La double, voire triple formation de Chayma Oueslati en fait une professionnelle singulière. En 2012, tout juste diplômée architecte à Tunis, sa ville natale, elle traverse la Méditerranée et vient valider son Mastère à l’école d’architecture de Lyon, qu’elle complète avec un Mastère d’urbanisme à Paris-La-Villette… avant d’entamer un Master Mundus Erasmus d’histoire des techniques et des territoires d’industrie qu’elle accomplira entre 2013 et 2015, sous la forme d’un tour d’Europe, comme on faisait autrefois ses Humanités, plus riche de la culture et de la langue de nos voisins : à l’université polytechnique de Catalogne pour commencer, puis à celles d’Evora et de Padoue… pour finir à Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Désormais architecte, urbaniste et historienne, elle entre alors dans la vie active, façon de parler, cumule plusieurs CDD dans des studios d’architectes pendant deux années, dont quatre mois au Japon… avant de faire sa rentrée sur le campus de l’Essec en septembre 2017, pour le Mastère en management urbain et immobilier. « J’avais besoin d’acquérir les compétences financières, juridiques et économiques qui me manquaient encore ». Son mémoire de fin d’études sur « L’immobilier face au risque climatique : dynamique des marchés et outils d’évaluation immobilière » sera très remarqué. Notamment par Cushman & Wakefield d’abord, qui l’embauche en juin 2018, puis par le Simi qui lui décerne, en 2019, le Prix junior de l’industrie immobilière.

« Au sein de Cushman, et grâce au cadre qui m’a été offert, j’ai pu développer en pratique mon mémoire, avec la perspective de l’appliquer à grande échelle »… Ce projet de développement personnel et professionnel est validé aujourd’hui par le site corporate de son employeur : « Chayma Oueslati est une experte internationale en développement durable et en immobilier. Au cours des dix dernières années, elle a acquis une expertise approfondie et une expérience avérée en conseil immobilier, en évaluation des risques ESG et climatiques (…) Elle aide les dirigeants à mettre en œuvre le développement durable pour générer de la valeur, obtenir les meilleurs résultats financiers et sociaux, tout en améliorant la stratégie et l’image de l’entreprise ». Fichtre, qu’en termes laudateurs ces choses-là sont dites ! Surtout quand on connaît l’« understatement » de la communication du très anglo-saxon cabinet Cushman & Wakefield… La jeune directrice a développé, en effet, au sein de son entreprise une offre de services très complète, pluridisciplinaire, couvrant les services d’audit énergétique, de définition de trajectoire bas carbone sur toutes les classes d’actifs, jusqu’aux certifications environnementales. Ce qui lui tient à cœur ? « C’est l’évaluation de la valeur verte, donner une vision structurante de la durabilité d’un immeuble, sans perdre jamais l’exigence de la rentabilité des investissements verts » comme elle s’en explique dans un récent podcast d’ « Immoweek ».

Cette faculté d’allier critères financiers et extra-financiers l’oblige à dialoguer avec tous les métiers de l’immobilier. Qui ont rarement des langages communs. « Le climatologue parle de probabilité des risques, l’ingénieur et l’auditeur de kilowatt-heure, l’investisseur de rentabilité. Cette beauté complexe me stimule intellectuellement ». Et sa nomination aux « Pierres d’Or » ? « Une belle reconnaissance du travail au sein de mon entreprise, mais également pour l’enfant que j’étais, en vacances avec mes parents, confrontée que je fus vraiment à l’érosion maritime sur la plage de Bizerte ou dans le golfe d’Hammamet… J’ai vu, de mes yeux vu, au fil des années, des plages se rétrécir et disparaître. J’ai voulu très tôt me diriger vers une carrière qui apporte des solutions concrètes et à tous les acteurs… cela vient de loin et depuis longtemps, même si j’ai beaucoup hésité avec une carrière artistique… ».

Renseignement pris, la pratique musicale tient une grande place dans la vie de notre lauréate… et depuis longtemps. Depuis qu’elle a 12 ans (elle en a 35 aujourd’hui), elle joue du Qanoûn (« instrument traditionnel oriental à corde pincée, de la famille des cithares, instrument unique avec timbre lumineux et un large éventail de couleurs sonores » dixit Wikipedia). A moins que l’encyclopédie en ligne nous ait donné là le portrait, en instrumentiste, d’une architecte qui sait compter, unique ?

Retrouvez les « mini-portraits » des neuf autres nommés de cette catégorie dans notre magazine accessible sur notre site…

Une archi qui sait compter…