L’année 2020 restera, sans aucun doute, gravée dans la mémoire des acteurs économiques. A peine les entreprises se sont-elles relevées de la première vague de fermetures administratives du mois de mars, qu’elles subissent à nouveau de plein fouet les restrictions imposées par le gouvernement depuis le 30 octobre dernier[1]. La plupart d’entre elles ne peuvent plus recevoir de clientèle, pas plus qu’elles ne génèrent de chiffre d’affaires.

En parallèle, la majorité des charges courantes restent dues. C’est le cas des échéances de loyers pour les entreprises occupant leurs locaux en vertu d’un bail commercial. À ce titre, les textes exceptionnels, permettant de retarder[2], voire d’annihiler[3] le recouvrement par le propriétaire des loyers impayés, n’ont jamais eu pour vocation de suspendre leur exigibilité.

Au plan fiscal, le gouvernement a bien tenté d’inciter les propriétaires à abandonner leurs loyers pendant le premier confinement. En effet, des dispositions ont été adoptées pour permettre à ces derniers de déduire de leurs bénéfices ou revenus ces abandons. La mesure n’a, cependant, pas eu l’effet escompté.

Pour viser plus juste à l’aune du deuxième confinement, le ministre de l’Economie a entrepris une concertation avec les principaux représentants des bailleurs et des commerçants. Il en ressort que la solution du crédit d’impôt, avantage remboursable, constitue un levier de négociation plus séduisant.

C’est la raison pour laquelle le Parlement envisage, actuellement, d’ajouter ce mécanisme au projet de loi de finances 2021.

Qui est concerné par le crédit d’impôt ?

Le crédit d’impôt bénéficie : au propriétaire d’un local à usage commercial, personne physique ou morale (de droit privé ou public), même exonéré d’impôt sur le revenu (IR) ou d’impôt sur les sociétés (IS), qui n’était pas, au 31 décembre 2019, en difficulté au regard de la règlementation européenne et qui consent un abandon ou une renonciation définitive de loyer au profit de son locataire. Ceci concerne la période du confinement (commencée le 30 octobre 2020 et dont le terme n’est pas encore connu).

Il concerne le propriétaire dont le locataire : loue un local qui fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public au cours de la période du deuxième confinement OU exerce son activité principale (définie par son code APE) dans l’un des secteurs mentionnés à l’annexe 1 du décret sur le fonds de solidarité (hôtellerie, tourisme, secteur culturel, loisirs…). Un locataire dont l’entreprise compte moins de 5 000 salariés, qui n’était pas, au 31 décembre 2019, en difficulté au regard de la réglementation européenne, n’était pas en liquidation judiciaire au 1er mars 2020.

A noter : s’il existe un lien entre les deux parties (ascendant, descendant, membres d’un même foyer fiscal ; sociétés dépendantes l’une de l’autre ou d’une même société-tierce), le propriétaire doit justifier par tous moyens des difficultés du locataire.

Quel est le montant de ce crédit d’impôt ?

L’assiette est la suivante :

le montant total des abandons/renonciations de loyers consentis aux locataires de moins de 250 salariés + les 2/3 des abandons/renonciation de loyers consentis aux locataires d’au moins 250 salariés. Le crédit d’impôt s’appliquera sur la somme de ces deux montants (avec un plafonnement de 800 000 euros par locataire).

Le taux : le crédit d’impôt est égal à 50 % de l’assiette retenue.

La période concernée : le crédit d’impôt concerne des abandons/renonciations de loyers consentis à compter du 30 octobre et jusqu’à une date pour l’heure inconnue[4]. Le texte renvoie aux limitations de déplacements et aux attestations qui s’y rapportent.

Quels abandons de loyers ? Pour le moment, le dispositif reste silencieux sur l’étendue de l’abandon. Dès lors, rien ne s’oppose à une application du crédit d’impôt sur un abandon partiel (renonciation du propriétaire à seulement 30 % du ou des loyers concernés, par exemple).

Quand et comment utiliser ce crédit d’impôt ?
Le crédit d’impôt s’impute sur le montant de l’IR ou de l’IS dû par le propriétaire.

Si son montant excède l’impôt dû, l’excédent est restitué au propriétaire.
Ce droit de créance que détient le contribuable sur l’État ne peut être aliéné ou cédé, sauf dans le cas et selon les conditions d’une cession « Dailly [5]».

À qui profite le crédit d’impôt dans une société fiscalement translucide ?

Dans le cas d’une société de personne, groupement assimilé ou placement collectif, le crédit d’impôt pourra être utilisé par leurs associés ou par les porteurs de parts ou actionnaires proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés, groupements ou fonds. Autrement dit, aucune distinction n’est faite selon que ces personnes participent ou non à l’exploitation de l’entité.

…et dans le cas d’une intégration fiscale ?

Si l’entreprise qui abandonne ses loyers fait partie d’un groupe de sociétés intégrées, le crédit d’impôt afférent viendra s’imputer sur l’IS global dû par l’entité mère.

L’exercice d’utilisations : pour l’heure pas de décision

L’Assemblée Nationale, à l’origine du dispositif, prévoit une imputation du crédit d’impôt sur l’IR ou l’IS dû au titre des revenus 2021 ou des exercices clos à compter du 31 décembre 2021. En d’autres termes, le propriétaire qui consent un abandon ou une renonciation au cours de l’année 2020 ou de son exercice 2020 ne percevra pas l’avantage fiscal avant 2022.
Le Sénat, quant à lui, propose de faire bénéficier du crédit d’impôt au titre de l’année ou de l’exercice au cours desquels le propriétaire a consenti l’abandon. En conséquence, pour un abandon au titre de l’année civile 2020 ou de l’exercice 2020, le propriétaire percevra l’avantage fiscal en 2021.
Il est probable que la proposition du Sénat, plus incitative du point de vue des propriétaires, soit privilégiée lors du vote définitif de la loi de finances.

La déclaration à effectuer

Le bénéfice de ce crédit d’impôt n’est pas automatique.
Le propriétaire doit déposer une déclaration spéciale en même temps que sa déclaration annuelle de revenus ou de résultat pour en bénéficier.
Le formulaire de la déclaration devrait logiquement être communiqué par l’administration fiscale début 2021.

Comment « abandonner » un loyer ?

La question de l’abandon de loyer se pose lorsque celui-ci a déjà été payé par le locataire (paiement d’avance au mois ou au trimestre). Dans ce cas, il nous semble que le propriétaire pourrait :

o procéder au remboursement direct du montant de loyer abandonné,

o ou émettre un avoir imputable sur les prochaines échéances, égal au montant de loyer abandonné.

Selon les dernières annonces du gouvernement, et sous réserve d’une amélioration des conditions sanitaires, le confinement pourrait être levé le 15 décembre prochain, soit une période d’abandon/renonciation allant du 30 octobre jusqu’au 15 décembre 2020.

Code monétaire et financier, art. L. 313-23 à L. 313-35.

[1] Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire
[2] Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
[3] Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020
[4] Selon les dernières annonces du gouvernement, et sous réserve d’une amélioration des conditions sanitaires, le confinement pourrait être levé le 15 décembre prochain, soit une période d’abandon/renonciation allant du 30 octobre jusqu’au 15 décembre 2020.
[5] Code monétaire et financier, art. L. 313-23 à L. 313-35.

PLF 2021 : crédit d’impôt pour abandon de loyers, le décryptage des avocats de Fiducial Legal by Lamy