Le cadre : l’ancienne manufacture de velours Cosserat, située dans le quartier Montières d’Amiens, créée en 1794 et qui connaîtra une activité florissante pendant deux siècles. Rachetée en 2004 par l’entreprise allemande Cord & Velveton, elle fermera définitivement en 2012. La production ayant été arrêtée en 2008, le site n’était plus qu’un simple pôle logistique qui n’employait plus que 10 salariés. En 2019, le promoteur Réalités découvre ce patrimoine et se porte repreneur.« Ce lieu nous a d’abord touché par son histoire, par son importance pour les Amiénois, dans son identité, sa démographie, son économie. La convergence entre l’histoire et la potentialité de ce territoire ont suscité notre envie d’intervenir ici » explique Yoann Choin-Joubert. « Notre propre histoire, celle d’un groupe né en province, nous fait porter un regard sur les villes de province qui peut être différent d’un acteur national à la vision peut-être davantage métropolitaine. La volonté de « réparer », sur le plan urbain, un territoire est aussi ce qui nous constitue en tant qu’entreprise à mission. Nous disposons aujourd’hui de la taille critique pour nous engager dans de tels projets ».

Réalités investit ici 11 millions d’euros de fonds propres pour un chiffre d’affaires attendu de 110 millions d’euros (hors taxe) à échéance dix ans. L’Etat, via le fonds friches et l’Ademe, apportera de son côté une subvention de 300 000 euros. « Ce n’est pas l’opération la plus rentable de l’histoire », concède Yoann Choin-Joubert, « mais elle est passionnante : embarquer tout un territoire autour d’un projet d’aménagement porté par un opérateur privé ; transformer ce site, symbole d’une paupérisation d’une partie de la société amiénoise, et montrer ainsi qu’on peut sortir d’un discours de victimisation qui empêche d’accéder à l’intelligence collective ».

Un nouveau quartier de vie chargé d’histoire

À terme, la « Tisserie, » nom de ce nouveau quartier, comptera 8 000 m² de bâtiments réhabilités, 34 000 m² de nouveaux bâtiments, compris sur 5 hectares aménagés, 400 logements, 500 m² de commerces et 6 000 m² de bureaux, lieux de formation et locaux d’activités. La « Tisserie » accueillera notamment l’atelier Bouchendhomme qui proposera de la réfection ou création de sièges anciens et contemporains ou encore la confection de rideaux. Un « Brewpub » – mélange de pub, micro-brasserie et restaurant – complèteront le projet, ainsi qu’une école des métiers numériques. Des jardins partagés végétaliseront, enfin, le tout avec des carrés partagés et une micro-jardinerie. Près de 300 personnes travailleront, à terme, sur ce site qui accueillera, par ailleurs, 700 nouveaux habitants.

Conditions de réussite de tels projets : des ambitions partagées. « Il faut pour cela que le secteur privé fasse un pas vers le public et que le public accepte de confier des opérations d’aménagement. Notre métier est une activité d’intérêt général et il importe de créer le cadre et les valeurs qui permettent de travailler ensemble » souligne Yoann Choin-Joubert, Et de plaider non plus en faveur de la délivrance de subventions, mais d’une démarche de co-investissement de la part de l’Etat. « Les acteurs privés n’ont pas la culture de la subvention » a défendu Yoann Joubert-Choin auprès de Jean Castex. Nous pourrions réaliser d’autres transformations, des centaines de friches comme celle d’Amiens si nous disposions de plus de capital. A l’échelle de la Nation, la subvention est du déficit quand l’investissement est du bénéfice ». Selon lui, si les acteurs publics doivent bien donner le cap, les acteurs privés sont ceux qui doivent mettre en oeuvre ; leur rôle est de travailler pour créer de la valeur. « Aidez-nous à trouver une économie, aidez-nous à gagner du temps, dans une transparence entre le public et le privé » plaide le président fondateur de Réalités auprès des élus, nationaux et locaux. Et pour aller plus vite, Yoann Chouin-Joubert aurait une proposition à faire à l’Etat : « créer une société ad hoc, hors périmètre institutionnel, dotée de 2 à 3 milliards d’euros et qui aurait pour objectif d’opérer 100 friches en trois ans et de dégager, au bout de dix ans, 5 % de rentabilité par an. Cela permettrait de créer 20 milliards d’euros d’activités en rapportant, chaque année, un milliard d’euros à l’Etat ». Pour l’heure et à défaut d’une telle instance, Réalités poursuit sa stratégie d’entreprise à mission, intervenant notamment sur d’autres friches en France : la reconversion des usines Quelle (les plus âgés se souviennent du catalogue éponyme) à Orléans (45), celle d’un centre commercial à Saint-Malo (35) ou encore le site de La Baratière, à Vitré (35). Avec un leitmotiv, dans tous ses projets : intervenir sur « l’ouvrage et l’usage » !

Amiens : Réalités va transformer l'ancienne manufacture Cosserat en un nouveau quartier