous ». Pointant les avancées apportées par le plan « logement d’abord », qui a permis ce que Christophe Robert qualifie de « changement culturel », ce dernier regrette qu’il ait été amputé et n’ait pu monter en puissance. L’adresse aux candidats est celle d’une « politique plus ambitieuse », menée dans le cadre d’un plan, non plus mis en place chaque année, chaque fois débattu avec Bercy, mais sur un rythme pluriannuel.
Considérant que le « logement est une somme de sujets qui deviennent de plus en plus lourds pour les ménages », Catherine Vautrin, présidente (LR) du Grand Reims, ici à la fois porte-parole de France Urbaine et d’Intercommunalités de France, revient sur la question des territoires, plaidant pour une politique de l’habitat adaptée aux régions et une accentuation des délégations, avec une déconcentration plus forte des aides à la pierre.
Même conviction sur la nécessité de territorialiser différemment les politiques du logement pour Olivier Salleron, président de la Fédération Française du Bâtiment, qui souhaite l’application d’un autre zonage que celui actuellement en vigueur. Parmi les autres enjeux auxquels le futur gouvernement devra, selon lui, répondre, figure la transition énergétique, ce « grand challenge du prochain quinquennat ». « Il faut pousser les feux sur la qualité du parc de logements, mais aussi concilier sobriété foncière et réponse aux besoins de logements » prévient-il.

Des candidats et une ministre

Pour répondre et entendre ces propositions, Emmanuel Macron, désormais candidat, avait envoyé sa ministre en charge du Logement, Emmanuelle Wargon. Celle-ci est donc venue défendre un bilan et dévoiler quelques-unes des pistes de travail qui devraient figurer dans un programme logement non encore finalisé. D’abord en matière de logement social, où la politique du gouvernement (époque Jacques Mézard et Julien Denormandie) avait déclenché les foudres du monde HLM après l’annonce de la baisse de APL. « Le candidat Emmanuel Macron soutient le logement social » a assuré Emmanuelle Wargon, « il faudra aller plus loin sur la rétention foncière pour que le foncier puisse servir à bâtir du logement ». Et de promettre de « continuer à soutenir le logement social, intermédiaire et le bail réel solidaire (BRS), trois outils utiles au logement pour tous ». Rien, en revanche, sur un revirement sur les APL ou la réduction de loyer de solidarité. La ministre a, par ailleurs, souhaité mettre l’accent sur la transition énergétique, avec l’engagement de rénovation de 700 000 logements par an (contre un objectif actuel de 500 000 logements rénovés), mais avec « la volonté d’améliorer le système en faisant plus de rénovations globales et en continuant d’accompagner les particuliers via France Rénov ».

PS : bouclier logement et rénovation

Seule candidate présente à ce rendez-vous donné par l’Alliance pour le logement, la Maire de Paris, Anne Hidalgo. « Je suis une maire bâtisseuse » a lancé l’élue en ouverture de son intervention. La question de la rénovation énergétique du parc parisien (où les étiquettes F et G sont nombreuses) fait partie de ses priorités : « il faut une mesure de prise en charge d’avance des frais pour la rénovation thermique des bâtiments, avec un remboursement in fine. Le reste à charge est ce qui fait que les propriétaires ne s’engagent pas dans la rénovation thermique de leur logement » a-t-elle expliqué. Autre grand thème de sa campagne : le bouclier logement, pour qu’aucun Français ne consacre plus d’un tiers de ses revenus à son logement. « Je pense aux classes moyennes et aux classes populaires qui sont celles qui souffrent le plus » justifie-t-elle. Et de conclure : « nous vivons une crise sociale majeure, avec des inégalités qui galopent, une crise climatique qui impose que l’on sorte de notre dépendance aux énergies fossiles et une crise démocratique. Or, le logement est un élément central de la résolution de ces trois crises en même temps ».

EELV : revenu minimum citoyen

A gauche toujours sur l’échiquier politique est venu le tour de Julien Bayou, représentant de Yannick Jadot (EELV). Semblant désabusé, celui-ci en a appelé à Churchill pour illustrer son propos : « prendre le changement par la main avant qu’il vous prenne par la gorge ». Pour l’écologiste, le logement « pose la question primordiale des revenus » et impose « d’augmenter les salaires et de créer un revenu minimum citoyen à plus de 900 euros par mois ». Il souhaite aussi encadrer les loyers partout en France et remettre à l ‘ordre du jour la Garantie universelle des loyers que Cécile Duflot avait, en son temps, tenté de mettre en place. Autre proposition, en faveur de la transition énergétique et la lutte contre la précarité énergétique : une augmentation du chèque énergie et son extension à 15 millions de foyers. Il défend aussi l’idée des premiers KWh gratuits. La rénovation des logements est ainsi au coeur des engagements du candidat, dont le porte-parole indique qu’il consacrerait 10 milliards d’euros par an pour réduire de 50 % la consommation énergétique des logements. Quant à sa conclusion, Julien Bayou l’emprunte à l’Abbé Pierre : « Gouverner, c’est loger son peuple »…

PCF : augmentation du quota HLM

« Faire que les propriétaires et les locataires ne consacrent pas plus de 20 % de leurs revenus au logement » est l’une des priorités de Fabien Roussel (PC), représenté par l’adjoint au logement (PCF) d’Anne Hidalgo, Ian Brossat, qui indique que « le logement est au coeur de la crise du pouvoir d’achat et pèse, pour 6 millions de Français, plus de 35 % de leurs revenus ». Sans surprise, l’élu plaide pour une régulation du marché privé du logement, avec l’instauration de l’encadrement des loyers dans toutes les métropoles « comme le prévoyait la loi Alur ». Prêts à construire, « les communistes sont des maires bâtisseurs et nous l’avons prouvé » argumente-t-il, « nous sommes des partisans du logement, de tous types de logements ». Pour les plus modestes, le candidat Roussel vise la construction de 200 000 logement sociaux par an, grâce au renforcement de la loi SRU et à l’augmentation du quota qui passerait de 25 à 30 %.

LFI : constitutionnalisation de la question du logement

« Si Jean-Luc Mélenchon est élu, nous voterons une loi d’urgence pour le logement, avec un objectif de zéro sans-abri » avance Eric Coquerel, représentant de La France Insoumise. « Il faut constitutionnaliser la question du logement, en faire un droit fondamental comme l’est celui de la propriété ». Parmi les objectifs de LFI, « la construction d’un million de logements sociaux en cinq ans, majoritairement des PLAI et PLUS (destinés aux plus modestes, ndlr). Le quota HLM serait alors porté à 30, voire 40 % dans certains territoires. Pour financer cette mesure, le parti envisage une hausse de la contribution patronale (PEEC) qui passerait à 1 % de la masse salariale, contre 0,46 % aujourd’hui. Se prononçant en toute logique contre la vente HLM, Eric Coquerel plaide pour la préemption par les pouvoirs publics, de certains bâtiments. « Le patrimoine public devrait servir aux logements temporaires et ne pas être vendu au privé, comme cela a, par exemple, été fait avec l’Hôtel Dieu ».

Bâtir une France de propriétaires et conforter le logement social

Seul représentant de la droite, Geoffroy Didier est venu défendre le projet de la candidate LR, Valérie Pécresse. « Si la tendance actuelle se poursuit, nous allons vers une des plus graves crises du logement depuis l’hiver 54 » a lancé l’ancien élu au logement du Conseil Régional d’Ile-de-France. « C’est en construisant davantage que nous parviendrons à résoudre la crise du mal logement et notre objectif est la production de 500 000 logements par an, grâce, notamment à un grand choc de simplification ». Pour redonner aux maires l’envie de bâtir, l’idée est de « leur redonner la main sur leur politique de peuplement, en leur permettant de décider de l’attribution de 60 % des logements sociaux ». Geoffroy Didier a ensuite repris une formule entendue lors d’une précédente présidentielle : « bâtir une France de propriétaires pour ceux qui le veulent et ceux qui le peuvent ». Pour y parvenir, la volonté est de généraliser le PTZ à l’ensemble du territoire et de renforcer les aides à l’accession, notamment dans les zones rurales. Autre proposition : permettre l’accès au crédit immobilier à ceux exclus du marché bancaire (intérimaires, contrats à durée déterminée), grâce à un système de caution solidaire.

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