Territoires

Logement : la malédiction marseillaise, encore et toujours

17 Mai 2023 - 12h50

Le logement à Marseille, c’est une histoire infernale d’incapacités, d’inorganisation, de je-m’en-foutisme et d’une certaine dose de cynisme pimentée de aquoibonisme… et ceci, depuis très longtemps. Ne remontons pas aux calendes grecques (ce qui à Marseille pourrait avoir un sens) ni à la catastrophe de la rue d’Aubagne (qui, pourtant, a sonné le glas de la précédente municipalité), mais tenons-nous-en à l’actuelle équipe, d’abord très fugitivement menée par Michèle Rubirola, puis par l’actuel maire Benoît Payan…

La « démission » de l’adjointe chargée de l’urbanisme « et du développement harmonieux de la ville » vient de mettre en avant la question très sérieuse du grave déficit de construction enregistré par l’ancienne Phocée. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : lors de la précédente période triennale (2016-2019), Marseille avait largement dépassé ses obligations de construction sociale en produisant 7 866 HLM quand l’Etat lui avait fixé l’objectif de 6 100. Quatre ans plus tard, patatras : la capitale régionale a vu sa production HLM dégringoler de 62 % entre 2020 et 2022 ! Le préfet ne pouvait évidemment rester sans réagir : il menace la deuxième ville du pays rien moins que d’un arrêté de carence pour ne pas avoir respecté les objectifs de construction sociale lors de cette période 2020-2022 où la ville n’aurait donc réalisé qu’un gros tiers de son objectif (38,2 %) en autorisant la construction de 2 931 logements sociaux quand la feuille de route de l’Etat lui en imposait… près de 8 000. Voilà qui fait mauvais effet et qui explique le départ de Mathilde Chaboche, « la bonne marche de l’administration communale command[ant] de rapporter [ses] délégations » (dixit l’arrêté du maire mettant fin à ses fonctions). Ce départ est très caractéristique d’une contradiction très forte dans cette équipe : vouloir en finir avec l’acte de construire, vu comme nuisible en soi… et l’obligation (on pourrait écrire le devoir) de fournir des logements, et notamment des logements sociaux, aux habitants. Comment résoudre cette quadrature du cercle ? Il faudra, à l’évidence, choisir… et pas seulement à Marseille d’ailleurs.
Dans le maelstrom phocéen, dont l’ancienne adjointe ne peut à l’évidence être tenue pour seule – et bien commode – responsable, il faut aussi, parmi d’autres, noter le scenario catastrophe vécu depuis trois ans par Marseille Habitat, SEM que la ville contrôle et qui possède la bagatelle de  3 500 logements, très majoritairement sociaux. La nouvelle équipe municipale souhaitait se séparer de l’ancien directeur général, qui partit donc pour l’OPH Habitat Marseille Provence (aux mains de la métropole présidée par Martine Vassal, candidate malheureuse à la mairie…). Après un assez long intérim, une nouvelle directrice fut nommée en mars 2021 venant du Vaucluse. Las, à peine débarquée, une pénible affaire de logement loué sous son nom de jeune fille et une mésentente de plus en plus évidente avec l’équipe municipale rendit très rapidement la situation intenable. Officiellement, elle quitta son poste au bout de 18 mois, mais il y avait belle lurette que toute action était impossible étant donnée l’ambiance. Pour remplacer rapido la partante, on choisit un intérimaire venu de Toulouse… qui vient enfin de trouver un successeur en la personne de l’ancien directeur de cabinet du maire (PS) de Vitrolles. Vous suivez ? On imagine sans peine, dans cette succession de directeurs intérimaires ou impuissants, l’action de cette SEM, pourtant essentielle à l’action de la ville…

Tout cela aurait un petit air de galéjade si la situation de l’habitat dégradé à Marseille n’était pas si préoccupante, si les affaires de marchands de sommeil ne concernaient pas très régulièrement des personnalités connues, si les immeubles ne s’effondraient pas et si l’on arrivait à tenir les engagements de construction. Et l’on se demande si la situation que connut, il y a quelques années, un ministre du Logement en visite à Marseille et mettant à la disposition du maire 200 millions d’euros pour la rénovation urbaine, s’étant entendu répondre « que voulez-vous que j’en fasse ? », ne se répéterait pas. Encore et encore…

Pascal Bonnefille