L’investissement immobilier

L’investissement immobilier n’a pas, en tant que tel, fait l’objet de mesures particulières. Si l’on a pu s’interroger sur la prorogation automatique de promesses de vente ou l’application de la théorie de la force majeure pour légitimer l’absence de réitération d’une promesse, vendeurs et acquéreurs ont très souvent trouvé les accords nécessaires pour aller au bout de leurs transactions, sous réserve de certaines promesses qui ont été reprises par des tiers du fait de la défaillance du bénéficiaire initial.

Utilisation des bureaux et télétravail

Les acteurs s’interrogent massivement sur l’utilisation future des bureaux et leur adaptation aux nouvelles méthodes de travail, en distanciel.

L’année 2020 a été marquée dans les entreprises par le protocole national pour la santé et la sécurité des salariés conduisant à l’adaptation des conditions de travail dans toutes les entreprises. Le télétravail est ainsi entré dans les mœurs, au même titre que le respect des gestes barrières et de distanciation sociale.

Avant même le deuxième confinement, la ministre du Travail avait appelé les entreprises au télétravail à 100 %, pour toutes les activités pouvant être réalisées à distance. Cette prévention du risque d’infection se heurte, toutefois, à d’autres risques subis par les salariés en télétravail à 100 % que sont les risques psychosociaux (isolement, stress, sur-sollicitation, hyper-connectivité…). Prenant en compte cet élément, le dernier protocole sanitaire national du 6 janvier 2021 ouvre la possibilité pour les salariés en télétravail à 100 % d’un retour en présentiel un jour par semaine lorsqu’ils en expriment le besoin.

Ce retour sur site avait été anticipé par de nombreuses entreprises confrontées à l’augmentation significative des risques psychosociaux et des signaux de mal être de certains de leurs salariés. S’est donc posée, dans ce contexte, la question du caractère obligatoire du télétravail. D’après le Conseil d’État, dans une décision rendue le 19 octobre 2020, le protocole national sanitaire n’a pas de valeur normative ni contraignante. Il s’agit d’un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie de Covid-19.

Cependant, il ne faut pas minimiser la portée de ce protocole sanitaire. En cas de contentieux, il ne fait aucun doute que les juridictions tiendront compte des recommandations gouvernementales pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de sécurité.

Cette révolution du télétravail est-elle appelée à perdurer ? Les partenaires sociaux ont, en tout cas, conclu le 26 novembre 2020 un nouvel accord national interprofessionnel sur le télétravail qui permet de compléter et clarifier les règles applicables, tant en ce qui concerne le télétravail régulier que le télétravail exceptionnel en temps de crise.

Sur les financements

Si aucune ordonnance n’a spécifiquement concerné le financement immobilier, les ordonnances prises dans les autres domaines, ainsi que l’impact de la crise sanitaire sur le marché immobilier, ont pu, et continuent, d’avoir des conséquences sur les déclarations et engagements des emprunteurs (notamment le respect de certains ratios financiers) dans les contrats de prêts.

Les mesures générales relatives aux délais échus et aux clauses contractuelles sanctionnant le non respect d’une obligation (astreinte, déchéance…) pendant la période juridiquement protégée n’ayant pas été reconduites, les stipulations contractuelles sanctionnant les manquements aux déclarations et engagements s’appliquent.

Toutefois, les prêteurs et emprunteurs sont le plus souvent amenés à s’accorder sur des aménagements contractuels, temporaires le cas échéant, leur permettant la poursuite de leur relation contractuelle. Les principes d’équilibre et de bonne foi doivent donc à nouveau prévaloir afin d’inscrire ces relations contractuelles dans la durée.

Les chantiers et travaux de construction

La Covid-19 n’a pas eu raison de l’activité du bâtiment.

Les chantiers se poursuivent, en effet, grâce à un encadrement efficace désormais bien intégré.

Le guide OPPBTP, bien que dépourvu de valeur réglementaire et donc de force obligatoire est devenu un référentiel incontournable. Une huitième mise à jour depuis le 2 avril 2020 a eu lieu le 15 décembre dernier, qui a pour objet d’ajuster le guide sur les évolutions réglementaires (notamment couvre-feu, attestations dont doivent être titulaires les compagnons, identification des personnes à risque).

Les premiers retours d’expérience laissent ressortir que les contraintes organisationnelles édictées (éviter la coactivité, logistique…) impactent à la marge la rentabilité du chantier, qui est poursuivi à un rythme qui n’est pas sensiblement modifié par rapport à celui que nous connaissions dans « les chantiers d’avant ».

Reste la charge financière des frais complémentaires induits qui doit être anticipée dans tous nouveaux marchés.

Les baux commerciaux

Les différentes mesures de police administrative (confinement, couvre-feu, fermeture de certains établissements) sont accompagnées de mesures d’accompagnement pour les entreprises, tout secteur confondu, qui subissent de plein fouet la crise.

Outre la création qu’un fonds de solidarité dont les critères d’éligibilité ont été considérablement élargis au fil du temps, le Gouvernement a mis en place une neutralisation des sanctions financières à l’égard de certaines entreprises. Plus particulièrement, depuis le 17 octobre 2020, les entreprises dont l’effectif salarié est inférieur à 250, dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros et dont la perte de chiffre d’affaires est d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er novembre et le 30 novembre 2020 ne pourront se voir infliger des pénalités financières jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l’activité cesse d’être affectée par une mesure de police. Le Gouvernement est encore allé plus loin que pour le premier confinement en suspendant les mesures conservatoires et toutes les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l’encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou charges locatives exigibles.

Il n’en demeure pas moins que les différentes lois et ordonnances susvisées n’ont pour effet que de neutraliser les sanctions susceptibles d’être appliquées et aucun dispositif légal n’impose à ce jour aux bailleurs d’abandonner ou suspendre les loyers et charges pendant la période d’état d’urgence sanitaire.

Les preneurs ont alors tenté de solliciter l’annulation du paiement du loyer en invoquant différents mécanismes de droit commun et plus particulièrement la force majeure, l’imprévision ou encore l’exception d’inexécution. Si nous notons une légère tendance des tribunaux à écarter l’applicabilité de ces mécanismes, il est pour l’heure prématuré de les écarter. Dans l’attente d’une position claire des juridictions, bailleurs et preneurs sont une nouvelle fois appelés à faire preuve de bon sens et à trouver de bonne foi un terrain d’entente

Les incitations fiscales à l’abandon des loyers

Pour aider les entreprises à faire face à leurs difficultés financières et diminuer le risque d’impayés de loyers, le législateur a prévu deux mécanismes pour inciter les bailleurs à annuler/abandonner les loyers dus sur les locaux professionnels.

Le premier mécanisme mis en place par la seconde loi de finances rectificative pour 2020 du 25 avril 2020 a eu pour objectif de garantir la déductibilité fiscale des abandons de loyers (entendus HT et accessoires inclus) consentis aux entreprises (autres que les entreprises liées) sans que le bailleur n’ait à justifier d’un intérêt commercial à le faire. Le champ d’application du dispositif est très large : tous les bailleurs sont visés, ceux relevant des revenus fonciers comme ceux relevant des bénéfices industriels et commerciaux. A noter qu’il a été prorogé jusqu’au 30 juin 2021 par la loi de finances pour 2021 du 29 décembre 2020.

Cette même loi de finances a créé un crédit d’impôt temporaire pour les abandons consentis au titre des loyers (HT – hors accessoires) du mois de novembre 2020. Là encore, tous les bailleurs peuvent bénéficier de ce crédit d’impôt, les personnes physiques, les entités soumises à l’impôt sur les sociétés, les SCI, SNC, SPPICAV, SIIC… En revanche, la mesure ne concerne pas tous les locataires. Seuls sont visés les locataires prenant à bail des locaux ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public au titre du mois de novembre ou les locataires dont l’activité principale est visée par l’annexe 1 du décret 2020-371 du 30 mars 2020 (notamment, l’hôtellerie, la restauration, les cafés, les bars, l’événementiel ou encore la culture). Par ailleurs, l’entreprise locataire (ou le groupe auquel elle appartient) ne doit pas avoir un effectif supérieur à 5 000. Le crédit d’impôt est égal à 50 % du loyer de novembre 2020 abandonné. A noter que pour les abandons consentis aux entreprises ayant un effectif compris entre 250 à 4 999 salariés, le bailleur ne bénéficie du crédit d’impôt que dans la limite des 2/3 du loyer de novembre abandonné. L’abandon du loyer du mois de novembre 2020 peut être consenti jusqu’au 31 décembre 2021. Si l’abandon a été consenti en 2020, il sera imputable sur l’impôt dû par le bailleur au titre de 2020, l’excédent non-utilisé sera remboursé par l’Etat en 2021. En revanche, si l’abandon est consenti en 2021 il ne sera imputable que sur l’impôt dû au titre de 2021 et l’excédent non-utilisé sera remboursé par l’Etat en 2022. A noter qu’en pratique, pour les véhicules exonérés d’impôt sur les sociétés (SPPICAV, SIIC et leurs filiales), le crédit d’impôt devrait aboutir à un remboursement par l’Etat.

Sur le digital/signature électronique

L’année 2020 a vu l’accélération de la digitalisation dans tous les secteurs d’activité et, bien entendu, dans le secteur de l’immobilier. Le confinement a évidemment posé avec beaucoup d’acuité et d’urgence le problème de la signature des engagements à distance. Et si certains résistent encore un peu, nous sommes tous passés à la signature électronique, un outil méconnu jusque-là, mais qui bénéficie depuis longtemps maintenant d’une base juridique forte.

Un changement d’habitude fort qui imprègne aussi depuis longtemps le secteur de la construction et de la gestion : l’immeuble est de plus en plus connecté, devenant une source importante de données dématérialisées dont les acteurs se rendent compte qu’elles ont une valeur.

Conclusion

Le droit, la fiscalité et les acteurs se sont adaptés rapidement face à la crise et des nouveaux modes opératoires ont rapidement été trouvés. Certains vont certainement se poursuivre à l’avenir. Reste maintenant à suivre l’évolution de la jurisprudence et des nouvelles mesures qui seront adoptées…

LPA-CGR : Covid-19 et immobilier - synthèse juridique et fiscale